Lucie reviens quelques minutes plus tard avec un jeune homme. Il devait avoir la vingtaine et avait des yeux vairons. Ses mains étaient attachés dans son dos et un bâillon l'empêchait de parler. Son visage tuméfié et les traces de sang autour de son nez laissaient penser qu'il avait été passé à tabac.
Lucie le força à se mettre à genoux devant Mikaëla avant de retourner prendre sa place derrière Laura. Le prisonnier garda la tête baissée.
"Reconnais-tu la personne qui se trouve devant toi ?" Demanda Laura.
"Il appartient au clan Richard, répondit Mikaëla sans détacher les yeux du prisonnier."
"Pour être exact, il s'agit d'Édouard, le fils aîné du chef du clan Richard, précisa Laura. C'est également lui qui, la semaine dernière, a tué ton frère."
Les yeux de Mikaëla passèrent du prisonnier à Laura en un éclair. Elle la fixa incrédule.
"Comme je te le disais, poursuivie la cheffe de clan, avoir trois bandes implique de grandes responsabilités. Notamment, celle d'ôter la vie. Tus cet assassin !"
Pour la première fois de sa vie, Mikaëla était confronté à un meurtre de sang froid. Tuer quelqu'un lors d'un combat pouvait encore passer car c'était sa vie ou la sienne. Mais là, Édouard était sans défense. Elle ne pourrait se trouver aucune excuse pour expliquer son geste. A part une peut-être. D'après la cheffe de clan, Édouard avait tué son grand frère, la personnes qu'elle aimait le plus et l'une de celles qui ne la considérait pas comme un monstre. Mais était-ce une raison pour rajouter de l'huile sur le feu dans cette guerre ?
"Si je le fais, il n'y aura plus de retour en arrière possible, explica Mikaëla. La guerre contre le clan Richard ne pourra plus être arrêtée que par un bain de sang. Même après ce que vous lui avez fait, je suis sûr qu'on peut encore éviter ça en négociant."
"La guerre est déjà déclarée et elle ne se gagnera pas en pour parler, annonça Laura qui pour la première fois, avait perdu son impassibilité. Ils ont tué notre futur chef de famille, mon neveu, ton propre frère ! De notre point de vu, la guerre a déjà tourné au massacre et nous le leur ferons comprendre. Tus le !"
"Fais le souffrir, qu'il regrette bien ses actes, ajouta Greg d'un ton amère."
Mikaëla sentait qu'une profonde rage grandissait en elle. Une rage à l'encontre de cet homme en face d'elle, pour des raisons évidentes. Comment avait-il pu faire ça ? Lui qui entretenait une liaison à la Roméo et Juliette avec Louis. Elle avait du mal à y croire mais elle ne pouvait pas ignorer les dires de sa tante. D'autant plus qu'en temps de guerre, qui pouvait savoir si sa fidélité au clan Richard ne l'avait pas poussé à commettre le pire des crimes ?
Elle en voulait également à sa tante et à son clan de l'obliger à tuer une personne de sang froid. Elle n'avait aucune envie de faire ça, ça la terrifiait. Mais elle savait que si elle ne le faisait pas, sa vie serait encore plus dur qu'elle ne l'était. Personne au sein de son clan n'accepterait cela. Pourtant, si elle le faisait, ce serait elle qui n'arriverait pas à l'accepter, qui ne pourrait pas vivre avec.
Elle regarda tour à tour toutes les personnes présentes dans la pièce. Dans le regard de sa tante, elle vit une haine profonde à l'encontre d'Édouard. La femme qui n'affichait aucune émotion lors des combats de tout à l'heure était bien loin. Aucun doute possible, si Mikaëla ne tuait pas le malheureux, ce serait sa tante qui s'en chargerait.
Dans les yeux de Greg et de Lucie, Mikaëla pouvait y lire du dégoût. Pour autant qu'elle sache, ce dégoût pouvait autant être dirigé contre Édouard que contre elle qui hésitait à le tuer.
Dans le regard de son cousin, elle vit de la compation. Pas pour le prisonnier, mais pour elle. Il savait ce que ça représentait pour elle de prendre une autre vie, d'être encore une fois une meurtrière.
Elle reporta son attention sur Édouard. Ses yeux étaient au bord des larmes. Ils exprimaient une profonde tristesse qu'ils n'exprimaient pas à son arrivée ainsi qu'un début de résignation. Visiblement, les paroles de Laura l'avaient abattu. Il savait qu'il était condamné. Que quoi qu'il fasse, son destin était sellé. Peur import le choix de Mikaëla, il vivait ses derniers instants. Jamais il ne sortirait de cette pièce vivant.
Si le condamné avait affiché un air de défi, il aurait pu faire douter Mikaëla sur son choix. Mais là, il n'y avait pas de place pour l'hésitation. Il ne se vantait pas de son crime. Que se soit lui qui l'ai commis ou qu'on lui fasse porter le chapeau, cela le rendait profondément triste. Elle ne pourrait pas le tuer et encore moins le faire souffrir.
"Je ne peux pas le tuer." Avoua Mikaëla, vaincue.
