Chapitre 1: La dérive

Hiver 64

Il est 8h mais déjà Kai peut entendre au loin les cris d'un homme. Sûrement en exécution publique sur la place voisine. Il ne peut plus supporter ces cris stridents, de sa chambre sombre et délabrée, du haut de ses 17 ans, il ressens la douleur de ce pauvre homme qu'il ne peut même pas voir.Ces cris... Ils étaient toujours les mêmes. Désespérés, brisés. Et pourtant, ils trouvaient encore le moyen de lui tordre l'estomac chaque matin. Kai tourna les yeux vers la fenêtre, mais le vieux drap cloué à son encadrement bloquait la lumière. Il ne voulait pas regarder. À quoi bon ? C'était toujours la même scène : un homme ou une femme, agenouillés, battus ou pendus, sous les regards froids des soldats d'or et les murmures d'une foule qui baissait les yeux. Il n'en pouvait plus. Il lui fallait sortir, même si l'air extérieur était aussi irrespirable que cette vie. Je vais rejoindre Corvian et Naelis au Kazou, se dit-il, plus pour se convaincre que par réelle envie.Kai enfila son pull trop grand pour son maigre corps, un vieux jean usé et ses sabots troués. Ses chaussettes râpées glissèrent un peu sur ses pieds fatigués. Il arrangea ses cheveux bruns et bouclés d'un geste machinal avant de quitter la chambre. Il décide alors de se rendre au Kazou, le marché couvert de la dérive. « La dérive » c'est ainsi qu'est nommé son vieux quartier délabré dans la banlieue d'Oro, la capitale. alors il se lève de son lit, enfile un vieux pull gris beaucoup trop gros pour son corps maigre, un large jean usé sur ses fines jambes et des chaussettes trouées sur ses pieds plein de peau morte à force de travail. Il arrange alors ses courts cheveux bruns et bouclés qui tombe sur son visage. Et il sort de sa chambre.Le voilà alors dans la cuisine-salon qui fait aussi office de chambre pour sa mère, veuve de son mari exécuté pour avoir refusé de dénoncer un homosexuel caché à côté de chez lui. Le sol penché et la porte d'entrée ne ferme même plus. Kai salue sa mère, entraîne de nettoyer les habitudes des hommes du quartiers, c'est le seul moyen de gagner de l'argent étant donné que les femmes n'ont pas le droit de travailler hors de chez elles. Sa mère leva à peine les yeux de la bassine d'eau savonneuse, ses mains rouges de froid frottant frénétiquement un vieux pantalon. Depuis la mort de son père, elle passait ses journées à nettoyer les vêtements des voisins, le dos courbé, les yeux cernés, le silence en guise de réponse à ses propres souffrances. Kai savait qu'elle faisait tout ce qu'elle pouvait, mais ça ne suffisait jamais. Si seulement elle pouvait travailler comme avant , pensa-t-il, la gorge serrée. Mais les Soldats d'Or avaient tout pris. Le droit de sortir. Le droit de rêver. Même l'air qu'ils respiraient semblait leur appartenir. Kai salue sa mère :-Salut m'man.-Bonjour, Kai. Tu veux que je te donne quelques aurums pour que tu t'achète quelque chose pour le petit déjeuner ?-Non merci, il faut que tu gardes cet argent pour plus tard, je n'ai pas faim ce matin.-Entendu mon fils. Où va tu comme ça ?-Au kazou.Il enfile ses vieux sabots troués.-Tu auras besoin d'argent là bas.-Je ne compte pas acheter quelque chose, je vais juste retrouver Corvian et Naelis.-D'accord mon fils. Sera-tu de retour pour le déjeuner ?-Oui m'man.-Bonne matinée, sois prudent, j'ai entendu dire que les contrôles des soldats sont très fréquents, ces temps si.-Oui m'man.Kai sort dans la rue. Il s'est habitué à l'odeur nauséabonde omni présente. Comme d'habitude, il doit mettre un foulard mouillé devant son nez et sa bouche pour éviter d'être intoxiqué par les fortes fumées venant des usines voisines. Ils avancent alors dans la rue bousculé par la foule et chassant régulièrement les enfants venant lui demander de l'argent. Désolé mes petits, chacun sa merde. Soudain, un mouvement de foule, il s'avance pour voir ce qu'il se passe, il bouscule saute et sur la pointe des pieds, il peut voir : Trois soldats sont entrainés de tabasser à mort une femme :-Vente Pédé ! crie l'un deux.-Une femme, pédé qui plus est, t'es vraiment qu'une sous race. commente un deuxième.-Vas rejoindre tes semblables dans la mort, animale ! Fini le dernier.Et les cris s'arrêtent. Plus rien. Plus un clignement d'œil, plus un spasme, elle est morte, tabassée à mort par trois soldats d'or pour avoir embrassé une femme.-Une sous-merde de moins. continue un d'eux à travers son masque, modifiant sa voix, la rendant grave et effrayante.Mais Kai reconnaît cette femme, c'est la fille du dirigeant du quartier. Il va sûrement se faire exécuter à son tour, gouvernement de merdese dit Kai en continuant son chemin.Il arrive dans l'allée centrale. Une grande allée avec le Tram passant au centre. Mais personne ici ne le prends, c'est trop cher, il est pour les riches du centre ville, eux, sont tous des descendant des premiers membres des soldats d'or, ceux qui ont participé au coup d'état, en 4. Il se faufile aux travers de la foule, s'arrête au passage d'un tram, vide, et manque de se faire pousser dessus. Mais il ne fait rien, c'est la routine dans la dérive, à la vie à la mort. Il continue sa traversée, traverse encore quelques rues et se retrouve devant les ruines d'une énorme tour qui s'est effondrée durant la guerre. Les habitants ont réussi à "aménager" l'intérieur de ces ruines pour y placer un marché, le Kazou. Il entre par la grosse brèche sur un des murs de la tour, aujourd'hui, effondré sur le sol. A l'intérieur le bruit est omniprésent et les odeurs de toutes sortes se mélangent dans l'air pour donner un résultat nauséabond. Dans le marché, il y a de tout, stand de nourriture, de vêtement, de meubles etc... Un seul points commun les relies, tout est délabré et de mauvaise qualité. Kai se dirige alors vers le fond du marché, dans le stand de tatouages, celui de ses deux meilleurs amis, les frères et sœurs Corvian et Naelis.