Marceau, lui, semblait tendu, ses traits tirés par la fatigue et l'irritation. Ses vêtements portaient encore les traces de son voyage, et une lueur de colère contenue brillait dans ses yeux.
— Vous m'avez convoqué ? lança-t-il d'un ton glacial, son regard fixé sur Montclair avec une intensité presque menaçante.
Montclair ne lui répondit pas immédiatement. Il prit le temps d'évaluer son interlocuteur, laissant planer un silence oppressant. Ses doigts tapotèrent doucement la surface de son bureau, chaque mouvement amplifiant la tension dans la pièce.
— Enfin, Marceau, finit-il par dire d'un ton tranchant. Expliquez-moi cet échec. Pourquoi êtes-vous revenu les mains vides, alors que je vous avais confié une mission si cruciale ?
Marceau croisa les bras, un sourire amer étirant ses lèvres. Il s'adossa légèrement à la porte, prenant son temps avant de répondre.
— Échec, dites-vous ? Peut-être devriez-vous revoir votre définition. Vous m'envoyez avec une troupe de soldats mal préparés et un chasseur d'esclaves dégénéré, Roche, qui s'est transformé en une abomination incontrôlable. Et vous espériez quoi ? Que je triomphe seul contre un homme qui n'a plus rien d'humain ? Evitant soigneusement de mentionner qu'il avait failli perdre la vie en affrontant Jean-Baptiste un marrons dont la seul capacité a été d'utiliser son intellect sa ruse l'ombre de la foret des nuages de fumés et des explosifs. Marceau trouvait que ces marrons étaient bien plus puissant et dangereux que Montclair voulait bien l'admettre, était ce de l'arrogance de la part du maitre d'esclaves ou était il incompétent au point de ne pas connaitre son ennemi?
Montclair ne répondit pas immédiatement, se contentant d'observer Marceau avec son regard perçant. Ses yeux, deux prunelles glaciales, scrutaient chaque mouvement de son interlocuteur, à la recherche de la moindre faille. Puis il se redressa légèrement, ses coudes posés sur la table, ses doigts entrelacés avec une précision presque mécanique.
— Vous êtes un mage, Marceau. Pas un simple soldat. Vos talents auraient dû suffire à compenser ces lacunes.
Marceau éclata d'un rire sec, un éclat de colère traversant son visage.
— Mes talents ? répéta-t-il, le sarcasme lardant chacun de ses mots. Vous parlez de mes talents, mais vous m'avez privé des ressources nécessaires, vous m'avez laissé avec des hommes incapables de suivre mes ordres, et vous avez envoyé Roche sans tenir compte des conséquences ! Si je suis ici pour en discuter, c'est un miracle.
Il fit un pas en avant, sa voix baissant d'un ton mais gagnant en intensité.
— Vous voulez un coupable pour votre propre échec, Montclair ? Regardez dans un miroir. Vous jouez avec des forces que vous ne comprenez pas, et vous attendez de nous des miracles ? Vous devriez savoir que les miracles ont un prix.
Le silence qui suivit fut à peine troublé par le craquement lointain d'une lanterne. Montclair se redressa un peu plus, ses traits impassibles, mais ses yeux trahissant une pointe de frustration. Marceau attendit, le souffle court, mais son regard fixé sur Montclair était celui d'un homme qui ne reculerait pas.
Montclair inclina légèrement la tête, un sourire glacial étirant ses lèvres. Il adoucit sa voix, la rendant presque hypnotique.
— Marceau, calmez-vous. Vous êtes frustré, je comprends. Mais rappelez-vous que nous avons un objectif commun : écraser Aniaba et sa rébellion. Si nous restons unis, nous pouvons y parvenir. Vous voulez retrouver votre place parmi les mages, n'est-ce pas ? Je peux vous aider à obtenir tout ce que vous désirez.
Alors qu'il parlait, Montclair focalisa son pouvoir sur Marceau, déclenchant subtilement une attaque mentale. Il chercha à manipuler ses pensées, à effacer ses doutes et à l'amener à lui obéir sans résistance. Mais à l'instant où l'enchantement fut lancé, Marceau ressentit une chaleur soudaine dans sa poitrine.
Un frisson glacé parcourut le dos de Marceau. Son talisman, dissimulé dans une poche intérieure de sa veste, s'était activé, chauffant légèrement contre sa peau comme un rappel silencieux de sa fonction protectrice. Il savait ce que cela signifiait : il avait subi une attaque ésothérique. Ce talisman, cadeau d'un shaman apache qu'il avait rencontré lors de ses voyages en Amérique, était conçu pour le protéger contre les assauts invisibles tels que l'hypnose ou les malédictions. Mais cette protection avait un coût : le talisman ne pouvait encaisser qu'un nombre limité d'attaques, dix tout au plus, et parfois moins en fonction de la puissance du sort.
