Valeur innée

Alors que les royaumes s'efforçaient d'améliorer leur secteur de développement, certains, comme Zyriel et Erina, avaient compris qu'une attaque précoce pourrait ralentir la progression des autres. Anos, éclaireur de Zyriel, accompagné de cinq soldats, partit explorer le sud en premier. Rapidement, ils découvrirent une immense chaîne de montagnes qui s'étendait sur tout l'horizon méridional. Ces montagnes étaient parsemées de plateaux escarpés, de ravins profonds, de torrents tumultueux et de grottes mystérieuses.

"Je pense que nous avons trouvé où se cachent les Aegyls", murmura Anos, balayant du regard le paysage accidenté devant lui.

"Pourquoi dites-vous cela, général ?" demanda l'un des soldats, perplexe, car il n'y avait aucun signe visible des Aegyls.

"Rappelez-vous de la fresque du temple sacré de l'air. Après avoir atterri dans notre monde, les Aegyls s'envolèrent vers des montagnes pour y bâtir leur première cité. Je suis prêt à parier que le professeur Kazuhira les a fait réapparaître là où leurs ancêtres ont posé les fondations de leur civilisation", expliqua Anos, son visage reflétant une concentration intense.

"C'est vrai ! Je n'y avais pas pensé !" s'exclama un autre soldat, les yeux écarquillés.

"Il y a donc de grandes chances qu'ils soient ici", ajouta un troisième, scrutant les hauteurs avec méfiance.

"Le problème, cependant, réside dans le relief dans lequel ils évoluent", pensa Anos, son regard calculateur parcourant les sommets. "Avec leur maîtrise de l'air, ils peuvent compenser le manque d'oxygène en altitude et s'adapter progressivement. Et si jamais ils développent des moyens de transport aérien, comme dans leur monde d'origine, nous pourrions nous retrouver face à une armée de l'air extrêmement puissante, ce qui leur donnerait un avantage considérable sur le terrain."

"Un problème, général ?" demanda un garde, remarquant le silence soudain d'Anos.

"Non ce n'est rien. Allons les débusquer. Restez sur vos gardes", ordonna Anos d'une voix ferme.

"Bien compris, général !" répondirent-ils en chœur, adoptant une posture militaire impeccable avant de se mettre en route, étudiant minutieusement le terrain et les zones exploitables pour une invasion.

Pendant ce temps, Erina, consciente du danger que représentaient les progrès de leurs adversaires, envoya Melios en mission de reconnaissance dès leur arrivée. Yoko et Kaiser, ne l'ayant même pas vu partir, se questionnaient sur son absence. Finalement, Yoko décida d'en parler avec Erina.

"Au fait, Erina," commença-t-elle, sa voix résonnant doucement dans la grotte, "Melios a décidé de prendre une autre équipe ?"

"Rassure-toi, je l'ai envoyé repérer nos adversaires dès que nous sommes apparus", répondit Erina d'un ton calme.

"Je ne l'ai même pas vu partir !" s'écria Yoko, incrédule.

"C'est normal. Après tout, Melios est un assassin extrêmement efficace. Il est formé pour partir en mission n'importe où, n'importe quand, sans préparation préalable."

"Tu es sérieuse ?!" intervint Kaiser, étonné, son visage éclairé par la flamme qu'il avait créée pour percer l'obscurité de la grotte.

"Très sérieuse. Il n'est pas mon bras droit pour rien", répondit Erina, nonchalante.

"Tu dois vraiment lui faire confiance, alors", dit Yoko.

"C'est l'une des très rares personnes à qui j'accorde ma confiance", admit Erina, s'arrêtant soudainement. "Nous pouvons nous arrêter ici", ajouta-t-elle.

Erina, Kaiser et Yoko venaient d'atteindre une galerie souterraine immense, avec des cavités creusées dans les parois. Une petite rivière prenait sa source dans l'une des parois et serpentait jusqu'à la mer. Certaines parties du sol étaient couvertes de petites herbes, et un rideau de lumière filtrait faiblement à travers une fissure dans le plafond, illuminant l'espace d'une lueur douce.

"Woah, c'est magique ! J'adore !" s'émerveilla Yoko, les yeux brillants face à cette beauté naturelle.

"Pas le temps d'admirer, on se met au travail", lança Erina d'une voix sèche.

"Ah, euh, oui, pardon", se reprit Yoko timidement.

"Nous aurons besoin de plus de lumière dans les cavités", observa Kaiser.

"Je peux m'en charger", dit Erina. Elle frappa le sol du pied, et des cristaux lumineux de différentes couleurs jaillirent un peu partout, projetant des reflets scintillants sur les parois rocheuses.

