Nous montions jusqu'au dernier étage, les escaliers étaient faits de marbre et encore en sacrément bon état.
Nous progressions en formation, étage après étage, le manque de sommeil et le stress permanent commençaient vraiment à peser sur l'équipe.
Cependant, l'adrénaline et cette volonté d'enfin retrouver une autre unité nous motivaient, nous aidant à faire abstraction de la fatigue.
Il nous aura fallu presque quarante-cinq minutes pour finalement arriver au sommet.
Nous faisions face à un immense couloir traversant le bâtiment avec des portes de chaque côté.
Je faisais signe à tout le monde de ne plus faire le moindre bruit.
Des sons émanaient de la première double porte.
J'avançais au niveau de celle-ci, demandant par des gestes précis à Bastien de se placer de l'autre côté.
J'approchais ma main de celle-ci, puis frappai une fois, attendis deux secondes et frappai quatre fois.
Un silence s'installa, puis quelqu'un toqua quatre fois à la porte, puis deux secondes tapa une fois.
Je laissai échapper un léger soupir de soulagement, je me décontractai, puis j'ouvris la porte.
De l'autre côté, éclairé par une lampe puissante, des cheveux courts, une barbe mal taillée blonde, et des yeux saphirs.
C'était Edward, le bras droit de l'escouade Alpha.
— Entrez.
Sa voix était très grave, presque caverneuse, tandis qu'il ouvrait la porte en grand.
Nous avancions dans une immense pièce, probablement un ancien open-space avec plusieurs bureaux séparés par des plaques vitrées.
Les trois autres membres de l'unité Alpha se trouvaient dans la pièce. L'un d'eux était allongé sur des bureaux alignés au niveau d'une des fenêtres, il était armé d'un fusil de précision et scrutait l'horizon.
L'autre membre, une femme dans la quarantaine aux cheveux mi-longs restait proche de lui et semblait écrire dans un carnet.
Je me dirigeais vers le dernier membre, Victor, un vieux briscard au crâne rasé, une légère moustache grisonnante et une épaisse cicatrice sur la joue, c'était lui le chef de l'unité Alpha.
Alors que je m'approchais de lui, il s'avança aussi, me serrant la main.
— Ça me fait plaisir de tous vous voir sain et sauf ! Entama Victor.
— En effet, on a eu pas mal de complications mais nous voici.
— Pour le moment, ne perdons pas de temps, nous discuterons une fois le travail commencé.
Victor se tourna vers une table dans un coin de la pièce où se trouvait un homme maigrichon qui ne faisait pas partie de son unité.
— Lui c'est Ivan, on l'a pris avec nous pour qu'il s'occupe du collier de la petite.
L'homme se releva soudainement à l'entente de son prénom, esquissant un léger sourire gêné.
Je me tournais vers Élodie.
— Emmène la petite voir le gars dans le coin, il va regarder pour son collier.
— Reçu.
Élodie attrapa délicatement la main de Jasmine puis se dirigea au niveau d'Ivan.
— Sinon, comment vont Sarah et Gabriel ? demandai-je, me retournant à nouveau face à Victor
— Bravo est tombé sur eux, juste à temps. Leurs états sont assez critiques, Sarah a perdu beaucoup de sang, mais elle ne devrait garder aucune séquelle, du moins physique.
Puis, il marqua une pause.
— Et Gabriel ? insistai-je
— Disons qu'il a eu moins de chance, la plupart de ses os sont brisés et sa colonne vertébrale a pris un sacré coup, si Sarah s'en est sortie sans séquelle c'est en grande partie car Gabriel a encaissé pour elle.
— Attends, qu'est-ce qui s'est passé ?
— Je n'ai pas tous les détails, mais tu dois savoir que c'est actuellement le bordel dans toute la partie de la ville où notre opération s'est déroulée.
— Le bordel à quel point ? Enchaînais-je alors que ma respiration accélérait et que je pouvais sentir mon cœur se comprimer sur lui-même.
— Au point où nous avons dû déployer l'Unité du Clair de Lune.
— Et merde ! "Elle" a été déployée ?
— Uniquement pour gérer les opérations de loin, j'ai tout fait pour la convaincre de ne pas se rendre sur le champ de bataille. D'ailleurs, l'un des membres du Clair de Lune patrouille dans l'immeuble où nous nous trouvons actuellement, il ne devrait pas tarder à revenir.
— Je vois, bon je vais me poser dans un coin, histoire de… digérer tout ça.
— Pas de souci, fais-moi signe si tu as besoin de quelque chose.
Alors que Bastien était parti discuter avec Edward, je me dirigeais vers le siège qui semblait être en meilleur état, puis m'affalai dedans.
L'Unité du Clair de Lune. Notre unité la plus puissante, et pour cause, elle contient tous les Éveillés nous ayant rejoints. Ils constituent notre plus grande force de frappe. Sans eux, impossible de garder un tel territoire et de faire appliquer nos règles, et surtout leur présence dissuade les envies d'expansion des Sangs-Divins.
La plupart d'entre eux nous ont rejoints car ils étaient contre la politique des Sangs-Divins et souhaitaient aider les plus démunis à l'aide de leur pouvoir. Mais ils sont tellement peu nombreux qu'on évite de les déployer en opération afin de les garder comme gardien au quartier général.
