Temple Maya (1)

Leonel ressentit un léger vertige qui disparut bientôt. Il pouvait vaguement sentir que son rétablissement rapide était tout sauf naturel, cependant il n'avait pas beaucoup de preuves pour le confirmer.

Il se retrouva dans un long couloir, faiblement éclairé par des torches vacillantes accrochées aux murs. De grandes pierres de formes irrégulières formaient les briques qui constituaient les environs, donnant au lieu l'apparence d'une tombe ancienne.

Juste au moment où Leonel allait faire un pas en avant, quelque chose de totalement inattendu se produisit.

[Sujet détecté. Leonel Morales, 17]

[Crédit : Premier à entrer dans la Zone Sub-Dimensionnelle. Réussite enregistrée]

Leonel fixa d'un air absent la montre à son poignet.

[La Terre est actuellement dans un état de métamorphose, passant de la Troisième Dimension à la Quatrième. Son état actuel est celui d'une Dimension Intermédiaire. Pour compléter l'évolution, certaines conditions doivent être remplies. L'Empire de l'Ascension s'appuiera sur ses citoyens plus que jamais auparavant, bonne chance]

Pour quelqu'un d'autre, ces mots auraient peut-être eu un effet apaisant. Mais pour Leonel, sa poitrine se serra alors qu'il essayait de réprimer l'envie de bouillir de rage.

Leonel ne savait pas ce qui se passait, mais ce qu'il savait, c'est que cette soi-disant « métamorphose » en cours n'expliquait pas cette aide « si utile » à son poignet. Cela signifiait que l'Empire de l'Ascension savait que ce changement allait arriver et n'avait rien fait pour s'y préparer.

Non. Ce n'était pas exact. Ils s'étaient préparés. C'était juste qu'ils estimaient que les vies des milliards de personnes tombées du ciel ne valaient pas la peine d'être protégées. L'Empire était capable de créer une technologie fonctionnant dans cette « Dimension Intermédiaire », mais ils ne l'avaient pas rendue accessible à tous.

Finalement, la colère de Leonel se transforma en rire, son poing se resserrant sur sa barre métallique jusqu'à ce que ses jointures prennent une teinte malsaine de blanc.

[Sujet : Leonel Morales]

[Capacité détectée : Type Sensorielle]

[Grade de la capacité : D]

[Attention, marge d'erreur pour le sujet Leonel Morales hors limites raisonnables. Seulement 5 % de l'ADN reconnaissable. Anomalie enregistrée. Il est conseillé au sujet de ne pas placer sa confiance en ces données]

[Zone Sub-Dimensionnelle détectée : Tombe Maya. Invasion espagnole]

[Grade de la Zone Sub-Dimensionnelle : F]

[Exigences pour accomplir : Entrer dans la Salle de Sacrifice du Grand Prêtre. Sauver le Grand Prêtre]

[Quête Secondaire : Impossible à détecter. Portée du système trop limitée]

[Récompense : Impossible à détecter. Portée du système trop limitée]

Leonel réprima sa rage.

Son instinct initial fut d'écraser la montre à son poignet, mais il savait que c'était idiot. Ses déductions lui disaient qu'il n'était pas normal pour quelqu'un entrant dans une Zone Sub-Dimensionnelle d'obtenir autant d'informations sans avoir rien fait.

« Si c'est un processus d'évolution d'un monde passant de la Troisième à la Quatrième Dimension, j'ai du mal à croire que c'est la première fois qu'une telle chose se produit. Il y a quelque chose de trop systématique, trop planifié. Cela n'a pas le caractère erratique qu'on attendrait d'une évolution organique. »

Combien d'instances d'essais, d'erreurs et d'échecs y avait-il dans l'évolution d'une espèce ? Trop pour être comptées. Mais quelque chose comme être téléporté dans une nouvelle sous-dimension et avoir des quêtes à accomplir semblait trop artificiel. Leonel préférerait mourir avant de croire que cela n'avait pas été créé par quelqu'un. Et il avait également le sentiment que cette personne ne s'attendrait pas à ce que ses nouveaux « évolutionnaires » disposent de la technologie permettant de faire une telle chose.