Kaiser, sans s'en rendre compte, afficha une expression perplexe, restant silencieux.

Erina le remarqua. "Qu'y a-t-il ? Tu n'as jamais vu la maîtrise des cristaux ?" demanda-t-elle, un petit sourire en coin.

"Jamais. Mais dis-moi, tu maîtrises combien de sous-éléments de la Terre ?" avoua puis demanda Kaiser.

"Je maîtrise tous les sous-éléments de la terre, à l'exception de la lave. Je peux donc créer du verre, du métal, des cristaux et des minerais variés", expliqua Erina, utilisant sa maîtrise de la terre pour aplanir une grande surface circulaire sur le sol.

"Incroyable..." murmura Yoko, stupéfaite.

"Je savais que tu étais spéciale, mais là, tu vas au-delà de ce que j'imaginais", dit Kaiser, impressionné.

"Tu n'as encore rien vu", répondit Erina d'un air mystérieux. "Peut-être que vous aurez la chance de voir ma maîtrise secrète..."

"Maîtrise secrète ? Qu'est-ce que c'est ?" demanda Yoko, intriguée.

"Les maîtrises secrètes sont des capacités extrêmement rares qui découlent d'un élément principal. Par exemple, la maîtrise du sang découle de la maîtrise de l'eau, ou encore la lévitation découle de la maîtrise de l'air", expliqua Kaiser.

"Et donc... Si tu maîtrises tous les sous-éléments de la terre, hormis la lave... ça veut dire..." dit Yoko, hésitant presque à formuler ce qu'elle venait de comprendre.

"Que je maîtrise les os ? Haha, peut-être. Allez, continuons à aménager cet endroit. Je vais chercher les autres", conclut Erina.

"Pourquoi c'est toi qui y vas ?" demanda Kaiser, plissant les yeux.

"Tu préfères que Yoko y aille, pour que nous restions seuls... rien que tous les deux ?" dit Erina d'une voix sensuelle, se rapprochant de Kaiser, son regard plongé dans le sien.

"Bien sûr que non ! P-Pourquoi tu dis ça comme ça ?!" bégaya Kaiser, rougissant légèrement.

"Y a un truc entre vous deux que je ne sais pas, Kaiser ?" demanda Yoko, embarrassée.

"Non, il n'y a rien entre nous ! Elle essaie juste de manipuler la situation !" s'exclama Kaiser précipitamment. "Dis-le-lui, Erina !" Mais Erina avait déjà disparu sans qu'ils ne la voient partir. "Où est-elle passée ?!" cria Kaiser, perplexe.

Erina sortit calmement de la grotte et alla retrouver l'autre partie de l'équipe. Étant capable de couvrir ses traces, elle était bien placée pour aller et revenir sans risquer d'attirer l'attention des monstres ou d'éventuels espions.

Arrivée au point d'apparition, elle constata que Keldo et Sorey avaient divisé le grand tableau de pierre et l'avaient pratiquement rempli d'écrits du côté de Sorey et de plans de machines du côté de Keldo, ainsi que de nombreux calculs.

"Tiens, Erina, tu es de retour. J'imagine que tu as trouvé un bel endroit", dit Areyos, lui aussi revenant de sa ronde, descendant des airs avec grâce.

"Oui, nous avons trouvé une grande grotte en plein cœur de la forêt. C'est un endroit parfait", répondit-elle.

"Super. J'ai fini de faire le plan de la région et du reste du monde", dit Areyos, tendant à Erina sa tablette de pierre.

"Parfait. On pourra mieux coordonner nos expéditions. Ça m'étonne que tu aies déjà réussi à survoler le monde entier", dit Erina.

"Je n'en ai pas eu besoin. J'avais mémorisé la carte de ce monde quand le professeur l'avait affichée avant de lancer la simulation. Il m'a suffi de la redessiner sur cette tablette en pierre et de survoler la région pour voir à quelles zones elle correspondait sur la carte", expliqua Areyos, d'un air naturel.

"Woah, tu m'épates. Je n'y avais pas pensé. Ça nous évite des explorations risquées, car j'imagine que tu connais donc l'emplacement des monstres et des ressources, puisqu'ils étaient affichés sur la carte aussi", déduisit Erina.

"Exactement", dit Areyos, un léger sourire aux lèvres.

"Woah, tu es incroyable, Areyos. Tu viens de nous faire gagner un temps fou", s'exclama Luna.

"Faut croire que j'ai bien fait de choisir l'équipe gagnante", ajouta Sola, le regard déterminé.

