Une Tombe

En combattant ces chasseurs de pirates, Abdul ne s'attendait pas vraiment à quelque chose de spécial. Les tuer rapidement et ne rien détruire dans le port était le principal objectif d'Abdul.

Mais au-delà de toutes attentes, il gagna plus que tout ce qu'il aurait pu imaginer durant ce combat.

Il avait enfin réussi à transcender le commun et à devenir, en quelque sorte, quelque chose au-delà d'un simple épéiste.

Il pouvait couper à travers l'acier comme si c'était du beurre. Il pouvait maintenant fièrement se considérer comme un réel épéiste digne de ce nom.

Mais au-delà du simple fait qu'il pouvait désormais couper l'acier s'il le voulait, il pouvait aussi choisir d'émousser sa lame et ne faire aucun dégât, ou bien tout trancher sur son passage.

Abdul se souvenait parfaitement du sentiment qu'il avait ressenti avant de couper la lance de Killop, et, ce faisant, il pouvait le reproduire quand il le souhaitait, s'il s'y concentrait suffisamment, bien que ce soit encore assez difficile pour lui actuellement.

Et en réalité, Abdul connaissait très bien ce sentiment, mais il était trop faible pour l'utiliser à son avantage. Maintenant, ça avait changé.

Il était plus fort, plus grand, et plus mature. Ce qu'il ne voyait pas avant lui paraissait maintenant aussi logique que 1 plus 1 était égale à 2.

C'était le même sentiment que l'on ressentait lorsqu'on était confronté à la mort. Être entre la vie et la mort était un état qui durait rarement, car au moment où l'on le ressentait réellement, l'un des deux camps mourait, et cela disparaissait.

Mais… et si cet état pouvait être atteint à tout moment ? Et si on pouvait le contrôler pour aiguiser ses instincts et devenir plus fort et plus lucide ?

Et, ce faisant, Abdul l'avait utilisé et y avait insufflé de sa volonté sur sa lame pour qu'elle fasse ce qu'il voulait qu'elle fasse, et ainsi pouvoir trancher ce qu'il souhaitait. C'était de cela qu'il s'agissait.

Malheureusement, Abdul n'avait pas encore l'impression de le contrôler à 100 %, et cela pourrait lui faire défaut durant un combat. Mais avec un peu d'entraînement, il savait qu'il y arriverait, donc il ne désespéra pas.

Mais ce qui était étrange dans cette suite d'événements, c'est qu'Abdul n'avait jamais été en état réel de vie ou de mort face à Killop.

Son éveil semblait plus forcé par son corps que par la situation. Et ainsi son corps qui avait atteint un certain seuil et qui tentait de le dépasser en y forçant l'accès l'obligea à s'améliorer.

« Un effet bénéfique de cet entraînement acharné, je suppose », murmura Abdul en souriant légèrement. Apprendre que tous ces entraînements avaient servi à quelque chose lui faisait plus de bien qu'il ne l'aurait imaginé.

Reculant d'un pas mesuré et contrôlé, Abdul esquiva très calmement une lame qui visait à le tuer.

Levant la tête pour prendre des informations sur l'assaillant, il se rendit compte que c'était l'un des chasseurs de pirates de la bande de Killop.

« Qu'il en soit ainsi alors », murmura Abdul d'un ton froid et sans émotion. Killop l'ayant aidé indirectement à devenir plus fort, il comptait laisser ses hommes restants en vie en guise de remerciement, un peu hypocrite de sa part, mais Abdul s'en fichait.

Mais en les voyant maintenant l'attaquer, il décida d'en finir réellement avec eux en laissant de côté les émotions. Ils avaient cherché leur propre mort, et Abdul ne comptait pas leur laisser la vie sauve une deuxième fois après qu'ils aient essayé d'atteindre la sienne.

Durant l'escarmouche avec ce qu'il restait des hommes de Killop, Abdul essaya d'utiliser ce nouvel état, mais, faute d'entraînement, il y parvint une fois sur quatre. Un résultat décevant, mais Abdul s'y attendait, il venait tout juste d'atteindre ce nouvel état, et l'habitude de son utilisation était proche du néant.

« Un peu d'entraînement et de combat, et ça devrait le faire », pensa Abdul en rangeant son épée dans sa sangle, sur son dos. Il regarda les cadavres au sol avant de soupirer et de se mettre à nettoyer le bordel qu'il avait foutu.

Il les prit un par un et les entassa sur le port, qui était désormais vidé de son peuple. Il commanda qu'on les jette un à un le plus loin possible dans la mer, en faisant en sorte qu'ils ne reviennent pas le lendemain sur la côte.

C'était cruel, mais Abdul s'en fichait. Telle était la vie d'un pirate, et il y était habitué de toute façon.

Il fit cela avec tous les chasseurs de pirates, sauf un : Killop. Celui-là méritait pleinement une tombe, d'après Abdul. Mais, faute de matériel, il décida de tout simplement l'amener au cimetière de l'île.

Il négocia rapidement avec le gardien des tombes, il lui laisserait la vie sauve, et en retour, il pourrait enterrer Killop dans le cimetière. Un échange équitable, pensa Abdul en souriant.

Depuis son éveil, il sentait que toutes le émotions qui garder caché en lui se projeter de plus en plus dans le monde extérieur. Et Abdul ne trouva pas cela dérangeant alors il laissa juste son cerveaux faire ce qu'il voulait.

Et ainsi, il enterra Killop dans l'un des espaces disponibles. Mais il manquait encore quelque chose.

« Une pierre tombale ! »

C'était ce qui manquait. Alors Abdul en prit une d'une autre tombe et la lima pour effacer les informations avant d'y inscrire, avec son épée, ce qu'il savait de son combat face à Killop.

