Kaël et Vanir arrivèrent essoufflés sur la place du village, le cœur battant à tout rompre. Sans perdre une seconde, ils se dirigèrent vers la demeure du chef, une maison de bois au centre du hameau. Kaël frappa à la porte, qui s'ouvrit presque aussitôt sur le vieux Tharen, l'air grave. D'une voix pressante, Vanir raconta l'attaque, décrivant la charrette incendiée et les marchands démunis. Le chef fronça les sourcils, hochant lentement la tête.
— Rassemblez les villageois… Il faut discuter de cette menace.
Il fit sonner la cloche du village, un vieux carillon de fer suspendu au centre de la place. Peu à peu, les villageois quittèrent leurs foyers, l'inquiétude se lisant sur chaque visage. Les murmures se propagèrent, chacun cherchant des réponses au signal soudain.
Lorsque tout le monde fut rassemblé, Tharen s'adressa à eux d'une voix forte :
— Des marchands ont été attaqués près de la forêt. Leur charrette a été incendiée par des bandits. Plus grave encore : ces malfaiteurs rôdent encore près de nos terres. Nous devons défendre notre village.
Un silence choqué suivit ses paroles. Puis une voix s'éleva :
— Et si... s'ils revenaient ?
— Ils pourraient s'en prendre à nous, à nos enfants ! s'exclama une femme en serrant son bébé contre elle.
Kaël sentit un frisson lui parcourir l'échine. La peur était visible chez tous, même chez son père qui avait toujours su garder son calme.
Vanir, le visage déterminé, s'avança d'un pas.
— On ne peut pas juste attendre qu'ils reviennent ! On devrait aller les chercher, les retrouver et les empêcher de nuire !
Tharen haussa un sourcil.
— Par « on », tu veux dire... toi et Kaël ?
— Nous avons vu la fumée, nous savons où chercher, répliqua Vanir.
Kaël ouvrit la bouche pour protester, mais l'idée s'imposait déjà. Ils étaient les seuls à avoir vu la direction des bandits. Un murmure inquiet parcourut la foule.
— Je ne peux pas autoriser ça, trancha Tharen après réflexion. Ce n'est pas un jeu. Mais... je vais envoyer une poignée d'hommes armés. Vous les accompagnerez, sous leur responsabilité.
Kaël hocha lentement la tête. Il n'avait pas le choix.
Quelques instants plus tard, un petit groupe se forma : deux villageois robustes, armés de lances rudimentaires, et un chasseur plus âgé nommé Erald, dont l'expérience de la forêt serait précieuse.
— Restez groupés. Ne vous approchez pas trop si vous les repérez. Ramenez des informations, mais pas de risques inutiles, ordonna Tharen avant leur départ.
Kaël échangea un regard avec Vanir. Ce dernier souriait, mais Kaël voyait bien qu'il cachait une tension grandissante.
Ils suivirent le sentier de la forêt en silence, les rayons du soleil filtrant faiblement à travers le feuillage. Les traces des bandits étaient faciles à repérer : des branches cassées, des cendres récentes... et la fumée aperçue plus tôt était encore perceptible.
— Là, souffla Erald en désignant des empreintes fraîches dans la boue. Trois, peut-être quatre personnes... et lourdes charges.
Leur progression se fit plus lente, chaque pas mesuré. La tension était palpable. Un bruit soudain fit sursauter Kaël : le craquement d'une branche. Vanir porta instinctivement la main à la petite dague accrochée à sa ceinture.
Finalement, après une heure de marche, ils débouchèrent sur une petite grotte dissimulée dans la roche des collines. De la fumée s'échappait faiblement, signe d'un feu récemment éteint. Des voix étouffées leur parvinrent.
Erald fit signe au groupe de s'accroupir derrière un amas de rochers.
— Ils sont là... Murmura-t-il.
Kaël sentit son cœur battre à tout rompre.
Trois silhouettes sortirent de la grotte. Un homme grand et trapu, portant une cicatrice sur la joue, semblait diriger les opérations. Deux autres, plus jeunes, portaient des sacs de provisions — probablement volées.
— On devrait attendre qu'ils partent, suggéra Kaël à voix basse.
Vanir secoua la tête.
— Non. Ils doivent répondre de leurs actes.
Avant qu'Erald ne puisse l'arrêter, Vanir se leva, dague en main.
— Hé, vous là ! cria-t-il.
Les bandits se figèrent, surpris. L'homme à la cicatrice fronça les sourcils avant de sortir un couteau lui aussi.
— Et toi, gamin ? Tu comptes faire quoi ?
Erald s'interposa rapidement, sa lance pointée vers les bandits.
— Posez vos armes. Le village sait ce que vous avez fait. Vous êtes encerclés.
Kaël n'osait plus respirer. L'homme cicatrisé hésita. Puis, lentement, il rangea son couteau et leva les mains.
— On... on voulait juste de la nourriture. On n'a blessé personne, j'vous jure !
Le retour au village fut tendu. Les bandits, ligotés, marchaient la tête basse, escortés par Erald et les villageois.
De retour sur la place, Tharen les attendait, entouré de plusieurs villageois.
— Nous rendrons la justice ici, déclara-t-il fermement. Mais pas dans la colère.
Kaël et Vanir, encore sous le choc de leur confrontation, échangèrent un regard. Ce n'était peut-être pas la fin des ennuis, mais une chose était sûre : leur paisible village venait de changer.