Chapitre 7 : L'Œil Caché
La Réalité Brisée
Nour n'avait jamais ressenti le monde comme ça auparavant.
Les murs de la pièce ne semblaient plus aussi solides. Les objets possédaient une aura diffuse, des ombres mouvantes, des échos invisibles qu'il n'aurait pas pu percevoir quelques instants plus tôt.
Chaque mot que Layla prononçait vibrait différemment, comme s'il portait une fréquence cachée.
Il voyait le souffle de la lampe vaciller sous l'air stagnant.
Il ressentait les murmures des glyphes gravés sur le sol.
Il percevait quelque chose au-delà de la matière.
Layla l'observait attentivement, les bras croisés.
— Tu ressens la faille, n'est-ce pas ?
Nour releva lentement les yeux vers elle.
Il savait ce qu'elle voulait dire.
Le monde que les humains percevaient n'était qu'un voile.
Et lui… il venait de voir à travers.
Layla soupira et s'assit sur le bord de la table basse, croisant les jambes.
— Je vais être franche avec toi.
Elle tapota la surface du bois, comme si elle testait sa consistance.
— Les humains normaux ne voient que ce qui leur est permis de voir. C'est une barrière naturelle. Un mécanisme de protection.
Elle plongea son regard doré dans le sien.
— Mais toi, Nour… Tu viens de briser cette barrière.
Un frisson remonta le long de son échine.
Il déglutit lentement.
— Et qu'est-ce que ça veut dire ?
Layla haussa un sourcil.
— Que maintenant, ce qui est caché peut aussi te voir.
Les Ombres de l'Inconnu
Nour sentit une sensation désagréable naître dans son dos.
Comme si quelque chose était là, tapi juste derrière lui.
Il se retourna brusquement, mais ne vit que le mur de la pièce.
Rien.
Layla ne bougea pas, mais il sentait qu'elle avait remarqué sa réaction.
— Ne te retourne plus comme ça.
Sa voix était calme, mais son regard s'était durci.
— Si tu montres que tu les vois, elles sauront que tu es conscient de leur présence.
Un frisson plus glacé encore le traversa.
— Elles ? murmura-t-il.
Layla inspira lentement avant de répondre.
— Les Entités du Second Royaume.
Elle posa une main sur la table et traça un glyphe dans l'air. Une lueur éthérée brilla un instant, puis s'effaça.
— Jusqu'à maintenant, elles ignoraient ton existence. Mais en ouvrant ton Premier Regard, tu as allumé une torche dans l'obscurité.
Elle s'appuya contre le dossier de son siège.
— Et crois-moi… Certaines choses aiment traquer la lumière.
Nour sentit un vertige naître en lui.
— Tu veux dire que je suis en danger ?
Layla ne répondit pas tout de suite.
Puis elle hocha la tête.
— Oui. Mais pas seulement à cause d'elles.
Elle se redressa et le regarda droit dans les yeux.
— Tu es une anomalie, Nour.
Elle marqua une pause, puis continua d'un ton grave.
— Tu n'aurais jamais dû réveiller ce pouvoir aussi vite.
Le Test du Jugement
Nour fronça les sourcils.
— Attends… Tu veux dire que ce n'était pas censé arriver ?
Layla secoua lentement la tête.
— Non.
Elle se leva et marcha lentement autour de la pièce, les bras croisés derrière le dos.
— Les Héritiers du Verbe passent des années à comprendre leur nature avant d'accéder à leur Premier Regard. Toi… tu l'as éveillé en quelques minutes.
Elle s'arrêta et tourna vers lui.
— Ce n'est pas normal.
Un long silence tomba entre eux.
Nour sentit son cœur battre plus vite.
Il était déjà perdu dans tout ce chaos, mais maintenant…
Il ne savait même plus s'il était censé exister comme ça.
— Donc… qu'est-ce que je suis censé faire ? demanda-t-il d'une voix plus faible qu'il ne l'aurait voulu.
Layla le fixa un instant, puis inspira profondément.
— On va vérifier.
Elle claqua des doigts.
Un goudron noir jaillit sous ses pieds, se répandant en motifs complexes.
Nour recula instinctivement, mais Layla posa une main sur son épaule, l'immobilisant.
— Si tu es vraiment un Héritier de Thoth, il y a un seul moyen de le prouver.
Le sol sous eux se fractura, laissant place à un cercle en spirale.
Nour sentit son cœur s'arrêter une seconde.
— Tu vas affronter un Juge de l'Ancien Monde.
L'Appel du Juge
Le cercle s'illumina d'un éclat rouge sang.
Un battement sourd résonna dans la pièce.
Nour sentit son corps devenir plus léger, comme si quelque chose l'attirait hors de lui-même.
Layla recula de quelques pas.
— Reste calme.
L'espace autour de lui s'effaça lentement, laissant place à un vide absolu.
Un désert d'ombre.
Une plaine infinie, où le vent soufflait en silence.
Puis, un son terrifiant retentit.
Un grondement, comme celui d'un dieu oublié se réveillant après des millénaires.
Une silhouette gigantesque apparut dans le lointain.
Elle portait une couronne brisée, et dans sa main droite, une balance noire, dont les plateaux semblaient contenir des âmes torturées.
Son visage était voilé, mais Nour sentait ses yeux sur lui.
Une voix archaïque, résonnant comme des pierres qui s'entrechoquent, s'éleva dans l'espace.
— Nom et fonction.
Nour ouvrit la bouche… mais aucun son n'en sortit.
La silhouette fit un pas en avant, et le sol sous eux trembla violemment.
Layla, toujours immobile, murmura d'un ton bas.
— Réponds, Nour.
Il serra les poings.
— Nour Anwar.
Il marqua une pause, cherchant ses mots.
Puis, il leva les yeux vers la chose immense devant lui.
— Héritier du Verbe Sacré.
Un long silence s'installa.
Puis, la silhouette tendit une main vers lui.
Une chaîne dorée apparut autour de son cou, reliée à la balance.
Et alors, le Jugement commença.
Fin du Chapitre 7