Marceau sentit son cœur s'emballer. En un instant, il venait de perdre trois de ces précieuses chances de protection. Une panique sourde monta en lui lorsqu'il réalisa qu'il n'avait perçu aucune fluctuation magique dans la pièce, aucun indice prévisible d'une attaque. Ce silence était encore plus terrifiant que l'assaut lui-même. Qui était responsable ? Montclair ? Impossible. Montclair n'était pas un mage… du moins, tout indiquait qu'il ne l'était pas. Avant d'accepter cette mission, Marceau avait mené une enquête approfondie sur ses employeurs, et rien n'avait signalé que Montclair possédait des capacités magiques. Mais alors, comment expliquer ce qui venait de se passer ? Une pensée insidieuse s'immisça dans son esprit : peut-être Montclair était bien plus habile qu'il ne le laissait paraître, cachant soigneusement ses dons.
Cependant, une autre possibilité lui glaça le sang. Était-il seul avec Montclair dans cette pièce ? Ou y avait-il un autre mage dissimulé dans les ombres, prêt à frapper à nouveau ? L'idée d'une présence invisible, peut-être hostile, le fit se raidir imperceptiblement. Chaque recoin sombre semblait regorger de dangers potentiels, et le craquement du bois sous ses pieds résonna comme une alerte silencieuse dans son esprit.
Son regard balaya rapidement la pièce, cherchant à percer les mystères de ces ombres menaçantes. Mais rien dans l'atmosphère ne confirma ses craintes. Pourtant, l'impression persistait : une force invisible, un ennemi inconnu, pesait sur lui comme une menace imminente.
Il prit une profonde inspiration, forçant son corps à rester immobile. "Ne laisse rien paraître" se dit il. Sa posture resta neutre, son visage un masque impassible. Pourtant, intérieurement, il était en alerte maximale. Montclair est plus dangereux que je ne le pensais, beaucoup plus dangereux, réalisa-t-il.
D'un regard furtif, il balaya discrètement la pièce. Les coins plongés dans l'obscurité semblaient soudain regorger de menaces invisibles. Les ombres créées par la lanterne vacillante dansaient de manière presque maléfique. Il chercha des signes : un mouvement étranger, un murmure inaudible, tout ce qui pourrait confirmer ses soupçons. Mais rien ne vint. Le mystère de cette attaque le rongeait. Était-ce vraiment Montclair ? Si c'était le cas, alors cet homme était bien plus subtil, bien plus habile qu'il ne l'avait imaginé.
Prenant soin de ne pas trahir son trouble, Marceau fixa Montclair avec une froideur calculée, cherchant à maintenir l'illusion qu'il n'était pas affecté. La tension dans la pièce, pourtant silencieuse, semblait palpable, comme si elle menaçait d'exploser à tout moment.
Marceau laissa son regard parcourir discrètement la pièce. Il nota les coins sombres, les ombres mouvantes créées par la lumière vacillante. Y avait-il un autre mage dissimulé, prêt à attaquer si la discussion tournait mal ? Ou était-ce vraiment Montclair?
Prenant une profonde inspiration pour se calmer, Marceau répondit d'un ton glacial, comme s'il n'avait rien remarqué.
— Vous vous trompez mon objectif n'a jamais été de mater les marrons, juste de prouver ma valeur. De plus vous parlez d'unité, Montclair, mais vous semblez oublier que nous avons tous des limites. Je ne suis pas un outil que vous pouvez utiliser à votre guise. Je fais ce que je peux avec ce que vous me donnez. Si vous voulez des résultats, alors donnez-moi des ressources, pas des discours.
Montclair plissa les yeux, sa frustration grandissante face à la résistance de Marceau. Il ne comprenait pas pourquoi son pouvoir n'avait pas fonctionné comme prévu. Était-ce une barrière naturelle chez ce mage ? Une défense involontaire ? Ou quelque chose de plus complexe, un sort de protection? Mais les mage élémentaires sont très mal équipés pour résister à une attaque mentale, encore moins Marceau qui n'a pas fini sa formation. Cela aurait dut être du gâteau! Jusqu'à présent, personne n'avait réussi à résister à ses capacités mentales, encore moins à les repousser entièrement. Cette anomalie piqua son orgueil et sa curiosité.
Montclair fixa Marceau avec intensité, réévaluant silencieusement sa position. Ce qu'il considérait jusqu'ici comme un « déchet » de l'ordre des Mages, un élément facilement manipulable, prenait soudain une tournure plus inquiétante.
« Une menace potentielle, » pensa Montclair. Ses plans allaient devoir s'adapter.
