Reculé au milieu d'un bois, à l'est du royaume de Sathurlo, l'orphelinat de Gewise vit des jours tranquilles. La gérante, Gewise Comefer, se tient debout et surveille d'un œil protecteur les enfants qui jouent dans le jardin comme à leur habitude, dans le but de tuer le temps alors que le soleil descend de plus en plus et annonce la fin de l'après-midi. Du haut de ses soixante ans, elle commence à sentir la vieillesse et va bientôt devoir laisser ce lieu derrière elle, qu'elle le veuille ou non. La fatigue se fait sentir dans ses jambes et elle décide donc de rentrer dans le grand bâtiment qui sert de refuge pour tous ces orphelins.
Gewise : Je vais me reposer un peu, soyez sage.
Enfants : D'accord !
Comme à chaque fois, elle sourit en entendant ce type de réponses, avant de se diriger vers l'entrée de la maison. Mais cette fois-ci, elle s'arrête net lorsqu'elle tombe sur un voyageur qu'elle semble connaître et qui attendait depuis un moment devant l'entrée principale de l'orphelinat. Ce dernier est vêtu d'une tenue de voyageur et d'une épée dans le dos. Une cape munie d'une capuche lui permet de cacher légèrement son visage mais la vieille gérante le connaît bien et l'air enjoué qu'elle arborait avec les enfants disparaît petit à petit.
Gewise : Je vois…
Elle soupire.
Gewise : Bon, entre, on va parler de ça à l'intérieur…
Gewise ouvre la porte et tous les deux entrent dans une pièce décorée d'une table avec des chaises et divers meubles. L'inconnu s'assoit sur des chaises et enlève sa capuche laissant apparaître son visage d'orc. Ce dernier est marqué par quelques blessures ayant cicatrisé et le regard qu'il arbore ne pourrait qu'inspirer la crainte à tous ceux qui le croisent.
Gewise : Que veux-tu Muruf ?
Muruf : Aurais-tu vu mon frère récemment ?
Elle lui lance un regard et va chercher de quoi faire du thé dans la cuisine avant de revenir.
Gewise : Tu en veux ?
Muruf : Non, merci.
Gewise : C'est dommage…
Le vieille femme s'assoit elle aussi, munie d'un verre de thé.
Gewise : Pour en revenir à ta question, non je ne l'ai pas vu.
Suite à cette réponse, il se lève sans dire un mot, remet sa capuche et se dirige directement vers la sortie.
Muruf : Dans ce cas, je dois y aller, je dois le retrouver au plus vite. Je te remercie d'avoir répondu à ma question…
Gewise : Attends.
Il s'arrête et regarde la vieille dame.
Gewise : Je ne sais pas où il est actuellement mais je sais où tu peux le trouver.
Muruf : Où ?
Gewise : Avant de te le dire, j'ai quelques questions à te poser...
L'orc l'observe attentivement et hésite un moment pendant un moment avant de répondre.
Muruf : Je t'écoute.
Gewise : Pourquoi tu le cherches exactement ?
Muruf : Car c'est mon frère, je ne vois pas d'autres raisons...
Sa réponse semble agacer son Gewise.
Gewise : Dis moi, est ce que tu continues à faire ce que tu fais ?
L'orc ne répond pas ce qui exaspère Gewise qui soupire.
Gewise : Tu es vraiment une cause perdue... Et quand comptes tu abandonner cette quête autodestructrice ?
Muruf : Je ne sais pas... Jusqu'à ce genre d'humains n'existe plus.
Gewise : La haine appelle la haine… Bel état d'esprit…
Muruf : C'est la seule chose que je peux faire pour changer ce monde… Aucune de mes victimes n'était raisonnable.
Gewise : En es-tu sûr ?
Encore une fois, il plonge dans le silence.
