Au fur et à mesure que Feng Lin avançait, il ressentait une étrange déconnexion avec le monde autour de lui. Le temps, jadis une constante rassurante, semblait désormais devenir élastique. Il n'avait plus aucune sensation de l'écoulement des secondes ou des minutes. Ses pas se succédaient sans qu'il puisse en mesurer la durée. L'environnement semblait figé dans une suspension intemporelle. Il n'était plus sûr de combien de temps il avait passé dans ce monde, ni combien de temps il lui restait.
Les paysages se succédaient, mais tout était pareil. Le sol, le ciel brisé, les montagnes dévastées… Tout semblait appartenir à une réalité hors du temps, où le moindre repère avait disparu. L'absence totale de son ne faisait qu'ajouter à cette sensation d'infini et de solitude. Pas un vent, pas un bruit. Rien. Le silence écrasait ses sens, amplifiant la sensation de vide qui s'étendait devant lui.
Feng Lin tenta de se concentrer sur quelque chose, de marquer le passage du temps par un mouvement, mais cela devenait de plus en plus difficile. Aucune variation dans le paysage, aucun bruit pour signaler un changement, même subtil. Il était comme enfermé dans un espace infini, un monde où même l'air semblait être figé. La notion de temps semblait avoir disparu, et avec elle, toute notion de direction. Il était perdu, mais sans en être vraiment conscient. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il continuait à marcher sans but, à avancer dans cet endroit sans fin.
Puis, au loin, il aperçut quelque chose qui brisa la monotonie du paysage : une créature.
Elle était attachée à un poteau, ses membres raides et entravés par des chaînes usées. De loin, elle semblait être endormie, ou du moins inerte. La créature avait l'apparence d'un être primitif, avec des muscles saillants et des griffes acérées. Son corps était recouvert d'une peau sombre et épaisse, semblable à celle d'un reptile, mais des plaques métalliques étaient fixées à certains endroits, comme des armures anciennes.
Feng Lin s'arrêta instinctivement, observant la scène avec une étrange curiosité. Il s'approcha prudemment, sans se faire de bruit. La créature ne bougeait pas, et il n'entendait pas le moindre souffle. Elle semblait figée, mais une énergie intense émanait d'elle, une force qui ne demandait qu'à se libérer.
Il s'arrêta à quelques pas d'elle, la fixant avec attention. Une sensation étrange lui chatouillait l'esprit, un mélange de prudence et d'intuition qui lui soufflait de ne pas sous-estimer cette rencontre. Mais il n'y avait pas de danger immédiat. La créature semblait être dans un profond sommeil, ou peut-être dans un état de stase imposée.
Il se pencha un peu plus, cherchant à voir si elle réagissait, mais non. Elle restait immobile, comme figée dans le temps. C'était comme si elle faisait partie du décor, un vestige du passé, un témoin silencieux de la destruction qui avait ravagé ce monde.
Feng Lin attendit.
Le silence s'étendit encore. Il ne savait pas quoi faire, mais un pressentiment grandissait en lui. Cette créature ne faisait pas simplement partie du paysage, elle avait une fonction, une raison d'être ici. Mais quelle était-elle ?
Feng Lin observa la créature avec intensité, mais une sensation d'insatisfaction montait en lui. Il avait l'impression que quelque chose lui échappait. Cet endroit semblait réagir à sa présence, mais il n'arrivait pas à saisir les règles sous-jacentes de cet environnement. Il avait compris que cette épreuve n'était pas seulement physique. Elle semblait tester sa capacité à s'adapter, à percevoir, à comprendre les éléments qui le entouraient. Pourtant, il n'avait pas encore saisi la profondeur de ce qu'il devait accomplir.
Sans un bruit, Feng Lin tourna les talons et reprit sa marche. Le silence semblait maintenant plus oppressant que jamais, comme si l'univers lui-même avait suspendu son souffle en attendant quelque chose. Il essayait de percevoir des signes, des indices sur ce qu'il devait faire. Il ferma les yeux un instant, espérant que son œil spirituel, son pouvoir, puisse lui fournir un moyen de comprendre ce monde.
Il rouvrît les yeux, mais rien ne se passa. Le vent soufflait sans bruit, l'air ne portait aucune vibration, aucune sensation tangible à part une étrange légèreté dans sa poitrine, comme si l'espace lui-même le nettoyait de l'intérieur. Il se concentra sur son souffle, et un frisson étrange parcourut son dos. Ce n'était pas un frisson de froid, mais plutôt celui de l'acuité, de l'éveil.
