Kael ne croyait pas aux fantômes.
Mais s’il existait un endroit hanté par les morts, c’était bien celui-là.
Blackreach s’étendait devant eux comme un cimetière de pierre — tours abandonnées, ponts effondrés, rues couvertes d’une épaisse couche de poussière. L’air était immobile, et le silence pesait comme un avertissement contre ses tympans.
Mais Kael n’hésita pas.
Elle avançait avec détermination, l’arc à la main, une flèche déjà encochée, le regard fouillant les ruines.
Quelque chose était là.
Elle le sentait.
Derrière elle, Jorrik dégaina ses deux lames, les courbes d’acier scintillant légèrement sous l’étrange lueur bleutée de la ville en ruine.
Riven était plus lent, plus détendu. Il roula des épaules avant de tirer son épée. L’acier sombre de la lame vibra d’un éclat presque invisible — et cette fois, Kael le vit : de la magie, tissée dans le métal.
Elle fronça les sourcils.
— De la magie ? demanda-t-elle, sèche.
Riven eut un sourire en coin.
— Tu es jalouse ?
Kael l’ignora.
— Quelle sorte de magie ?
Riven fit tourner son épée d’un geste désinvolte.
— Magie d’ombre. Me rend plus rapide. Plus difficile à toucher.
Jorrik soupira.
— En gros, il triche.
Kael arqua un sourcil.
— Et toi ?
Jorrik fit virevolter ses lames. Une brève flamme dorée dansa sur l’acier avant de disparaître.
— Magie de lumière. Ça brûle à peu près tout.
Kael hocha la tête. Elle rangea l’information dans un coin de sa mémoire.
— Toujours pas de magie pour toi ? lança Riven.
Kael ne répondit pas.
Elle n’avait pas besoin de magie.
Elle avait son arc.
Et elle le maniait mieux que bien des mages leurs sorts.
— Quelque chose nous observe, dit-elle à la place.
Riven balaya les ruines du regard.
— J’espérais que c’était juste ma paranoïa.
Jorrik raffermit sa prise sur ses armes.
— Soyez prêts.
Kael l’était déjà.
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La première attaque
Le silence se tendit comme une corde.
Kael ralentit sa respiration. Elle sentait la tension, partout autour, comme si le monde retenait son souffle.
Puis—
Un souffle. Un mouvement.
Kael pivota, lâchant une flèche sans hésiter.
Le trait fusa, frappant une forme sombre qui venait de surgir des ombres.
Un hurlement aigu, inhumain, résonna dans les ruines.
Kael fit un pas en arrière, le cœur battant.
La créature qu’elle avait touchée chancela — sa silhouette à peine tangible, une masse d’ombres tordues parcourue de veines bleues et lumineuses.
Riven souffla lentement.
— Eh bien. Charmant.
La chose tourna la tête vers Kael.
Elle ne la laissa pas bouger.
Une deuxième flèche la transperça, s’enfonçant au centre de sa masse.
La créature poussa un dernier cri avant de s’effondrer en un nuage noir.
Jorrik grimaça.
— C’est quoi ce truc ?
Kael encocha une autre flèche.
— Peu importe. Il y en a d’autres.
Au loin, les ruines commencèrent à frémir.
D’autres ombres se glissaient entre les colonnes effondrées, leurs veines lumineuses battant lentement, presque comme un cœur.
Elles observaient.
Elles attendaient.
Kael inspira.
Parfait. Qu’elles viennent.
Elle était prête.
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La bataille dans les ruines
Les créatures étaient rapides.
Mais Kael l’était plus.
Chaque flèche atteignait sa cible. La première créature s’effondra au sol, une flèche entre les yeux, avant même d’avoir pu bondir.
Jorrik était déjà lancé, flamme dorée dans chaque main, ses épées taillant les ténèbres en rubans. Sa magie brûlait les monstres comme du parchemin.
Riven, lui, dansait parmi les ombres, sa lame enchantée fendant l’air avec une précision mortelle. Chaque coup était rapide, net. Sa magie lui permettait d’éviter les attaques à la dernière seconde, tel un mirage insaisissable.
Mais ils étaient trop nombreux.
Kael gardait ses distances, décochant flèche après flèche sans relâche.
L’un des monstres bondit — elle roula sur le côté, décocha une flèche en plein saut et l’acheva au sol d’un tir dans la gorge.
Un autre surgit dans son dos — elle se retourna, attrapa une flèche à la volée et l’enfonça comme une dague dans sa gorge vaporeuse.
Elle ne tremblait pas. Ne flanchait pas.
Parce qu’elle était Kael Veyne.
Et elle ne ratait jamais.
Riven, bien sûr, ne pouvait pas s’empêcher d’en rajouter.
— Essaie de suivre le rythme, chérie !
— Essaie de la fermer, répliqua Kael en lâchant une autre flèche.
Jorrik éclata de rire en tranchant deux créatures d’un même mouvement.
— Je commence à bien t’aimer.
— Je sais, c’est agaçant, répondit Riven.
Kael décocha une flèche qui siffla juste au-dessus de la tête de Riven.
Il ne broncha pas.
La créature derrière lui s’écroula, percée en plein front.
Riven se tourna vers elle, un sourcil levé.
— On aurait presque dit que tu venais de me sauver.
Kael replaça une flèche sur la corde.
— Ne t’y habitue pas.
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Les ombres retombent
La dernière créature s’effondra, et les ruines replongèrent dans le silence.
Kael abaissa son arc, scrutant les alentours.
Jorrik poussa un soupir, secouant ses lames pour les nettoyer.
— C’était… désagréable.
Riven roula des épaules.
— Ça aurait pu être pire.
Kael essuya la sueur sur son front.
— Il faut continuer. Avant que d’autres ne viennent.
Le sourire de Riven s’effaça un peu.
— Oui. Allons-y.
Kael fronça les sourcils face à ce changement de ton, mais elle ne dit rien.
Pas encore.
Parce que quoi qu’il cherche—
Ils s’en approchaient.
Et Kael n’était pas certaine d’être prête pour ce qu’ils allaient découvrir.