Gewise : Quand est-ce que tu te rendra compte que chaque personne que tu torture puis assassine ne fait qu'agraver ton combat… Pour chaque homme que tu considères mauvais et que tu supprime, il y a une famille et des proches qui ne verront que la haine dans tes actes et auront comme seule envie de venger celui que tu as fait taire par la violence... Chaque humain que tu élimines sera remplacé par d'autres... C'est un cercle sans fin dans lequel tu t'enfonces...
Muruf : Je le sais…
Gewise : Tu prends même du plaisir à les torturer avant de les tuer, c'est la satisfaction de leur faire subir ce qu'ils ont fait subir aux tiens qui te rend comme ça ?
Encore une fois, il ne répond pas.
Gewise : Ce que tu fais te détruit réellement et tu comptes emmener ton frère dans cet enfer ?
Elle soupire à nouveau.
Gewise : Mais bon, lui aussi te cherche, c'est pour ça qu'il a rejoint la guilde de chasseurs…
Un petit sourire peut enfin se lire sur son visage.
Muruf : D'accord, merci…
Il lui tourne alors le dos avant de partir. Gewise, quant à elle, se tient la tête en buvant son thé. L'orc s'arrête une dernière fois, au pied de la porte, et se tourne vers elle.
Muruf : D'ailleurs, merci.
Gewise : Tu me l'a déjà dit.
Muruf : Non, merci de t'être occupé de lui durant ces années… J'étais rassuré de savoir qu'il était en lieu sûr.
Un petit sourire se lit sur le visage de la propriétaire de l'orphelinat.
Gewise : Aller, va le rejoindre…
Il part une bonne fois pour toute.
Gewise : Décidément… Tu lui ressemble comme deux gouttes d'eau…
Elle boit d'un coup le reste du thé et se lève de sa chaise avant de s'engouffrer dans un long couloir donnant sur plusieurs chambres. Elle entre dans l'une d'entre elle et tombe né à né avec deux frère et soeur aux cheveux roux qui sont accompagnés d'une jeune fille. Elle jette alors un coup d'œil discret aux différentes affaires posées sur le lit.
Gewise : Vous vous êtes décidé ?
L'adolescente aux longs cheveux roux s'avance vers elle.
Oriolda : Oui, on est vraiment désolés de vous donner encore plus de corvées mais c'est impossible pour nous de la garder, on peut même vous payer si vous le voulez.
Gewise : Non ça ira, l'église du village voisin arrive à répondre à nos besoins...
Rasuré, la jeune femme sourit.
Oriolda : Bien, dans ce cas, j'espère que tout ira pour le mieux.
Elle sort de la chambre, suivie de son frère.
Oriolda : J'oubliais, évitez que les bandages qui recouvrent son bras ne s'enlèvent.
Gewise : D'accord, j'y penserais.
Oriolda : Bien, merci encore…
Ils partent tous les deux laissant Gewise et la petite fille qui les accompagnait.
J'observe le soleil se coucher, à l'avant du bateau. Les teintes de couleurs rouges au-dessus de l'eau sont magnifiques et le calme de la mer est très reposant. Il faut croire que ce monde a quand même quelque chose de beau à offrir… Des bruits de pas sur les planches en bois s'ajoutent au calme ambiant.
Faucheur : On se retrouve seul, tous les deux, encore une fois.
Il arrive et s'appuie contre le bord pour apprécier lui aussi le calme. On reste un moment à observer le soleil se coucher.
Jules : Dit, c'était qui ces gens au port ?
Faucheur : C'étaient des nettoyeurs.
Jules : Des nettoyeurs ?
Faucheur : Oui, on les appelle comme ça car ce sont eux qui suppriment les individus trop problématiques. Ils sont assez discrets et personne ne connaît vraiment leurs identités. On sait juste qu'ils agissent par petit groupe contrôlé par une sorte de guilde qui leur dit quoi faire et à quel moment.
Ils éliminent les individus problématiques ?
Jules : Donc ces femmes armées qu'on a vu au port, tu penses qu'elles venaient pour moi ?
Faucheur : C'est possible... Surtout à cause de ce que tu as fait...
