Un sauveur inattendue

Le souffle court, Anastasia posa une serviette humide sur le front brûlant de sa mère. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, son corps frêle tremblant sous le poids de la fièvre. Depuis des jours, la maladie la rongeait, et malgré les remèdes que l'abbé leur apportait, son état ne faisait qu'empirer.

— Maman… murmura Anastasia, la gorge nouée. Je vais rester avec toi aujourd'hui. Je ne peux pas te laisser seule…

Sa mère ouvrit à peine les yeux, mais sa main trouva la sienne et la serra faiblement.

— Il en est hors de question, ma chérie. Aujourd'hui est un jour spécial… Je veux que tu ailles en cours.

Un jour spécial. Oui, c'était son anniversaire. Mais que signifiait une date quand le monde s'écroulait autour d'elle ?

À contrecœur, Anastasia se prépara et quitta la petite chambre où elles logeaient. L'abbé et ses fils vivaient dans une grande maison attenante à l'église, et bien qu'ils aient été accueillis ici par charité, Anastasia n'avait jamais été à l'aise en leur présence. Les fils de l'abbé avaient ce regard qui lui faisait froid dans le dos, des sourires trop appuyés, des gestes trop insistants.

Elle marchait dans les couloirs deserts du lycée lorsqu'une main l'attrapa brusquement par le poignet et la tira dans un couloir sombre.

— Où comptes-tu aller si tôt, princesse ?

C'était l'aîné des fils de l'abbé, un sourire carnassier aux lèvres. Son frère se tenait derrière lui, les bras croisés, un rictus mauvais étirant son visage.

— Lâchez-moi, souffla-t-elle en tentant de se dégager.

— Allons, ne fais pas ta farouche. Aujourd'hui, c'est ton jour, non ? On voulait juste… fêter ça avec toi.

Elle recula d'un pas, mais son dos rencontra un mur. Son cœur s'emballa.

— Ne me touchez pas !

Ils rirent, un rire bas, menaçant. L'un d'eux s'approcha davantage, tendant la main vers elle. Mais avant qu'il ne puisse l'effleurer, une voix résonna dans la pièce, froide et tranchante comme une lame :

— Je vous déconseille fortement d'aller plus loin.

Les deux garçons se figèrent. Dans l'ombre du couloir, une silhouette se dessina. Un garçon de leur âge, aux yeux perçants .

— Qui es-tu, toi ? lança l'un des frères avec mépris.

Auriel ne répondit pas immédiatement. Il avança d'un pas. L'air devint plus lourd, plus oppressant. Les deux garçons reculèrent légèrement, mal à l'aise.

— Si j'apprends que vous avez touché à un seul de ses cheveux, je vous promets que votre père saura exactement ce que vous avez fait. Et je doute qu'il apprécie.Un silence tendu s'installa. L'abbé était un homme strict et respecté. Ses fils n'étaient peut-être pas effrayés par Anastasia, mais par lui… c'était une autre histoire.

— On n'a rien fait, grogna l'un d'eux avant de détourner le regard.

— Alors ne faites jamais rien, conclut le jeune homme d'un ton glacial.

Après quelques secondes d'hésitation, les deux frères s'éloignèrent, feignant l'indifférence. Mais Anastasia voyait bien la colère bouillonner dans leurs regards.

Lorsqu'ils furent partis, elle laissa échapper un souffle tremblant et releva enfin les yeux vers Auriel.

— Merci… murmura-t-elle.Mais tu n'étais pas obligé maintenant ils vont pas me laissé quand je rentrerai tu as pensé à ça ? Avant de jouer les héros.

-Désolé c'était pas mon intention de te mettre dans une mauvaise position mais je crois pas qu'ils te feront le moindre mal .

- Si tu le dis , mais attend j'ai l'impression de me rappeler de ton visage .

- Non je crois pas , je suis nouveau ici .

- Humm ok. Bienvenue alors.

Il la regarda en silence, son expression indéchiffrable.

— Merci et joyeux anniversaire.

- Et comment tu sais que c'est mon anniversaire ?

- Je l'ai supposé lorsqu'il a dit un jour spécial.

-Je suppose . Merci alors.

Je traversais la cour du lycée, le sac serré contre mon épaule. L'air du matin était encore frais, et l'agitation des élèves autour de moi contrastait avec mon propre silence. J'avais presque pas dormi, trop troublée par la soirée de la veille.J'entrais dans la salle de classe sans prêter attention aux conversations bruyantes autour de moi . Comme d'habitude, personne ne m'adressa un regard, sauf pour me lancer des coups d'œil méprisants. J'en avait l'habitude.

