'Elle a déjà fait un cercle six fois… Elle me prend vraiment pour un imbécile…'
Leonel dirigea son regard vers le dos fin de Jeanne.
En réalité, peut-être que ce n'était pas la faute de Jeanne. Les capacités de calcul de Leonel étaient trop aiguisées, et il n'avait pas encore révélé quoi que ce soit de ses véritables pouvoirs.
Cependant, là où elle était en faute, c'était dans le fait que, bien que Leonel se dépeignît comme innocent et quelque peu ignorant, il n'avait jamais prétendu être stupide. Cette Jeanne le sous-estimait trop. Leonel était certain qu'il aurait vu quelque chose de suspect dans ses actions même sans ses capacités.
Le bras de fer dans l'esprit de Leonel faisait rage. D'un côté, il ne pouvait véritablement se résoudre à la voir comme une ennemie. Mais, une autre partie de lui cachait constamment les aspects les plus importants de lui-même, comme par instinct.
Leonel sentait que sa capacité tempérait quelque peu son côté plus émotionnel, et il décida qu'il n'était pas particulièrement contrarié par ce fait. Cependant, il devait encore prendre une décision.
Devait-il continuer à suivre Jeanne ? Ou… devait-il se renforcer et la tuer ici ?
Sans Jeanne, compléter la quête cachée serait quasiment impossible. Le moral des Français en dépendait presque entièrement. Et Charles n'était pas pressé d'attaquer Paris en premier lieu.
Cependant, une quête cachée restait une quête cachée. Ils pouvaient quitter cet endroit sans la compléter. Bien que, Leonel n'était pas exactement certain des conséquences de le faire.
Il fallait dire que bien que tout cela soit structuré comme un jeu, Leonel était parfaitement conscient que ce n'en était pas un. Les quêtes « secondaires », « principales » et « cachées » avaient toutes leur propre objectif. Leur tâche ultime était de traiter l'anomalie dans la ligne temporelle et de sauver le présent de l'effacement. À quel point terminer la quête cachée était important pour cette fin… Leonel ne savait pas.
Il ne pouvait donc prendre des décisions que sur la base des informations qu'il avait. Et, selon Aina, cette Zone Sub-Dimensionnelle pourrait très bien être une Zone Unique. Dans un tel cas, avec tant de variables potentielles, plus vite ils pourraient en sortir… mieux ce serait.
La mâchoire de Leonel se serra. C'était probablement le premier réel test auquel faisaient face ses nouvelles morales. Sa conscience était-elle vraiment à l'aise avec l'idée de porter ce fardeau ? Était-il vraiment prêt à prendre la vie d'une femme avec qui il avait dîné ? Partagé la vie et la mort ? Échangé des rires ?
'… Non. Je ne suis pas d'accord…'
Leonel prit une décision. La relation qu'il avait construite avec elle, aussi superficielle qu'elle puisse être, méritait que Leonel suive le chemin jusqu'au bout. Si le danger se trouvait à la fin, Jeanne serait son ennemie. C'était aussi simple que cela.
C'était une décision naïve, voire idiote. La chose la plus intelligente à faire aurait été de sortir la lance qu'il avait dissimulée grâce aux poches spéciales d'Aina et de transpercer son cœur dans son dos à cet instant précis.
S'il faisait cela, les vies de lui et d'Aina seraient garanties. Qu'ils réussissent ou échouent à reprendre Paris, ils pourraient quitter cet endroit. Mais… il ne le fit pas.
"Nous sommes arrivés."
Jeanne s'arrêta devant une porte en bois plus courte que la normale, avec un verrou. Elle avait presque été impossible à voir dans les ombres, facilement ignorée lorsqu'on errait au hasard… presque comme le sourire caché de Jeanne dans cette obscurité. Leonel ne pouvait que difficilement discerner la blancheur de ses dents et le bleu de ses yeux, même avec ses sens aiguisés.
"Je ne peux pas vous suivre à l'intérieur, l'Archevêque a des règles très strictes. Même moi, je ne suis pas autorisée à le voir librement. Saisissez bien cette opportunité, elle pourrait changer votre vie."
Jeanne n'attendit pas après avoir déverrouillé la porte pour Leonel et Aina. Elle s'inclina légèrement devant eux, presque par une habitude étrange qui ne semblait pas s'accorder à la situation. Puis, contournant pour passer à côté d'eux, elle se dirigea vers la sortie.
"… J'espère que je me trompe."
Les mots de Leonel furent prononcés en un anglais frappant. Le changement fut si déroutant que Jeanne se figea. Elle venait tout juste de ramener ses épaules au niveau de celles de Leonel, mais elle n'osa pas se retourner pour lui faire face, bien que sa joue ne soit qu'à un mètre à peine de la sienne.
Ce ton… il contenait un niveau de commandement et de conviction que Jeanne ne pouvait pas associer au Leonel qu'elle avait appris à connaître.
À son avis, Leonel était presque parfait dans tous les aspects. Ses capacités, son caractère aimant et attentionné, il était même séduisant. Son seul défaut était qu'il était un peu simple, pour dire les choses gentiment.
Pour parler franchement… elle l'appréciait bien plus qu'elle n'appréciait Charles.
Cependant, dès que ses mots entrèrent dans ses oreilles, bien qu'elle ne puisse pas comprendre leur signification, elle ressentit une sorte de perte qu'elle ne pouvait pas expliquer. Pendant longtemps, elle n'était même pas certaine si elle avait simplement mal entendu ou imaginé tout cela. Lorsque les battements de son cœur cessèrent, la porte en bois verrouillée s'était ouverte et refermée.
**
Leonel et Aina apparurent dans ce qui ressemblait à un système d'égouts souterrains en pierre. Il y avait de nombreuses arches semi-circulaires le long des côtés, s'étendant dans plusieurs autres tunnels avec leurs propres chemins sinueux. Mais, il y avait un manque distinct de l'odeur horrible ou de l'humidité qu'on pourrait attendre. En fait, c'était étrangement impeccable.
Si l'on ignorait les arches ramifiées, le corridor faisait au moins 20 mètres de large. À environ 200 mètres devant eux, il y avait une impasse. Le mur semblait infiniment haut, une sorte de structure qui n'avait pas sa place sous terre. Pourtant, elle était là.
Malgré tout, même dans ces circonstances, quelque chose d'autre attira l'attention de Leonel. Il s'agissait d'un simple bureau en bois. Il avait trois tiroirs attachés à ses deux pieds du côté droit, et deux pieds nus du côté gauche. Il mesurait à peine deux mètres de long et n'avait rien d'autre qu'une seule bougie éclairant toute sa surface.
Devant ce bureau, un vieil homme aux cheveux gris, vêtu de robes grises usées, était assis. Son dos tourné vers eux, courbé comme s'il était trop épuisé pour s'asseoir droit.
"Vous êtes venus… Dites-moi, j'ai toujours été curieux. À quoi ressemble le monde mille ans dans le futur ?"