Jules : Alors comme ça tu est au courant pour le meurtre que j'ai commis lors de la dernière mission…
Faucheur : Les rumeurs circulent vite et un secret ne reste pas caché indéfiniment… Même si tu ne l'as pas fait volontairement, tu es quand même considéré comme un potentiel danger pour les autres chasseurs et il est possible que l'acte que tu as commis se reproduise encore. Tu auras beau dire que ce n'est pas toi ou que tu ne l'as fait volontairement, l'acte, quant à lui, s'est bien déroulé et peut se reproduire car le risque zéro n'existe pas.
Un secret ne reste pas caché indéfiniment... Et on en est là... Ce qu'ils ont caché depuis si longtemps à été trouver et on se retrouve sur ce bateau… Il n'ont pas voulu révéler leur mana mais… Mais je l'ai révélé au grand jour... C'est alors que j'entend un miaulement à côté de moi. Je tourne ma tête et je vois ce chat… Ce chat aux yeux crevés... Ce démon... Il arrive et s'assoit à côté de moi, mais, cette fois-ci, je n'ai plus cette envie de le tuer. Est ce que c'est parce que je connais son origine et son but ? Peut être... "il se révèle aux yeux des gens ayant la capacité de changer le monde autours d'eux"... Ai-je vraiment les capacités pour changer le monde autour de moi ? Je peux changer leurs modes de pensée ?
Jules : Tu te souviens de la fois où tu m'as dit que mourir était peut-être la seule solution pour revenir ?
Faucheur : Oui.
Jules : Tu le penses toujours ?
Faucheur : Oui... Mais je ne le fais pas.
Jules : Pourquoi ?
Faucheur : Parce que j'ai peur, je ne sais pas ce qu'il y a après la mort... Et il a aussi des choses qui me forcent à rester dans ce monde...
Jules : Quels genres de choses ?
Il se tourne vers moi, je vois son regard à travers son masque qui croise le miens.
Faucheur : Vous tous... Tant que vous serez en vie, je resterai là.
Puis il se remet à observer le coucher de soleil.
Faucheur : Surtout Rose et Avenal.
Jules : Ah ?
Faucheur : Ca ne doit peut-être pas sauter directement aux yeux, mais ce sont des personnes assez perdues dans leur vie. Ils ont vécu ensemble pendant des années dans un orphelinat. Ils se sont vite liés d'amitié avec une autre personne pendant leurs jeunesses mais cette dernière les a laissé derrière lui et est partit on ne sait où. Quand ils étaient encore tous les trois ensemble, c'était lui le meneur, leur source d'espoir... Rose et Avenal le voyaient comme un grand frère protecteur... Depuis ils sont perdus et j'essaye tant bien que mal d'y remédier...
Le soleil finit par disparaître définitivement derrière la mer.
Faucheur : Enfin bref, il va falloir aller se reposer... Il se fait tard et demain risque d'être une journée fatigante.
Jules : Oui…
Je pars en direction de la cale qui est le seul endroit où l'on peut dormir correctement. On n'est pas sur un bateau moderne donc pas de cabines… Je remarque que Faucheur ne me suit pas, il reste accoudé au bord du pont et observe la mer dans la pénombre .
Jules : Tu viens pas ?
Faucheur : J'attends quelqu'un...
Étrange... Je décide donc de descendre dans la cale où je vois plusieurs personnes qui sont allongées entre des caisses ou d'autres objets nécessaires sur un navire.
Jules : C'est vraiment pas le luxe… Mais bon...
Je me trouve un coin pour m'allonger puis je sors des plantes médicinales, je les mâche longuement et avale le tout pour ensuite m'endormir rapidement.
Geno quant à lui sort de cale et arrive sur le pont du bateau, il s'approche de Faucheur qui est toujours accoudé au bord du pont et qui observe l'horizon.
Geno : Et bien, il en a pris du temps avant de partir.
Faucheur : J'ai pris pas mal de temps pour discuter avec lui, pour mettre les choses au clair. Mais sinon, pourquoi voulais-tu me parler ?