J'allais m'asseoir à ma place, au fond, là où personne ne viendrait me parler. Le professeur n'était pas encore arrivé, et les élèves discutaient entre eux, riant, échangeant des anecdotes du week-end. Moi,me contentant d'ouvrir mon cahier, feignant de lire mes notes alors que mon esprit était ailleurs.

L'image de ce garçon persistait dans mon esprit. Il n'y avait aucune raison pour que je pense encore à lui, mais quelque chose en moi refusait de l'ignorer.

Je poussais un léger soupir et fixais un instant la fenêtre. Le ciel était gris, lourd. Une journée comme une autre.

Le professeur entra et le silence se fit aussitôt. J'essayais de me fondre dans le décor, comme toujours. Mais ce matin-là, quelque chose semblait différent.

Je ne savais pas si c'était le regard furtif qu'un garçon venait de me lancer avant de rire avec ses amis… ou si c'était le fait que j'avais l'impression d'étouffer, comme si une présence invisible pesait sur moi.

Le cours commença, et je me forçais à écouter, griffonnant quelques notes distraitement. Mais mon esprit était ailleurs.

Puis, soudain, un murmure mesquin résonna derrière moi.

— Hé, la Négresse … t'as pas autre chose à faire que de squatter ici ?

Je me raidit.

Un rire discret suivit.

— Sérieusement, tu sers à rien, t'as même pas d'amis.

Je serrais mon stylo entre mes doigts, mais et je me retournais pas. Je savais que répondre ne servirait à rien. Ils voulaient juste me voir réagir.

Le professeur continua son cours comme si de rien n'était. Personne ne disait rien. Comme toujours.

J'inspirais profondément et tentais d'ignorer les battements furieux de mon cœur.Je serre les dents et fixe mon cahier. Les rires étouffés derrière moi m'écorchent plus que je ne veux l'admettre. Ce n'est pas la première fois, et sûrement pas la dernière.

Je devrais être habituée.

Mais non.

J'aimerais disparaître, devenir invisible, mais même ça, c'est impossible. Ma peau me trahit. Mon existence même est une offense pour eux.

Le cours se termine enfin, et je range mes affaires en silenceJ'accélère le pas sans même y réfléchir.

Devant ma classe je vis ce même garçon qui me rappelais vaguement quelqu'un , qui m'avait aider ce matin sans demande en retour , Il marche d'un pas tranquille, comme si de rien n'était, alors que moi, je lutte pour garder mon calme. Je ne sais même pas pourquoi je le suis, mais une seule question tourne en boucle dans ma tête : Qui es-tu vraiment ?

— Hé !

Ma voix résonne un peu trop fort dans le couloir. Il s'arrête. Lentement, il se retourne vers moi, l'air toujours aussi impassible.

— D'où est-ce que tu connais mon nom ? demandé-je sans détour.

Il me fixe un instant, comme s'il hésitait à répondre.

— Je t'ai déjà vue, dit-il simplement.

Je fronce les sourcils.

— Où ça ?

— L'église, répond-il après une seconde de silence.

Mon cœur se serre.

— Et c'est tout ?

— Tu es plus connue que tu ne le penses, ajoute-t-il, énigmatique.

Je plisse les yeux.

— Ça veut dire quoi, ça ?

— Rien, soupire-t-il. Juste que… les gens parlent.

Un frisson me parcourt. Je ne sais pas si c'est à cause de ses mots ou de la façon dont il me regarde, comme s'il savait quelque chose que j'ignore.

— Et toi, tu viens d'où ? je lance, en croisant les bras.

Un léger sourire flotte sur ses lèvres.

— D'un endroit où tout le monde rêverait . Mais ne se donne pas assez les moyens d'y aller.

Il tourne les talons avant que je puisse répondre et s'éloigne, me laissant là, avec plus de questions qu'avant.

Qui est ce garçon ?

Et pourquoi c'est quoi toutes ces énigmes ?

Je fronce les sourcils.

— Attends… C'est quoi ton nom ?

Il s'arrête net, mais ne se retourne pas tout de suite. Pendant une fraction de seconde, j'ai l'impression qu'il hésite à répondre. Puis, sans même me regarder, il lâche d'une voix calme :

— Pourquoi tu veux savoir ?

Je croise les bras, agacée.

