Chapitre 12

Les jours passaient, et leur petite routine s'installait de nouveau. Kael s'entraînait avec une régularité calculée, tandis qu'Ezra passait ses journées dans le garage, peaufinant les moindres détails de la voiture. Sa dernière obsession ? Une nouvelle technique pour optimiser l'aérodynamisme en courbe. Il avait passé deux jours entiers à travailler dessus, testant et ajustant chaque paramètre.

En fin de journée, alors que tout le monde avait quitté le garage, Ezra était encore là, assis sur les marches de la zone fumeurs, une bouteille de bière à la main. Il parlait au téléphone, un sourire rare et sincère sur le visage.

— "Si lo sé, pero no tuve mucho tiempo... sabes, no pienso así... no, no vale la pena," disait-il doucement. Sa mère était au bout du fil, comme souvent lorsqu'il avait besoin d'un moment pour souffler.

— "Debiste ir a ver a tu tío," lui reprocha-t-elle. Ezra leva les yeux au ciel. Il aurait aimé, mais avec le concours de Kael et les responsabilités qui s'enchaînaient, le temps lui manquait toujours.

— "Mamá, ya sabes cómo es mi vida aquí," répondit-il calmement.

— "Excusas. Pero bueno… Yo también te amo," conclut-elle finalement, sa voix plus douce.

Ezra sourit.

— "Yo también te amo, mamá."

Il raccrocha, mais une voix derrière lui le fit sursauter : 

— À moi, tu ne me dis jamais 'je t'aime'.

C'était Kael, debout dans l'encadrement de la porte, une expression faussement vexée sur le visage. 

— Je gaspille pas pour rien des mots si importants,répondit Ezra, un brin moqueur. 

— Ouch, je suis touché, fit Kael en mettant une main sur son cœur, mimant une douleur insupportable. Pourquoi être si cruel avec une pauvre créature comme moi, adorable qui plus est ?

Ezra secoua la tête, blasé. 

— Pourquoi t'es pas chez toi ?demanda-t-il, changeant de sujet. 

— Et toi, pourquoi t'es encore ici ? rétorqua Kael avec un sourire en coin. 

Ezra soupira et se leva. 

— Je récupérais juste un truc. Et comment tu savais que j'étais là ?

Kael hésita une seconde avant d'avouer : 

— Je suis passé chez toi…

Ezra plissa les yeux, méfiant. 

— Et pourquoi au juste ? 

Kael fit une moue enfantine. 

— J'avais envie de nouilles.

Ezra éclata de rire, plus amusé qu'il ne voulait l'admettre. 

— T'as quel âge ? Cinq ans ? N'importe qui peut se préparer des nouilles.

— Pas comme toi, tu les fais,répliqua Kael, les yeux pétillants de malice. 

— Ça sonne presque comme une déclaration, dit Ezra en grimaçant légèrement. 

— Tu penses que je suis désespéré à ce point ? répondit Kael en étouffant un rire. 

Ezra lâcha une insulte en espagnol, faisant éclater Kael de rire. 

Finalement, Kael finit chez Ezra, dégustant les fameuses nouilles qu'il avait tant vantées. Ils passèrent la soirée à discuter de tout et de rien, et Kael s'endormit sur le canapé, comme souvent. 

— Tu sais, dit-il entre deux bâillements,on aurait dû prendre un appart ensemble. Pas besoin de vivre à part.

Ezra resta silencieux, les mots de Kael résonnant en lui. Pourquoi avait-il refusé à l'époque ? La réponse était évidente : les gens se méprenaient trop facilement sur leur relation. Une journaliste stagiaire avait même insinué qu'ils formaient un couple, ce qui avait failli tourner au scandale. Heureusement, Kael avait clarifié les choses, et les parents de ce dernier avaient fait disparaître l'histoire rapidement. 

Mais Ezra n'avait jamais oublié les mots de la mère de Kael : 

— "Je crois en toi, Ezra. Mais ne me fais pas regretter de t'avoir confié mon fils. Kael est notre plus jeune enfant, nous pouvons tolérer ses bêtises, mais pas qu'il ternisse l'honneur de notre famille. Il devra se marier un jour, en respectant nos principes et nos valeurs."

Ces paroles l'avaient blessé, mais il les comprenait. La famille de Kael vivait selon des codes stricts, et lui, Ezra, n'avait pas le droit de faillir. 

Kael s'agita dans son sommeil, attirant l'attention d'Ezra. Il le regarda, un léger sourire aux lèvres, puis s'endormit à son tour.

!!

Petite traduction de la conversation entre Ezra et sa mère

— "Oui, je sais, mais je n'ai pas eu beaucoup de temps... Tu sais, je ne pense pas comme ça... Non, ça ne vaut pas la peine." 

— "Tu aurais dû aller voir ton oncle," lui reprocha-t-elle. 

— "Maman, tu sais bien comment est ma vie ici," répondit-il calmement. 

— "Des excuses. Mais bon… Je t'aime aussi."

— "Je t'aime aussi, maman."