Alors, Leonel tira trois conclusions.

Premièrement, les choses qui apparaissaient dans son esprit depuis sa montre à son poignet n'étaient que des suppositions. Elles ne seraient probablement pas exactes à 100 %. Mais il y avait une bonne chance qu'elles soient généralement correctes.

Deuxièmement, si sa montre avait déjà du mal avec ce qu'elle considérait comme une Zone Sub-Dimensionnelle de grade « F », alors il était probable qu'elle ne serait pas utile très longtemps. Peut-être qu'à partir du grade « D », elle serait complètement incapable de lui donner des informations.

Et troisièmement, puisque sa montre était si limitée, la probabilité que ces changements soient causés par l'Empire de l'Ascension était extrêmement faible. Mais… Cela n'empêchait pas Leonel de garder à l'esprit la possibilité que l'Empire dans lequel il avait grandi ait réservé les meilleurs « systèmes » à ceux qu'il jugeait les plus dignes. Dans un tel cas…

Leonel prit une profonde inspiration.

« Bien, alors je vais te laisser rester pour l'instant. Une fois que tu ne seras plus utile, je n'hésiterai pas à te détruire. Suivre mes mouvements sans rien me donner en retour ? Je ne suis pas si bon marché. »

Dans le passé, détruire cette montre était aussi difficile que d'atteindre le sommet du monde. Cependant, Leonel avait le sentiment qu'avec ces changements… Le contrôle de l'Empire de l'Ascension était juste un peu plus faible. Peut-être qu'ils le savaient aussi eux-mêmes, ou pourquoi laisseraient-ils autant mourir…? Peut-être voulaient-ils une population plus gérable…

Le son de pas soudain tira Leonel de ses pensées. Qu'était-il en train de faire ? Il se trouvait en plein milieu d'un environnement hostile, sa vie en danger. C'est alors que Leonel se rappela quelque chose d'encore plus horrible.

Les Espagnols avaient des armes à feu !

« Merde ! »

Sans hésitation, Leonel s'élança en avant, son esprit étrangement clair. Chaque fois qu'il passait devant une torche, il éteignait sans cérémonie sa flamme.

« Premier point important, les temples sont toujours construits avec de nombreux faux tournants et chemins sans issue. Deuxième point important, les fusils de cette époque ne peuvent tirer qu'un coup tant que je ne leur donne pas le temps de recharger. Troisième point important, ma capacité est de type sensoriel, je serai plus performant dans l'obscurité qu'eux. »

Comme pour accueillir les pensées de Leonel à bras ouverts, les échos des pas et les sons d'armure heurtée rebondirent sur les murs et résonnèrent dans ses oreilles.

C'était une sensation magique. Leonel pouvait presque dessiner une carte parfaite de la trajectoire des sons, traçant un chemin depuis sa position jusqu'à celle des Espagnols avec une ligne de trois tournants. C'était comme s'il avait acquis une capacité sonar, mais c'était beaucoup plus complexe que cela car le son ne provenait pas de lui du tout.

Comparé à l'armure lourde que portaient les Espagnols, ses chaussures de sport étaient presque complètement silencieuses.

« Ils viennent de se séparer, parfait. Un groupe se dirige vers moi, ils sont trois. »

Le cœur de Leonel battait furieusement. Il n'avait pas ressenti cela depuis la toute première fois qu'il avait mis les pieds sur un terrain de football. La manière dont ses mains moites glissaient sur sa barre d'argent, les papillons volant dans son estomac, la sensation que son cœur voulait éclater de sa cage thoracique…

Leonel colla son dos contre un mur au bord d'un tournant, tenant fermement sa barre contre lui avec les deux mains.

Le chemin sur lequel il se trouvait était la ligne horizontale d'un « T », tandis que les Espagnols marchaient vers lui le long de la ligne verticale. Il avait réussi à éteindre toutes les torches sur le chemin horizontal, mais n'avait fait qu'à moitié sur la portion verticale avant d'être contraint de courir et de se cacher ici.