— Parce que tu sembles tout savoir sur moi, alors que moi, je ne sais rien de toi.

Il se tourne enfin, son regard ancré dans le mien. Il y a quelque chose dans ses yeux… Une lueur étrange, presque familière, qui me donne l'impression que je devrais me souvenir de lui.

— Auriel.

Le nom résonne dans mon esprit comme un écho lointain.

— Auriel… répété-je, comme pour l'ancrer dans ma mémoire.

Il me fixe quelques secondes de plus, puis, sans un mot de plus, il s'éloigne à nouveau.

Je secoue la tête, essayant de chasser toutes ces pensées. Auriel… Ce garçon est un mystère, et je n'ai ni l'énergie ni l'envie de le décrypter maintenant.

Quand les cours se terminent, je prends le chemin de la maison, fatiguée. Le lycée n'est pas un refuge idéal, mais c'est tout ce que j'ai à part ma mère.

Je pousse la porte en espérant trouver un peu de tranquillité, mais dès que je mets un pied à l'intérieur, mon corps se tend.

Ils sont là.

Les fils de l'abbé.

Assis dans le salon, comme s'ils étaient chez eux, l'un d'eux relève la tête en me voyant entrer. Son sourire est suffisant, méprisant.

— Tiens, voilà l'étrangère.

Mon cœur se serre, mais je garde le silence. Je referme doucement la porte derrière moi, cherchant une issue de secours mentale.

Le deuxième frère, adossé au mur, croise les bras.

— Tu rentres tard, aujourd'hui. T'étais où ?

Je serre mon sac contre moi et avance sans répondre. Je n'ai aucune envie de jouer à leur jeu.

Mais le premier frère se lève et bloque mon passage.

— Hé, je te parle.

Je lève enfin les yeux vers lui.

— Et moi, j'aiaucun compte à de rendre .

Sa mâchoire se contracte, et je sais que j'ai touché une corde sensible. Ces garçons aiment avoir le contrôle. Ils aiment me rappeler que je ne suis rien ici.Je tente de contourner le premier frère, mais il se place devant moi, me bloquant le chemin. Je sens une vague de colère monter en moi, mais je la réprime. Je n'ai pas envie d'une confrontation. Pas ce soir.

— Qu'est-ce que tu veux ? je demande, ma voix basse mais ferme.

Il se penche légèrement vers moi, un sourire malsain sur les lèvres.

— On sait tous les deux que t'es qu'une étrangère ici, tu sais. Alors t'es juste de passage. Pas besoin de nous ignorer.

Je me redresse, essayant de garder mon calme, mais je sens la tension dans mes épaules.

— Vous savez quoi ? Vous n'êtes rien pour moi, alors épargnez-moi votre mépris.

Je tente de les dépasser, mais cette fois, le deuxième frère se lève à son tour et m'attrape fermement par le bras.

— T'as un sacré culot, toi, dit-il, ses yeux glintant de malice. Tu crois que t'es à égalité avec nous ?

Je sens une vague de panique m'envahir, mais je fais de mon mieux pour garder le contrôle. Je n'ai pas peur d'eux. Enfin, j'essaie de me convaincre que je n'ai pas peur.

— Lâche-moi, maintenant, ordonné-je.

Il rigole, mais avant qu'il n'ait le temps de réagir, la porte d'entrée s'ouvre brusquement.

L'abbé entre dans la pièce, son regard sévère balayai la scène.

— Que se passe-t-il ici ?

Les deux frères se redressent aussitôt, un sourire un peu trop exagéré sur leurs visages. Ils se tournent vers l'abbé.

— Rien de grave, on discutait juste.

L'abbé les fixe un instant, ses yeux plissés, puis se tourne vers moi.

— Anastasia, tu n'as pas l'air bien. Tout va bien ?

Je hoche la tête, cherchant à masquer l'agitation qui bouillonne en moi.

— Oui, tout va bien, répondis-je d'une voix calme.L'abbé me regarde un moment, comme pour juger la situation, avant de hocher la tête.

— Très bien. Je vous prie de bien vouloir respecter la tranquillité de la maison.

Les frères échangent un regard, mais se taisent. Ils s'éloignent, feignant l'indifférence, mais je peux voir la tension dans leurs gestes.

L'abbé me lance un dernier regard avant de quitter la pièce, et je reste là, encore sous l'effet de cette confrontation.

Je prends une grande inspiration et me dirige vers notre chambre pour voir la santé de ma mère et évitant de croiser à nouveau les regards lourds des garçons.