Chapitre 3 : Un Duel de Volontés

Kael détestait les fins non résolues.

La cité souterraine de Ravaryn n’épargnait pas ceux qui laissaient des questions sans réponse. Et pourtant — elle était là, à faire les cent pas dans les tunnels faiblement éclairés sous le marché, perdue dans ses pensées.

À cause de lui.

L’homme au sourire insolent. Celui qui l’avait désarmée.

Ce n’était pas seulement parce qu’il avait été rapide. Ce n’était pas seulement parce qu’il avait esquivé ses flèches avec l’aisance de quelqu’un ayant vu bien trop de combats.

C’était qu’il n’avait rien à faire ici.

Et ceux qui n’avaient rien à faire à Ravaryn avaient toujours une raison d’y être.

Bast l’observait, adossé contre un mur, les bras croisés. Il était silencieux depuis un moment, mais Kael connaissait ce regard — il attendait.

— Vas-y, grogna-t-elle en continuant à marcher. Dis-moi la leçon que tu meurs d’envie de me faire entendre.

Bast laissa échapper un ricanement sec.

— Pas de leçon, cette fois. Juste une observation.

Elle s’arrêta, haussant un sourcil.

— Laquelle ?

— Tu es troublée.

Kael se raidit.

— Pas du tout.

Il pencha la tête.

— Vraiment ? Parce que j’ai plutôt l’impression que ce qui te dérange, c’est pas d’avoir laissé un danger potentiel s’échapper… mais d’avoir perdu ce combat.

Ses doigts tressaillirent.

— Je n’ai pas…

— Tu as hésité, coupa Bast d’un ton calme, se détachant du mur. Et pour la première fois depuis que je t’ai prise sous mon aile, quelqu’un a réussi à faire tomber ton fichu arc de tes mains.

Kael déglutit difficilement.

Elle détestait à quel point il la connaissait bien.

Le regard de Bast s’adoucit légèrement, comme à chaque fois qu’il voyait qu’elle était sur le point de franchir une limite.

— Tu es toujours aussi douée, Kael. Un seul combat ne change rien.

— J’aurais dû gagner, cracha-t-elle.

Bast soupira.

— Et pourtant, nous en sommes là.

Elle grimaça.

Il avait raison.

Cela faisait des années que Kael n’avait pas été vaincue. À Ravaryn, tout le monde connaissait sa réputation. Et même si elle se moquait des murmures admiratifs, elle tenait à son image d’intouchable. Dans cette ville, le respect gardait en vie.

Et voilà qu’un étranger, avec son sourire suffisant, avait tout ébranlé.

Non.

Elle ne pouvait pas le tolérer.

Elle devait le retrouver.

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Pendant ce temps…

Riven s’étendait nonchalamment sur le toit d’une taverne délabrée, les bras croisés derrière la tête, observant le plafond irrégulier de la caverne souterraine. La roche au-dessus de lui scintillait doucement à la lumière des torches de la ville.

— T’es beaucoup trop détendu pour un mec dans ta situation, grommela Jorrik à ses côtés.

Riven sourit.

— Tu t’inquiètes trop.

Jorrik grogna.

— Tu as failli te faire tuer.

— Mot-clé : failli.

— Tu aimes ça, hein ? lança Jorrik en le fixant. Être traqué ? Provoquer des gens dangereux ?

Riven haussa les épaules.

— Ce ne serait pas aussi amusant, sinon.

Jorrik marmonna une série de jurons avant de secouer la tête.

— Tu es impossible.

Riven se contenta de sourire.

La vérité, c’était qu’il aurait dû s’inquiéter. Il le savait. Il était au cœur d’une ville sans loi, sans alliés, entouré de gens prêts à le vendre pour quelques pièces s’ils apprenaient son identité.

Et pourtant, il ne pensait qu’à elle.

Kael.

Kael aux yeux de tempête.

Celle qui aurait dû le tuer, mais ne l’avait pas fait.

Celle qui avait posé une lame contre sa gorge sans trembler.

— Ne te retourne pas, souffla soudain Jorrik, mais on a de la compagnie.

Riven se redressa juste à temps pour voir Kael à l’entrée de la ruelle en contrebas.

Elle l’avait retrouvé.

Et elle n’avait pas l’air ravie.

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Les pas de Kael étaient lents, mesurés, mais la tension dans ses épaules disait à Riven exactement dans quel état d’esprit elle était.

— Eh bien, eh bien, lança-t-il en sautant souplement du toit. Je t’ai manqué ?

Kael ne cilla même pas.

— Tu viens avec moi.

Riven sourit.

— Drôle, je ne me souviens pas avoir accepté ça.

Elle bougea vite.

Avant que Jorrik n’ait pu réagir, Kael avait plaqué Riven contre le mur, la lame glacée de sa dague sous sa gorge.

Jorrik jura, s’avançant d’un pas, mais Riven leva une main paresseuse.

— T’inquiète, Jorrik. On se retrouve, elle et moi.

Les yeux violets de Kael brûlaient.

— Qui es-tu ?

Riven pencha la tête.

— Tu devrais peut-être te présenter avant. C’est impoli de demander des réponses sans donner ton nom.

Kael serra la poignée de sa dague.

— Je sais quel genre d’homme tu es.

— Tu crois, ma belle ?

— Ne m’appelle pas comme ça.

Son sourire s’élargit.

Kael enfonça un peu plus sa dague.

— Tu n’as rien à faire à Ravaryn. Alors pourquoi es-tu ici ?

Riven la fixa un instant, puis — juste pour l’agacer — sourit.

— Je cherche une épouse. Et je me suis dit que tu serais peut-être une bonne candidate.

Kael le frappa.

Fort.

Sa tête partit sur le côté, mais le sourire ne quitta pas son visage. Pire : il grandit.

— Voilà pourquoi je t’aime bien, souffla-t-il en s’essuyant la lèvre ensanglantée.

Kael poussa un soupir sec et recula. Elle n’avait pas de temps pour ses idioties.

— Tu viens avec moi, répéta-t-elle, la voix tranchante. Tu me dois des réponses.

Riven soupira de façon théâtrale.

— Et si je refuse ?

Elle pencha la tête, un éclat dangereux dans les yeux.

— Alors je te casse les jambes et je te traîne.

Jorrik laissa échapper un rire bref.

Riven la détailla du regard, la curiosité brillant dans ses yeux, avant de hausser les épaules.

— Très bien. Mais sache, ma chère…

Le regard noir qu’elle lui lança le fit taire net.

Riven sourit.

— Ça va être amusant.