Les deux hommes s'observèrent longuement, leurs regards croisés devenant une étrange danse de tension et de défiance. Chacun d'eux comprit, dans ce silence pesant, qu'il avait gravement sous-estimé l'autre. Derrière leurs masques de calme apparent, leurs esprits s'activèrent à toute vitesse, élaborant mentalement des stratégies pour contrer toute menace future. Marceau, bien qu'intérieurement troublé par l'attaque mentale subtile qu'il avait subie, maintint une posture stoïque, déterminé à ne rien laisser paraître. Montclair, quant à lui, réévalua avec soin son vis-à-vis, ajustant ses plans tout en dissimulant son irritation croissante.
Reprenant son calme, Montclair changea de stratégie. Il se leva lentement, contournant son bureau avec élégance, comme un prédateur préparant son prochain mouvement.
— Très bien, Marceau. Si vous pensez que mes discours ne suffisent pas, permettez-moi de vous présenter des alliés qui, eux, sauront vous convaincre.
Il ouvrit la porte d'un geste théâtral et solennel. Deux silhouettes apparurent dans l'encadrement, leurs pas lourds résonnant sur le parquet comme un sinistre présage. La première était un homme grand et mince, entièrement vêtu de noir, sa peau si pale qu'elle semblait refléter la faible lumière de la pièce. Son regard perçant, presque félin, s'attardait sur chaque recoin avec une intensité glaciale. Sa démarche était fluide, mais à la fois étrangement préoccupante, à mi-chemin entre la grâce et une menace voilée.
La seconde était une femme plus âgée, mais dont l'aura imposait un respect mêlé d'effroi. Elle était accompagnée de trois mastiffs gigantesques, chacun arborant un pelage noir luisant comme du charbon, ces créatures titanesques, proches de la taille de lions adultes, incarnaient une puissance brute et terrifiante. Les muscles saillants de ces molosses roulaient sous leur peau à chaque mouvement, et leurs crocs démesurés restaient partiellement visibles même lorsque leurs mâchoires étaient closes. Leurs yeux brillaient d'une intelligence inhumaine, et l'un d'eux fixait Marceau avec une intensité qui le fit frissonner.
La femme, quant à elle, paraissait indifférente à l'impression qu'elle suscitait. Son visage, marqué par l'âge mais étonnamment ferme, affichait un mélange d'ennui et de satisfaction cruelle. Ses mains, fines mais nerveuses, portaient les traces de cicatrices profondes — des traces classiquement retrouvé chez les alchimistes, évocateurs d'une vie passée à manipuler des substances dangereuses. Marceau fut tiré de son inspection par un détail troublant : un torque en bronze, semblable à un serpent enroulé, ornait son cou. Il lui sembla que l'œil du serpent bougea imperceptiblement l'espace d'un instant.
Le mage sentit une sueur froide lui couler dans le dos. Se pouvait-il que ce bijou soit bien plus qu'un ornement ? Chaque fibre de son être lui criait que cette femme était aussi dangereuse que ses monstrueuses créatures. Il recula instinctivement d'un pas, tentant de masquer son trouble derrière une expression stoïque. Ces deux là, étaient redoutables.
— Voici Armand de Lignac et Madame Hubert, dit Montclair d'un ton faussement cordial, un sourire glacial étirant ses lèvres. Nos nouveaux alliés. Vous trouverez certainement leur expertise… instructive.
Armand s'avança, son regard perçant se fixant immédiatement sur Marceau comme un rapace jaugeant sa proie. Un sourire subtil, presque carnassier, étira ses lèvres pâles. Sa voix, douce mais étrangement oppressante, résonna dans la pièce.
— Marceau, j'ai entendu parler de vos… mésaventures, dit-il d'un ton mielleux. Une bataille perdue, certes, mais pas la guerre. Ce genre de confrontation sanglante ouvre souvent des opportunités insoupçonnées pour ceux qui savent en tirer parti. Avec nos talents combinés, nous pourrions écraser Aniaba et ses misérables marrons. Ne croyez-vous pas ?
Marceau hocha la tête lentement, ses yeux se plissant légèrement. Quelque chose dans la présence d'Armand le mettait profondément mal à l'aise. Il avait l'impression d'être face à un prédateur dissimulé derrière une peau humaine, un être prêt à abandonner ce masque pour révéler une nature encore plus sombre et monstrueuse. Ses gestes fluides, presque hypnotiques, accentuaient cette sensation troublante.
Madame Hubert, quant à elle, avançait lentement, ses mastiffs gigantesques collés à ses jambes comme une garde rapprochée. Leur respiration rauque emplissait la pièce, créant un fond sonore inquiétant. Les cicatrices visibles sur ses mains et ses mouvements calculés trahissaient un tempérament minutieu et calculateur. Elle s'arrêta à quelques pas de Marceau et posa une main ornée de bagues sur la tête de l'un des chiens. Un sourire narquois se dessina sur ses lèvres fines.