"Merci du compliment, les filles", dit Areyos, renvoyant un sourire charmant.

"C'est bon, chef, j'ai fini de concevoir quelques machines. Mais en ce moment, il me faut du papier", dit Keldo en s'approchant.

"En effet, de quoi as-tu besoin ?" demanda Areyos, les bras croisés.

"De base, il me faudrait plein de machines pour y arriver, mais je pense que je peux simplement utiliser vos pouvoirs pour accomplir ce que ces machines auraient fait", dit Keldo, se parlant presque à lui-même.

"Des 'machines' ? Qu'est-ce que c'est ?" demanda Sola, confuse.

"Disons que ce sont des dispositifs conçus pour accomplir des tâches en utilisant de l'énergie, en gros", expliqua Keldo.

"Okay, et tu penses qu'on peut remplacer ces machines ?" demanda Sola.

"Absolument. On pourrait aussi les créer, mais leur fonctionnement ferait trop de bruit", dit Keldo.

"Pour le bruit, je peux m'en charger, vu que je maîtrise le son. Et pour des quantités plus importantes de papier, nous aurons besoin d'une machine à papier", dit Areyos, réfléchissant.

"Oh, ne vous inquiétez pas. Nous n'aurons pas besoin de papier pendant longtemps. J'en aurai besoin uniquement jusqu'à ce que je termine ce que j'ai en tête", dit Keldo, un sourire mystérieux aux lèvres.

"Je vois. Je te fais confiance. Que veux-tu qu'on fasse ?" demanda Areyos. Les autres étaient attentifs, prêts à expérimenter les connaissances étranges mais fascinantes de Keldo sur la technologie humaine.

"J'ai besoin d'un atelier, de plantes de papyrus et de bois. Une table en bois fera l'affaire", demanda Keldo.

Luna contrôla alors le bois d'un arbre près d'eux et lui donna la forme d'une table.

"Ça ressemble à quoi, un papyrus ?" demanda Sola, confuse.

"Je n'en ai aucune idée", dit Luna, tout aussi perplexe.

"Sérieux !? Je pensais que vous connaissiez absolument toutes les plantes !" s'écria Keldo.

"Bah non, c'est quoi ce stéréotype ? Sylvestria possède certes toutes les plantes du monde, mais ce n'est pas tous les elfes qui s'y intéressent", répliqua Luna.

"Ahh...", soupira Keldo, la main sur le front. "Et la plante de fibrosia, alors ? J'ai lu quelque part qu'elle ne pousse qu'à Sylvestria et est réputée pour ses fibres", demanda-t-il.

"Oui ! La fibrosia, c'est facile à faire pousser", dit Sola. Elle se concentra, une aura verte lumineuse entourant son corps, puis la fibrosia sortit du sol progressivement. Son tronc, fin et élancé, arborait une écorce d'un vert éclatant qui captait la lumière du soleil, tandis que ses feuilles, larges et translucides, oscillaient entre des teintes de bleu et de vert, comme si elles étaient faites d'une matière semi-lumineuse. Sola draina ensuite des arbres, grâce à sa maîtrise de l'eau, une lame d'eau sous pression pour couper la fibrosia, puis plaça les morceaux sur la table en bois.

"Parfait, on peut commencer", dit Keldo. Il se tenait au centre de l'atelier improvisé, entouré de ses compagnons, prêt à initier le processus de fabrication du papier. Devant lui, un grand tas de bois fraîchement récolté et des plantes soigneusement cueillies attendaient leur transformation.

"Bon, écoutez bien", commença Keldo d'une voix assurée. "Pour fabriquer du papier, il nous faut d'abord transformer ce bois et ces plantes en une pulpe fine. Pour ça, il faut les broyer."

"Ça ne devrait pas être trop compliqué à faire", dit Areyos, créant un mortier géant en métal.

"Cool, c'est parfait", dit Keldo, enthousiaste. Sola jeta ensuite les morceaux de fibrosia dans le mortier, puis Areyos créa une colonne de métal en guise de pilon et le contrôla à distance pour broyer la plante en la pilant.

"C'est fantastique de pouvoir maîtriser un élément...", dit Keldo.

"Pourquoi dis-tu ça comme ça ? Tu ne maîtrises pas d'éléments ?" demanda Sola.

"Non. Le chi de mon père a été détruit par le professeur Shiki en même temps que celui d'une armée d'un million d'hommes. Ma mère ne possédant pas de chi, je suis né avec un chi endommagé à cause des gènes de mon père", dit-il, pensif.

"Ton père faisait partie de cette armée-là !? J'arrive pas à y croire... Je suis désolée pour toi, Keldo", dit Luna, le regard compatissant.

