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Un officier

« Ainsi donc, suite à l'arrivée des guildes dans ce royaume, tout individu doit disposer d'une autorisation spéciale pour entrer ou sortir de sa ville ! »

La foule acclame, applaudit. Mais pourquoi ça ne gêne personne !? Notre liberté est en train d'être réduite à néant !

Argh, je serrais les dents, tentant de me faufiler au milieu de cette masse de moutons bons qu'à écouter les lois. Sur le côté de la rue pavée bordée de maison à colombages, je voyais une enseigne « Taverne Des Bagarreurs » . Heureusement, il y a au moins un endroit dans cette ville où je pouvais être sûr de retrouver des collègues sains d'esprit. J'y entrais, la douce odeur de l'hydromel remplissait l'endroit. Accoudé au comptoir, je voyais des officiers trinquer, « Aux Nouvelles recrues ! » qu'il disaient. Rien ne me rappellait plus le travail que cette phrase… Après tout, nous sommes en Nouvelle Terre. Les guerres s'enchaînent et, en tant qu'officiers, nous nous devons de former des jeunes compétents pour la prochaine bataille qui pourrait éclater d'une seconde à l'autre. Malheureusement, le peuple n'est pas au courant. Pour eux, la sécurité revient et les guildes sont de nouvelles opportunités de trouver un travail. En réalité, ce ne sont que des moyens d'éloigner les gens de la guerre. Ceux qui prennent l'épée ne connaissent plus les enjeux.

Je m'asseyais au comptoir et discutais brièvement de la situation avec le serveur, comme un rapport quotidien. Tout les jours, après l'annonce royale, je venais ici pour tenter de reprendre espoir dans le genre humain grâce au serveur qui, lui, me comprend. Ce jour là, il m'annonça :

« -Tu sais, tu n'as qu'à former un groupe de soldats chargés de remettre les choses en place, si ça te gêne tant. 

-Ouais ouais, j'y réfléchirai » répondis-je, trop énervé pour écouter sérieusement. Mais l'idée se faisait déjà une place dans mon inconscient.

Le soir de ce jour ne fut pas des plus mémorables, je me soûlais, entouré de collègues partageant les mêmes idéaux brisés que moi. Le matin suivant je me réveillais sur un banc, seul, en face d'un grand bâtiment. Au moins, le trajet ne sera pas très long, me dis-je. En effet, ce bâtiment massif qui se dégage au dessus des pâtés de maisons est le bâtiment dans lequel nous formons chaque mois deux-milles soldats. Après leur formation les jeunes rejoignent un bataillon. Les dix meilleurs ont l'honneur de faire partie des formateurs en tant qu'officier. Le reste est gradé soldat. Théoriquement il est possible de recevoir une promotion mais, pas un seul jour de ma vie, je n'ai vu un soldat vivre assez longtemps pour ça. Et… pour nous, officiers, le seul grade au dessus de nous est détenu par le commandant, le frère du roi. Il est censé gérer l'organisation de l'armée sur le champ de bataille mais c'est un couard qui ne quitte jamais sa ville. Résultat, l'infanterie se débrouille seule, se bat seule, perd seule.

Cette terre a besoin d'un renouveau et pour une raison qui m'échappe, je me sentais prêt à l'apporter.

Alors que j'entrais dans le bâtiment, les paroles du serveur resurgissaient dans mon esprit. Former un groupe de soldats, hein ? J'imagine qu'il faut essayer. L'intérieur est divisé en deux parties. Un champ de bataille titanesque reproduisant les paysages du royaume et des quartiers de repos et de stockage. Aujourd'hui, le programme est de reconstituer une vraie bataille, trouver un bon membre va prendre des mois… Et encore, faut-il qu'il soit prêt à me suivre. Alors que les jeunes me saluaient, la bataille se préparait. Quelques instants, à peine, d'attente, et le décompte commençait.

« Trois! »

Les jeunes serraient leur épée, descendaient leur heaume, seule pièce de leur armure.

« Deux! »

La pression montait.

« Un… »

Aller commencez.

« Commencez ! »

Le sol tremblait face à cette horde soldats aspirants au titre qu'était le mien. Ils s'étaient organisés en trois factions. Les rouges, les blancs et les bleus. Nous, officiers, avions l'habituelle cape noire rouge et bleue; au couleur du royaume.

Ils chargeaient de plus en plus vite, le contact était proche. Je voyais alors avec quelle brutalité ils s'empalais avec leurs épées de bois. Malheureusement, il ne me faut pas un soldat de cette caste. Un bon soldat maîtrise le chaos qu'engendre le champ de bataille. Ce que je cherche, c'est un jeune aux bonnes capacités physiques qui cache son potentiel. En effet certaines recrues viennent en connaissant les risques de guerre et en voulant en faire partie. Ceux-là se réveilleront quand personne ne les regardera et ceux là, sont terriblement forts. Exactement ce dont j'ai besoin. Je ne veux pas d'un bon soldat comme je le fus mais d'un monstre. Un de ces fous attirés par le champ de bataille avec une telle ardeur qu'il renonce à la gloire, ou même à la vie.

Hmmm? Là. Un rouge encerclé de bleus. Pas assez paniqué pour être mauvais mais pas assez impliqué pour être un bon soldat. Voyons comment il va s'en sortir… il recule, recule, non ! pas par là ! Il tombe de la petite falaise. En bas… il est debout, fier, entouré de quatre adversaires gisant. Mais comment est-ce possible !? Il doit être agile, rapide et avoir une bonne connaissance du terrain. Je le regarde, il le voit, il court. Tu vas pas t'en sortir comme ça mon petit gars, je suis le maître de la course. Je m'élança alors vers lui au milieu d'élèves interloqués. Un officier qui court, c'est rare.

Une fois assez proche, je le plaquais. Il clama alors:

« -Monsieur il est interdit de gêner les …

-Rien à faire, toi, tu viens avec moi, répondis-je sur le champ. Je vais t'expliquer deux trois trucs…