— Montclair m'a parlé de vos difficultés, lança-t-elle d'un ton où perçait une ironie mordante. Peut-être qu'un peu de créativité alchimique pourrait résoudre vos problèmes. Après tout, les solutions conventionnelles semblent… inadaptées dans votre cas.
Marceau garda son expression stoïque, mais son regard acéré détailla les molosses, s'attardant sur leurs crocs aiguisés et leur taille manifestement anormale. Ces créatures étaient plus grandes que des lions adultes. Elles dégageaint une aura évoquant une menace brute et violente. Chaque muscle roulait sous leur pelage noir luisant à chacun de leurs mouvements. "Une alchimiste indépendante?" pensa Marceau, "Ces créatures ne sont pas normales, aucun procédé naturel ne produits des chiens de la sorte!" se dit il. Jusqu'où avait-elle poussé ses expériences ? À quel point avait-elle dévié des principes traditionnels de sa discipline pour produire de telles monstruosités ?
— Vous semblez apprécier la démonstration, ajouta Madame Hubert en caressant distraitement l'oreille d'un de ses chiens. Ils sont d'une loyauté sans faille et terriblement efficaces. Peut-être aurons-nous bientôt l'occasion de mettre leurs talents à l'épreuve.
Le sourire de la femme s'élargit légèrement, mais ses yeux restaient froids, calculateurs. Marceau détourna brièvement le regard, essayant de masquer son dégoût sous une façade d'indifférence. Il sentait que la menace qu'elle représentait allait bien au-delà de ses créatures grotesques. L'aura qu'elle dégageait, mélange d'assurance glaciale et de cruauté latente, la rendait aussi redoutable que ses molosses.
Armand brisa le silence qui s'installait, sa voix glissant dans l'air comme une lame aiguisée.
— Alors, Marceau, qu'en dites-vous ? Nous avons les outils, les compétences… et une certaine expérience des situations désespérées. Peut-être est-il temps d'adopter une approche plus… pragmatique ? J'organise une petite réception ce soir passez me voir je vous montrerai pourquoi nous sommes confiants.
Marceau croisa les bras, son regard oscillant entre Armand et Madame Hubert. Bien qu'il s'efforce de maintenir une expression impassible, l'agitation intérieure qui l'animait était difficile à ignorer. Il hocha lentement la tête.
— Nous verrons bien, dit il. Mais comprenez une chose : je ne suis pas là pour servir de pion à vos expérimentations ou vos caprices. Je n'ai qu'un seul objectif gardez cela à l'esprit.
Un silence pesant suivit sa déclaration, ponctué uniquement par le grondement bas d'un des mastiffs. Madame Hubert se contenta de sourire, tandis qu'Armand haussait un sourcil, visiblement amusé par la résistance de Marceau.
— Vous avez du caractère, répondit Armand, mais je vous conseille de ne pas trop tester les limites de notre patience.
Le regard de Marceau se durcit. Il savait qu'il marchait sur une corde raide, mais il ne pouvait se permettre de céder face à ces deux figures aussi fascinantes que terrifiantes.
Montclair reprit la parole pour briser la tension croissante.
— Armand peut traquer Aniaba où qu'il se cache de plus vous verrez ses hommes sont bien plus fiables, et Madame Hubert apporte une expertise unique. Ensemble, nous avons les moyens d'en finir avec cette rébellion.
Marceau, toujours méfiant, hocha lentement la tête.
— Très bien. Je suivrai votre plan. Mais ne vous méprenez pas, Montclair, mon objectif est de réintégrer mon ordre, pas de mourir en étant votre pion.
Montclair plissa légèrement les yeux, un sourire glacé étirant ses lèvres.
— Évidemment, répondit-il d'un ton mesuré. J'ai déjà informé le doyen de votre pleine et entière collaboration.
Mais au fond de lui, Montclair était loin d'être rassuré. Ce mage, qui devait n'être qu'un outil docile, semblait glisser entre ses doigts. Il le regarda quitter la pièce avec une expression impassible, bien que son esprit fourmillât de questions. Il savait que Marceau lui échappait, et cette incertitude l'irritait profondément. Une note de méfiance s'insinua dans ses pensées, tandis qu'il réfléchissait à ses prochaines manœuvres pour garder cet homme sous contrôle.
Alors que Marceau quittait la pièce, accompagné des regards perçants d'Armand et de Madame Hubert, il sentit une tension persistante dans l'air. Il se promit de rester sur ses gardes, certain que cette alliance forcée cachait bien des pièges. Montclair, quant à lui, fixa la porte fermée, son sourire s'effaçant.
— Armand, murmura-t-il, je veux savoir pourquoi ce Marceau semble me résister.
Armand répondit avec un sourire carnassier.
— Laissez-moi m'en occuper. Ce Mage ne fait pas parti de notre confrérie, il ne sert pas notre maitre, il est normale de le superviser un peu, rigola de Lignac.