Mais malheureusement ne connaissant pas son nom, Abdul y inscrivit tout simplement un surnom cool qui venait de lui passer par la tête.

« Red Star »

Bien que cela n'ait rien à voir avec Killop, Abdul trouvait ça cool, alors il l'inscrivit.

N'ayant pas encore fini, Abdul sortit une lance à moitié coupée au niveau de la lame avant de l'enfoncer dans la tombe de Killop, en faisant en sorte qu'elle s'enfonce bien dans la poitrine de Killop, qui était enterré.

« Que le feu de l'enfer te tourmente éternellement, ou un truc du genre », murmura Abdul en souriant. Se dépoussiérant les mains, Abdul regarda la tombe quelques instants avant de s'en aller et de rejoindre le bateau.

En trente minutes, il avait réglé le problème des chasseurs de pirates et avait même enterré un homme qu'il jugeait digne et courageux. Une bonne trouvaille, se permit de penser Abdul. II avait rarement eu d'adversaire qui face à la mort souriait, non enfaite il y en avait aucun sauf Killop alors pour Abdul se fut une nouveauté qu'il accepta avec plaisir.

Mettant ses pensés de côté il prit le chemin vers le navire, et il ne mit à peine que cinq minutes à y arriver.

Se préparant à sauter sur le navire, il senti quelque chose et il tourna soudainement la tête en direction de sa droite. Il sentit deux présences familières. Il ne savait pas qui c'était, mais son instinct lui disait qu'il les connaissait.

Depuis son combat face à Killop, Abdul pouvait, à certains moments d'extrême concentration et de calme, ressentir le monde qui l'entourait et les êtres vivants dans un certain périmètre.

Et c'est grâce à cela qu'il sentit deux présences se déplacer à grande vitesse vers lui.

Ne voulant pas prendre de risque, Abdul dégaina sa grande épée, Rictus Hasta. Ce n'était pas une lame célèbre, mais elle était faite des meilleurs matériaux, parmi les meilleurs.

Alors, la mettant sur son épaule, Abdul resserra sa prise de la main qui la tenait et attendit patiemment l'arrivée de ces deux êtres.

« J'espère qu'ils sont forts. »

Quelques minutes s'étaient écoulées, et Abdul put enfin voir leur silhouette ?

« Non, attends… pourquoi n'y en a-t-il qu'un ? » Abdul était sûr que ses sens n'étaient pas brouillés, il y avait bel et bien deux présences, mais de ses yeux, il ne put en voir qu'une seule.

« Est-il caché dans son corps— »

Au milieu de ses conjectures, le corps d'Abdul se raidit soudainement. Les yeux écarquillés et l'expression de pure surprise, il venait de se rendre compte à qui appartenaient ces silhouettes.

C'était son capitaine, Alexander, et le cuistot, Delilah.

Mais alors, une question se forma dans l'esprit d'Abdul :

« Pourquoi Delilah est-elle inconsciente ? »

Ce n'était pas normal, surtout en voyant qu'elle n'avait pas de réelle blessure. Alors comment diable était-elle inconsciente ?

« Un fruit du démon ? » Il en existait tellement, et de tous types, qu'Abdul ne serait pas surpris qu'il en existe un capable de rendre les gens inconscients.

Passant à côté d'Abdul, Alexander hocha légèrement la tête en souriant et sans dire un mots avant de sauter sur le navire, tout en portant Delilah sur son épaule.

Ne perdant pas de temps, Abdul le suivit directement.

Il retrouva Alexander dans le coin de l'infirmerie avec Crocus, inspectant l'état de Delilah.

« Que s'est-il passé ? » demanda Abdul en fronçant les sourcils, en voyant maintenant Delilah de plus près. Il ne remarqua toujours pas de blessure physique, mis à part son teint pâle.

« Alors tu vas rigoler… » commença Alexander en riant légèrement, avant de raconter tous les événements qui s'étaient déroulés, de la présence de l'entité inconnue jusqu'à l'évanouissement de Delilah.

Ayant toute l'histoire, Abdul et Crocus prirent tous deux une expression grave, avant qu'Abdul ne demande à Alexander :

« Sommes-nous en danger immédiat ? »

Il avait besoin de savoir pour se préparer.

« Je ne sais pas, mais j'en doute », répondit sèchement Alexander en se remémorant ce qu'il s'était passé. Pour l'instant, il ne voyait pas l'être inconnu comme une menace, car si ça avait été le cas, Alexander ne serait peut-être même pas là à discuter avec Abdul et Crocus.

« Tu sais ce qu'elle a ? » demanda Alexander, préoccupé par l'état de Delilah. Bien qu'il ne le montrait pas, Alexander ressentait un léger sentiment de culpabilité en se souvenant que c'était à peu près sûr que c'était de sa faute si Delilah était inconsciente.

« Rien de grave », répondit Crocus en finissant d'inspecter l'état de Delilah, et en disant d'un ton léger, presque comme si l'état de Delilah lui tenait à cœur : « Elle est juste inconsciente. Elle devrait donc se relever dans quelques minutes… ou peut-être une heure. »

« Bonne nouvelle », soupira Alexander.

Heureusement qu'elle n'avait rien de grave. Si Delilah avait été blessée, il pouvait dire adieu à ses repas plus que délicieux. Et, d'ailleurs, il ne se pardonnerait pas facilement d'avoir blessé un coéquipier — non, sa famille.

Abdul, lui aussi, était soulagé. Mais il avait une question pour Alexander, une question qui allait décider de comment allait se dérouler la fin de leur séjour sur cette île.

« Qu'est-ce que tu comptes faire, capitaine ? »