Geno : Je voulais te dire que je suis désolé pour ce qu'il s'est passé à l'église. J'étais perturber par les visions d'Alina à ce moment-là…
Faucheur : Ne t'excuse pas, moi aussi je me suis emporter sur le coup et je suis tout aussi fautif…
Geno vient lui aussi s'accouder mais en faisant dos à la mer.
Faucheur : Tu te souviens de ce gamin que tu avais aider, il te ressemblait je trouve.
Geno : Ah ?
Faucheur fait un geste de la tête en guise de réponse. Le silence reprend alors que les ténèbres de la nuit s'installent toujours un peu plus.
Geno : Tu trouves que Jules a changé ?
Faucheur : C'est pas vraiment à moi qu'il faut demander ça mais oui, il a changé, son visage et son regard le prouvent...
Geno : Plus j'y repense et plus je me dis que j'ai merdé, peut être que le confronté à la réalité n'était pas une si bonne idée… Ca ne l'a absolument pas renforcé ni préparé à affronter les difficultés de ce monde...
Faucheur : Tu as tort.
Geno : Pourtant tu le disais toi-même.
Faucheur : Tu sais, lorsqu'on est allé te sauver, j'ai obligé Jules à tuer quelqu'un… Lorsque mon escouade était revenue à la guilde, avant ton enlèvement, tu m'avais dit de le faire si cette situation se présentait à lui...
Geno : Je m'en souviens et t'étais fortement opposé à cette idée mais tu l'as quand même poussé à le faire.
Faucheur : J'y était pas opposé sur le moment, c'est seulement après cet acte que j'ai changé d'avis et que je me suis dis que ce n'était pas une bonne idée... Sur le coup je pensais avoir raison mais non... Tout ce qu'il faut c'est jauger, savoir quand il faut confronter et quand il faut protéger.
Geno : Jauger…
Le silence reprend sa place mais est vite brisé par le soupir de Geno qui observe sa main droite.
Geno : Il va falloir jauger cette mission alors qu'on va bientôt se retrouver avec du sang sur les mains...
Faucheur : Comment-ça ?
Geno : Amener quelqu'un qui a pour but d'observer le comportement de notre mana… Tu ne trouves pas ça suspect ? Et le fait que la guilde fasse ces observations sur une île reculée…
Faucheur : Tu es clairement dans la paranoïa.
Geno : Pourtant, tu as déjà vécu quelque chose d'identique si je ne me trompe pas ?
Il pointe alors la faux de combat qui est accroché dans le dos de Faucheur.
Geno : Cette arme que tu gardes toujours avec toi, c'est une arme qui à été forgée et qui t'as fait souffrir pas vrai ? Les personnes qui t'ont fait souffrir t'ont observé dans l'ombre et tu as fini par être le cobaye d'expériences visant à créer ses armes à base de mana.
Faucheur : Je vois ou tu veux en venir et je suis d'accord avec toi pour le coup mais… Est ce qu'il n'existe pas une autre solution ?
Geno soupire.
Geno : Je pense que c'est la meilleure solution qui s'offre à nous… Pas parce qu'on est exposé à un danger… Mais parce que les répercussions de ces observations seront destructrices. Actuellement, ils ne font que tâter le terrain pour voir jusqu'où le mana instable peut aller et après il verront ce qu'ils pourront en faire…
Il pose son regard sur la faux qui est accroché au dos de son ami.
Geno : Tu regrettes la mort de Reinhold ?
Faucheur : Pourquoi est-ce que tu me poses cette question.
Geno détourne alors le regard.
Geno : Je repensais à ce que tu avais vécu et à ces expériences puis le nom de ce gars m'est revenu en tête.
Faucheur : Hum… Je regrette de ne pas l'avoir tué de mes propres mains. Même si nos chemins se sont séparés, pour le mieux, je voulais quand même réaliser sa dernière volonté. Il a perdu la vie en me voyant comme un ennemi… Ce que je ne voulais pas…