C'est alors qu'une légère vibration s'éveilla en lui. Il se figea, sentant une sorte de flux subtil qui traversait le sol sous ses pieds. Il se pencha légèrement, tentant d'affiner sa perception, mais le flux était faible, presque imperceptible. Pourtant, il n'en revenait pas. Il avait ressenti quelque chose, un courant d'énergie, quelque chose qui parcourait le sol, mais il n'était pas sûr de ce que c'était. Le vent ne soufflait pas, et l'air autour de lui semblait presque figé. Pourtant, ce flux continuait.
Il inspira profondément, cherchant à comprendre ce qu'il ressentait. Peut-être était-ce lié à l'énergie spirituelle de ce monde, ou un indice subtil pour l'aider à mieux percevoir.
Feng Lin se concentra sur cette sensation, et tout à coup, il perçut autre chose. Des différences dans l'air, une variation subtile des courants invisibles autour de lui. Il sentit comme une énergie qui s'échappait des fissures du sol, une énergie qui semblait avoir été retenue depuis longtemps, mais maintenant qu'il l'avait identifiée, elle paraissait partout. Il s'agissait de l'énergie spirituelle, le Qi, mais de manière plus fluide, plus intangible. Et là, en l'observant, il sentit que cette énergie avait des courants et des mouvements, comme un réseau invisible sous ses pieds.
Il s'arrêta, intrigué. Une révélation furtive s'alluma dans son esprit, mais il ne comprenait pas encore exactement ce qu'il avait perçu.
Feng Lin commença à avancer lentement, ajustant ses pas, cherchant à suivre ce qui semblait être des courants d'énergie invisibles, qui agissaient comme des guides, bien que leur nature lui échappât encore. Alors qu'il se concentrait davantage, il se rendit compte que ces courants étaient semblables à ceux qu'il ressentait lorsqu'il utilisait son œil spirituel. Mais ici, ils semblaient s'étendre à tout l'environnement. L'air, le vent, même le sol – tout semblait être tissé de ces énergies invisibles.
Il ferma les yeux un instant, activant volontairement son œil spirituel. A son grand étonnement, il réussit à distinguer les différentes énergies qui parcouraient le monde autour de lui. Il pouvait discerner les légers mouvements du vent, l'énergie résiduelle dans les fissures du sol, et une toute nouvelle dimension de perceptions s'ouvrit à lui.
Il observa plus attentivement les alentours. Il ne s'agissait pas seulement d'une perception spirituelle améliorée, mais plutôt d'une capacité à lire l'environnement à un niveau plus profond. Chaque flux d'énergie, chaque changement invisible dans l'air ou sur le sol, était désormais identifiable pour lui, mais aussi... chaque forme de vie. L'énergie spirituelle des créatures, même endormies, émettait une signature unique. C'était comme si son œil pouvait maintenant scruter les racines spirituelles des êtres autour de lui.
Feng Lin se tourna à nouveau vers la créature attachée au poteau, et cette fois, il la scruta avec plus de précision. Il ressentit une pulsation étrange émanant d'elle, une vibration spirituelle. Bien qu'elle fût immobile, elle ne semblait pas totalement inerte. Il pouvait percevoir son énergie résiduelle, comme une empreinte laissée par une vie qui avait connu des événements tumultueux.
Une pensée le traversa : Peut-être était-ce une des étapes de cette épreuve, peut-être qu'il devait utiliser cette capacité à lire l'énergie autour de lui pour mieux comprendre ce qu'il fallait faire.
Soudain, il comprit. Ce monde ne se contentait pas de tester sa résistance physique, ni son endurance. Il lui permettait d'apprendre à exploiter pleinement son œil spirituel, de le maîtriser pour voir au-delà des apparences, pour ressentir l'énergie qui circulait à travers le monde et comprendre la vraie nature des êtres vivants et de leurs capacités.
Feng Lin sourit légèrement, une certaine clarté s'installant en lui. Il avait encore beaucoup à apprendre, mais il sentait que chaque pas qu'il faisait dans ce monde étrange l'aidait à progresser dans sa maîtrise de son œil spirituel.
Il n'avait aucune idée de combien de temps il avait passé ici. Mais il comprenait maintenant que ce temps sans repères, sans sons, n'était qu'une toile vierge. Une toile sur laquelle il devait peindre son propre chemin, une toile qui lui permettrait de se perfectionner, de se préparer pour ce qui viendrait après.
Feng Lin était prêt à avancer.