Les minutes défilaient jusqu'à l'arrivée de l'Éveillé, un corps sculpté, le visage carré, on racontait qu'il était capable de fendre la terre en deux. C'est un Éveillé très puissant et connu pour aider les plus démunis même avant le conflit entre le gouvernement et les Éveillés.
Après presque une heure, Élodie accompagnée de Jasmine me rejoignait, elle sautillait toute contente d'être enfin libérée de ce collier si dérangeant. Elles furent suivies par Ivan après quelques minutes.
Il commença à interpeller l'ensemble du groupe balbutiant quelques mots fébrilement. Mais Victor le coupa net et ordonna à tout le monde de se regrouper au centre de la salle.
Dans la seconde qui suivait, tout le monde se retrouvait au niveau d'Ivan qui commença ses explications.
— Bon, cela m'aura pris plus de temps que prévu, mais voici mon analyse. Ce collier est fait dans un matériau inconnu mais extrêmement résistant, pour ne pas dire presque indestructible. Cependant, une partie du collier qui servait à le passer autour du cou de la petite était faite dans un alliage plus traditionnel, ce qui m'a permis de l'ouvrir. Dans cette partie se trouvait un émetteur GPS mais de courte portée, donc à moins d'être dans l'une des rues proches impossible de capter le signal. Dorénavant j'aimerais faire un petit test en votre compagnie, Aldo, si tu veux bien t'avancer.
L'Éveillé s'approcha d'Ivan, interrogatif. Ivan lui tendit le collier. Puis, lui désigna un pot de fleurs rempli de terre.
— Peux-tu simplement l'attraper ?
Aldo s'exécuta et prit le collier dans sa main.
— Peux-tu lancer un sort, même basique s'il te plaît ?
Aldo se concentra et tendit son bras encore libre en direction du pot, le pot se mit à trembler légèrement et la terre à s'élever d'à peine quelques millimètres.
On pouvait lire l'incompréhension dans son regard, le muscle de son bras tremblait, tétanisé, on pouvait ressentir toute la force déployée.
Finalement Ivan lui demanda d'arrêter, puis s'approcha pour récupérer le collier.
— Et maintenant ?
Aldo retenta, mais cette fois-ci la terre contenue dans le pot s'éleva instantanément, partant s'écraser violemment contre le plafond.
— C'est bien ce que je redoutais : ce collier, une fois en contact avec un Éveillé, bride très fortement son pouvoir, le rendant presque inexistant.
Un silence planait sur l'ensemble de la pièce, l'air devenait lourd.
— Donc ce collier permet d'annuler le pouvoir d'un Éveillé ? Résuma Victor afin de s'assurer de ce qu'il avait compris.
— Pour être plus précis, je dirais que c'est dû à ce matériau inconnu, mais je vais garder cette partie et la ramener au quartier général pour une analyse complémentaire. Ça me permettra de comprendre comment ce matériau fonctionne. Avec un peu de chance…
Tout le monde se regardait dans le blanc des yeux, sans un mot.
Chacun dans sa tête devait être en train de s'imaginer ce qu'il se passerait si True Human avait le pouvoir de désactiver les pouvoirs des Éveillés.
Pour le moment, True Human agit de manière plus agressive cependant ils n'ont toujours pas lancé un assaut massif avec ce nouveau matériau, donc il ne doit pas encore être au point.
Victor prit la place d'Ivan au centre de la pièce.
— Bon, je pense que vous le savez tous, mais je vais tout de même le repréciser, cette information est une information extrêmement grave et la révéler à tous créerait un mouvement de panique dans toute la faction. Pour le moment, je vous ordonne de garder cela pour vous le temps que nous menions de plus amples recherches.
Tout le monde acquiesça, puis j'avançais d'un pas.
— Et du coup, quelle est la suite des opérations ?
— Nous rentrons au quartier général immédiatement et nous irons faire un rapport. Donc tout le monde range ses affaires et se prépare à partir, on lève le camp dans dix minutes !
Tout le monde partit rapidement dans son coin récupérer ses affaires, et alors que je pensais me diriger vers l'escalier, toute l'unité Alpha se dirigea vers l'ascenseur.
Attends, ils comptent descendre en rappel les trente étages de l'immeuble ?
Je m'approchais commençant à réfléchir à comment faire descendre la petite en rappel, mais finalement une fois arrivé au niveau de la cage d'ascenseur, une plateforme de terre recouvrait le vide.
Alors que j'étais encore surpris de la découverte, l'unité Alpha se plaçait sur la plateforme.
Ah je vois l'idée…
Je me plaçais sur la plateforme, faisant signe au reste de mon escouade de venir. Aldo ferma la marche, se plaçant sur la plateforme.
Puis, il claqua des doigts une fois.
La plateforme descendit étage après étage doucement jusqu'à finalement arriver au niveau moins un.
Toute la zone était plongée dans l'obscurité la plus totale.
Tout le monde alluma sa lampe torche, puis nous suivions l'unité Alpha jusqu'à deux véhicules blindés.
Nous chargions nos affaires dans les coffres, puis Victor m'annonça :
— Mon unité prendra le premier véhicule avec Ivan, toi tu prends le second avec Aldo.
Je montais à l'avant côté passager, Bastien s'installait côté conducteur, et les autres à l'arrière.
Les puissants phares des deux véhicules éclairaient l'immense parking souterrain tandis que les moteurs vrombissaient.
Après un signe de Victor par la fenêtre avant du véhicule de tête, nous enclenchions la première, direction le quartier général.