Le silence avait repris possession du village après le départ de l'inconnu, mais Hwan ne pouvait s'empêcher de sentir une étrange tension dans l'air. Il referma lentement la porte de sa maison, son esprit encore marqué par les paroles de l'homme en noir.
"Tu n'as jamais été libre."
Ces mots résonnaient dans sa tête comme un gong lointain. Il savait que cet étranger n'était pas venu par hasard. Et ce qu'il avait dit… cela signifiait qu'il y en aurait d'autres.
Hwan poussa un soupir et se dirigea vers la petite table en bois au centre de la pièce. Il y déposa la hache qu'il tenait toujours fermement, puis s'assit sur un tabouret usé. Il observa son intérieur : une pièce simple, avec une cheminée de pierre, une couchette dans un coin, et quelques étagères portant des outils, des herbes médicinales et de rares livres qu'il avait récupérés au fil des années. Rien ici n'évoquait le monde du Murim. Rien, sauf lui.
Il passa une main dans ses cheveux sombres, tentant d'ignorer le frisson qui parcourait son dos. Il ne voulait pas replonger dans ce monde. Il n'avait plus sa place parmi les guerriers du Murim, ni dans leurs conflits incessants.
Mais quelque chose dans les paroles de cet homme le troublait. Il n'avait pas cherché à l'intimider, ni à l'attaquer. Il était venu avec un avertissement.
"Les autres viendront. Et ils ne seront pas aussi… diplomates que moi."
Cela voulait dire qu'il était recherché. Mais par qui ? Et pour quelle raison ?
Il se leva brusquement, dérangeant une tasse posée sur la table. Il devait chasser ces pensées. Si son passé tentait de le rattraper, il ferait ce qu'il avait toujours fait : l'ignorer et continuer sa vie.
Hwan sortit de chez lui et inspira profondément l'air frais de la montagne. Le ciel s'était teinté d'un gris pâle, annonçant l'arrivée d'un orage. Les villageois, quant à eux, continuaient leur routine quotidienne sans se douter de ce qui pesait sur lui.
— Hwan ! lança une voix derrière lui.
Il se retourna et aperçut un vieil homme s'approcher, un panier rempli de légumes dans les bras. Il s'agissait de Maître Baek, un ancien guérisseur qui vivait ici depuis des décennies.
— Tu sembles préoccupé, jeune homme, fit-il avec un sourire bienveillant.
Hwan secoua la tête.
— Ce n'est rien, Maître Baek. Juste un peu fatigué.
Le vieil homme le regarda un instant, plissant les yeux comme s'il voyait à travers son mensonge. Mais au lieu d'insister, il posa son panier au sol et sortit une petite fiole d'une poche de sa tunique.
— Une infusion de racines de ginseng. Cela t'aidera à apaiser ton esprit.
Hwan accepta la fiole avec un faible sourire.
— Merci.
Maître Baek ramassa son panier et reprit son chemin, mais avant de partir, il lança d'un ton pensif :
— Parfois, on fuit quelque chose si longtemps qu'on oublie pourquoi on fuit. Mais le passé a une façon étrange de nous rattraper, Hwan.
Hwan serra la fiole dans sa main. Il n'avait jamais parlé de son passé à quiconque dans ce village. Pourtant, ces derniers jours, il avait l'impression que tout le monde le pressentait, comme une ombre qui grandissait derrière lui.
Alors qu'il retournait vers sa maison, il sentit un léger picotement dans la nuque. Une sensation familière.
Quelqu'un l'observait.
Hwan s'arrêta, feignant de ramasser une pierre sur le sol. Du coin de l'œil, il aperçut une silhouette furtive entre les arbres, à la lisière du village.
Il poussa un long soupir.
"Ils sont déjà là."