"Je savais qu'elle n'avait pas le cran. Cheffe, laissez moi le faire à sa place !" Demanda Lucie, encore plus dégoûtée qu'avant.
"Non, laisse la s'expliquer d'abord, répondit sèchement Laura. Alors Mikaëla ?"
"Ce n'est pas ... ce que Louis aurait voulu, assura Mikaëla en fermant les yeux."
"Quoi, tu penses que ton frère n'aurait pas voulu être vengé ?" Demanda Greg, furieux.
"Pas si ça déclenche un massacre !" Affirma Mikaëla en se tournant vers lui. "Je ne le ferais pas."
"Bien. Je vais prendre en compte ton avis, dis la cheffe de clan visiblement déçu. Tu ne le tueras pas, mais tu y assisteras. Tu devras tout regarder, c'est non négociable."
"Très bien..." Répondit Mikaëla résignée, sans oser croiser le regard de quiconque.
"Greg, je te laisse commencer, annonça Laura."
Greg afficha un sourire sadique. Il s'approcha du prisonnier avec une lenteur exagérée. Comme s'il voulait profiter de cet instant. Il empoigna le col d'Édouard avec sa main gauche et enveloppa son poing droit avec une couche de métal épaisse. Sans attendre, il commença à rouer de coups la tête du malheureux. Du sang giclait de son nez et de sa bouche. Le tortionnaire ne s'arrêtera qu'au moment où sa sœur l'ayant rejoint pris la parole :
"Le défonce pas trop, moi aussi j'aimerais m'amuser avec lui avant qu'il ne passe l'arme à gauche."
Mikaëla observait la scène sans bouger, ses mains serrer dans son dos. Elle devait rassembler toutes sa volonté pour ne pas détourner le regard ou quitter la pièce. De tous les spectateurs, c'est elle qui semblait être la plus touchée par la scène qui se déroulait. Sa tante et son cousin, eux, semblaient apprécié le spectacle.
Greg détacha les mains du prisonnier et étala l'une de ses mains au sol. Sa sœur entreprit de lui casser les os de la main en commençant par le pouce. Édouard poussa un cri de douleur qui résonna dans la pièce. Ce qui encouragea Lucie à continuer. Ses cris de douleurs devenait de plus en plus difficiles à supporter et se mêlèrent à ses sanglots.
C'en était trop. Mikaëla ne pouvait plus le supporter. Elle lança une énorme bourrasque de vent qui fit tomber toutes les personnes présentes dans la pièce. Elle s'avança vers Édouard en utilisant son pouvoir pour former un couteau aiguisé. Sans attendre, elle se mit à genoux et enfonça sa lame dans le cœur du supplicié. Celui-ci n'eu la force de prononcer qu'un seul mot, audible uniquement de Mikaëla, avant de rendre son dernier souffle : "Merci."
Mikaëla se releva doucement, le souffle court, le regard dans le vide. Une larme coulait le long de sa joue.
Sans crier gard, Lucie agrippa Mikaëla et la plaqua au sol, à quelques centimètres de la marre de sang qui commençait à se former sous le corps d'Édouard.
"Pourquoi t'as fait ça espèce de ..." Cria Lucie avant d'être coupée par Laura.
"Ça suffit ! Lâche la ! Il faut croire qu'elle ressemble à son père finalement." Déclara Laura.
Lucie lâcha Mikaëla après quelques secondes et se releva en poussant un soupir de mécontentement. Éric se précipita vers sa cousine et l'aida à se relever.
"Greg, je te laisse t'occuper du corps. Enterre-le, brûle-le, jette-le sur le territoire du clan Richard ou donne-le à manger aux chiens. Fais en ce que tu veux tant que je ne le revoit plus jamais. Eric, Mikaëla, suivez-moi." Ordonna la cheffe de clan.
Sur ces mots, elle sortit de la pièce. Eric entraîna Mikaëla à sa suite. Ils montèrent les escaliers, déambulèrent dans les couloirs et ne s'arrêtèrent qu'une fois arrivés dans une petite salle sans fenêtre au dernier étage où les attendaient une femme.
"Je suppose qu'elle a réussi le test." Dit l'occupante de la pièce.
"Tu suppose bien Éléa." Répondit Laura. "Il faut que tu lui tatoue la bande de l'air"
"Évidemment qu'elle a réussi !" Annonça fièrement Eric. "Elle était incroyable ! Tu aurais dû voir ça, elle a réussi à battre Greg et Lucie avec une telle facilité ! Je te jure, il..."
"Tais-toi Eric ! Il faut vraiment que tu apprennes à te taire. Ça devient insupportable !" Le coupa Laura.
"Pardon, Laura." S'excusa-t-il en baissant la tête.
"Si le combat a été aussi facile qu'il le dit, d'où vient tout ce sang ?" Demanda Éléa.
"Ce n'est pas le sien. C'est celui de notre invité. Ou plutôt c'était." Explica Laura.
Éléa alla chercher son matériel de tatouage et Mikaëla s'installa sans un mot sur un siège, les bras à plat sur une table. Les deux autres quittèrent la pièce pour laisser Éléa travailler tranquillement.