"Ça ne t'a pas empêché d'être formidable en tout cas...", dit Rey.

"Merci, c'est gentil, chef !" répondit Keldo.

"Pour moi, les personnes les plus fortes sont celles qui réussissent dans la vie sans avoir été gâtées par celle-ci", commença Areyos, attirant l'attention de tout le monde. "Moi, j'ai eu droit à une réserve d'énergie énorme et des prédispositions incroyables grâce aux gènes de mes parents. J'ai ensuite grandi entraîné par une légende vivante. Je suis juste bien né. Rien de ce que je suis n'est vraiment mérité...", dit Areyos, son calme contrastant avec le poids de ses mots. Erina baissa la tête, réalisant que c'était à peu près pareil pour elle.

"Je te comprends... Moi aussi, j'ai hérité des gènes de mes parents. Et c'est ça qui m'a mise en avance par rapport aux autres au niveau des maîtrises élémentaires. J'évolue plus vite. J'ai eu la chance de naître chez des gens qui m'ont entraînée aussi bien", intervint Erina. "Mais à t'entendre parler, Areyos, tu le vois plus comme une mauvaise chose plutôt qu'une bonne...", ajouta-t-elle.

Areyos resta silencieux un moment, stoppant momentanément le pilon en métal, plongeant la zone dans un silence lourd. "En soi, ce n'est pas une mauvaise chose. C'est juste que je veux être moi... pas le fils d'Astarus Shielden. Je ne veux pas qu'on m'admire ou qu'on m'estime juste parce que je suis le fils d'Astarus et d'Athlana. Je veux être Areyos. Je ne veux pas avoir à dépendre de ce que mes parents ont laissé comme traces. Je veux faire mieux qu'eux. Cette envie de m'affirmer et d'évoluer constamment, c'est ce que je vois en Keldo", confia Areyos, d'une voix calme mais aux paroles profondes. Les autres furent touchés par cette réflexion. Ils venaient de voir en Areyos quelqu'un qui pouvait se remettre en question malgré ses capacités dépassant la normale, mais surtout quelqu'un qui reconnaissait la valeur des autres.

"C'est si beau ce qu'il vient de dire", dirent Luna et Sola, les larmes aux yeux.

"Ça m'a motivé. Je ne le montre pas souvent, mais...", commença Keldo, la tête baissée. "Ça fait grave du bien de recevoir des encouragements des personnes admirables", dit-il en levant la tête.

"Je suis tellement motivé maintenant que j'en tremble et j'en ai les larmes aux yeux", dit Sorey.

"C'est sûrement une poussière dans l'œil", dit Keldo, ce qui fit rire le groupe. Areyos les regarda, puis serra les poings.

"Je vous donne ma parole qu'on remportera cette épreuve. Cette épreuve nous met tous sur un même pied d'égalité... Je veux me prouver à moi-même que, sans mes avantages innés, je suis capable de me hisser au sommet sans dépendre de l'ombre de mes parents ou de Barrios", pensa Areyos.

"Allons-y, dépêchons-nous de créer ces feuilles de papier. Il faudra chauffer ces plantes avec un peu d'eau pour en extraire les fibres."

"Je peux faire ça aussi", dit Areyos.

"Laisse, je vais t'aider", dit Erina, utilisant sa maîtrise du feu pour chauffer le mortier. Areyos généra un peu d'eau qu'il versa dans le mortier.

Les membres de l'équipe s'affairèrent alors, coordonnant leurs pouvoirs et leurs talents. L'atelier vibrait d'une énergie harmonieuse, chaque geste étant précis et mesuré. Peu à peu, sous le regard attentif de Keldo, le bois et les plantes se transformèrent en une pâte fine, qui fut étalée sur un cadre en bois soigneusement préparé par Luna et Sola.

Erina, à l'aide de sa maîtrise du feu, s'assura que la pâte séchait rapidement tout en gardant son intégrité. Puis, elle passa une lame métallique chauffée sur la feuille pour polir sa surface, et finalement, un magnifique rouleau de papier, d'une texture lisse et éclatante, fut obtenu.

"Regardez ce que nous avons accompli !" s'exclama Keldo, fier de l'œuvre collective.

"Ce papier est parfait", ajouta Luna, les yeux brillants d'enthousiasme.

Sorey sourit et conclut : "Même avec des moyens élémentaires, nous pouvons créer quelque chose d'extraordinaire."

"Et ce n'est que le début. Ce que je vous prépare dépassera l'entendement", ajouta Keldo, motivé plus que jamais.

À suivre...