Heureusement, il avait raison concernant ses capacités sensorielles. Progressant dans l'obscurité ne posait aucun problème.

Des mots que Leonel ne comprenait pas raisonnèrent dans ses oreilles, le faisant jurer intérieurement. Il savait parler trois langues. Anglais, Français et Latin. Il avait eu le choix d'apprendre l'Espagnol, mais parce qu'Aina avait choisi le Latin, il ne l'avait pas fait. De plus, il pensait que le Français était la langue de l'amour, alors il devait l'apprendre, non ?

Qui aurait cru que ses hormones reviendraient le mordre ainsi ?

Jetant ces pensées au fond de son esprit, Leonel se concentra de toutes ses forces, maîtrisant sa respiration.

Il entendit le son de métal raclant contre métal, mais c'était très différent des sons d'armure qu'il avait entendus auparavant. À la suite, le son distinct d'une épée dégainée retentit.

« Ce premier son devait être l'un d'eux retirant une torche du mur… »

La mâchoire de Leonel se serra. Une petite partie de lui espérait qu'ils soient trop stupides pour penser à cette solution. Mais il savait que c'était trop demander. Pourtant, cela le mettait en meilleure position. Il n'était pas possible de viser un mousquet si l'on n'avait qu'une main, encore moins de le recharger. Cela faisait un tireur de moins à gérer.

« Allez… Allez… Tournez à droite… Tournez à droite… »

Et bien sûr, ils tournèrent à gauche.

Cependant, Leonel était prêt. Comme prévu, celui tenant la torche était en tête. Sans hésitation, Leonel abattit sa barre violemment, visant la main tenant la torche.

Un flot de mots que Leonel ne comprenait pas pénétra ses oreilles, mais il n'avait pas besoin d'être intelligent pour comprendre que le soldat espagnol tenant la torche alertait les deux autres.

Pour manier correctement leurs armes, les Espagnols portaient une armure combinant esthétique médiévale et protections en cuir. Bien sûr, ces protections en cuir couvraient leurs mains et poignets. Avec la barre de Leonel pesant un peu plus de 13 kilos, est-ce que le poignet du soldat avait une chance ?

« Les barbares se meuvent comme des rats ! ARGH ! »

La torche tomba au sol. Sans hésitation, Leonel la repoussa aussi loin qu'il put, plongeant les chemins en forme de « T » dans l'obscurité à nouveau.

Bien que les actions de Leonel furent fluides et sans pause, des vagues inondaient intérieurement son cœur. Il en était certain, il était plusieurs fois plus fort qu'il ne l'avait été par le passé. Mais, sa capacité n'était pas liée à la force de son corps, alors qu'est-ce qui se passait ?

Leonel n'avait pas plus de temps pour y penser. Le son d'un vent sifflant vivement résonna dans ses sens comme une alerte bruyante.

Sans hésiter, il plongea en arrière. La sensation de la lame fendant tout juste son T-shirt compressif et entaillant sa peau, jouait dans son esprit au ralenti.

Des étincelles jaillirent lorsque l'épée frappa contre le calcaire dur.

Un autre cri de douleur résonna. Ils étaient des humains normaux, après tout. Si un homme mortel décochait son arme de toutes ses forces contre un mur de pierre, que pensez-vous qu'il arriverait ?

L'épée cliqueta, tombant à terre. Il ne serait pas surprenant que l'Espagnol ayant attaqué se soit cassé le poignet comme son compagnon. Mais quel choix avait-il eu ? En sombrant dans l'obscurité, sa seule chance était de frapper là où il avait vu Leonel pour la dernière fois.

« Deux blessés, un en pleine santé. Je ne peux pas les laisser retourner à la lumière. »

Avec un cri de rage, Leonel n'hésita pas une seconde. Levant sa barre bien au-dessus de sa tête, il l'abattit aussi fort qu'il put, frappant contre la tête de l'Espagnol qui tenait la torche au départ.

Tous les muscles de Leonel étaient tendus à leur maximum. Il serra si fort que la ligne de sang qui traversait sa poitrine éclata comme une cascade.

La sensation écœurante du casque de métal se pliant sous sa barre fit frissonner Leonel. Un instant, il se figea complètement, ses mains tremblant.

Il n'y avait pas pensé avant. Mais… Ces gens étaient-ils réels ?

Leonel voulut vomir, mais il n'en avait simplement pas le luxe. Alors qu'un Espagnol s'effondrait sur le sol, le son distinct du cuir glissant sur le métal attira l'attention de Leonel.

« C'est le son de la sangle d'un mousquet glissant sur un plastron d'armure ! »

L'esprit de Leonel avait complètement mémorisé l'apparence des Espagnols dans la fraction de seconde où la torche les avait éclairés. Il se souvint immédiatement qu'ils portaient tous leurs fusils en bandoulière dans le dos. C'était la seule chose qu'il pouvait associer à ce son.

« Je ne peux pas balayer ma barre de gauche à droite, je finirais par toucher le mur en premier… »

Leonel se laissa tomber immédiatement au sol.

Adjustant sa prise sur sa barre d'argent, il la balaya par-dessous les jambes, tournant son mouvement comme un tire-bouchon. En un moment, la barre avait traversé l'arrière d'un genou et le devant de l'autre.

Alors que l'Espagnol qui avait cassé son poignet contre le mur basculait et tombait au sol, le dernier Espagnol se tournait vers le bruit, tirant son unique coup.

Malheureusement pour lui, son partenaire et Leonel étaient tous deux à terre, ce qui le fit complètement manquer sa cible. Cependant, le flash instantané lui permit de retrouver une fois de plus Leonel dans sa mire.

Son pied s'élança en avant, frappant Leonel au niveau du menton.

L'esprit de Leonel tourna. Pas besoin de le dire. La sensation d'une chaussure couverte de métal vous frappant n'importe où n'était pas très agréable, mais c'était particulièrement vrai pour le visage.

Le son d'une épée dégainée tira Leonel de sa stupeur. Peut-être que la peur de la mort était trop grande, mais Leonel avait l'impression que c'était autre chose. Lorsqu'il avait été transporté ici, n'avait-il pas récupéré du vertige très rapidement également ?

L'esprit de Leonel travailla rapidement. Sa barre était encore coincée entre les jambes de l'Espagnol tombé, il n'avait pas le temps de la retirer. De plus, la retirer l'amènerait plus près de l'Espagnol déchaîné.

Utilisant l'élan du coup, il se laissa tomber en arrière, atterrissant près de l'épée que l'Espagnol avait abattue contre le mur. L'image vive de l'épée frappant le sol était déjà gravée dans l'esprit de Leonel.

Leonel attrapa par accident la lame, mais il pouvait seulement encaisser.

La retournant dans sa main jusqu'à venir au manche, il la fit glisser à travers le cou de l'Espagnol qu'il avait fait trébucher avec sa barre. Ce dernier resta confus de sa mort alors même qu'il expirait son dernier souffle.

À ce moment, l'Espagnol restant frappait avec frénésie. Il savait que Leonel devait être devant lui. S'il continuait, il était sûr de l'atteindre.

Cependant, son bras frappant s'arrêta soudain.

Absolument choqué, il baissa les yeux dans l'obscurité, visualisant l'épée qu'il savait devoir avoir traversé son cœur. Jusqu'à la fin, il ne comprit pas comment Leonel avait pu le faire malgré ses coups frénétiques. Comment pouvait-il savoir qu'à chaque coup, il donnait à Leonel davantage d'informations sur sa position… ?

Leonel s'effondra au sol, fixant le noir du plafond au-dessus de lui.

Il frappa l'arrière de sa tête à plusieurs reprises contre les murs de pierre solides comme pour tenter d'oublier ce qu'il venait de faire.

Ses mains tremblaient violemment. Même dans l'obscurité, il pouvait sentir la substance liquide et collante qui recouvrait ses paumes. Mais, il n'avait rien pour s'en débarrasser.