Chapitre 21 - : Le Palais de Chang'é

La lune n’est pas un lieu c’est une mémoire oubliée et cette nuit, une reine bleue… va la retrouver.

La tour bleue dormait à cette heure fragile, entre la fin d’un rêve et l’entrée dans un autre, la lumière ne venait plus des chandelles ou des astres, mais du souvenir des choses aimées Saphira était seule ou presque Élya reposait contre son flanc, enveloppée dans une couverture cousue de constellations. Elle n’avait pas parlé depuis le coucher du soleil. Il n’y avait rien à dire seulement à sentir puis, quelque part dans la chambre, le vieux miroir murmura offert par Morphée, il ne servait ni à refléter un visage, ni à corriger une coiffure. Il n’existait que pour les nuits où l’âme se courbe sous le poids invisible du rôle qu’elle porte une voix monta de l’argent du verre, douce et posée, semblable à un souvenir chanté

—« Petite reine veux-tu goûter au thé de la Lune ? »

Saphira n’eut pas peur elle serra Élya contre elle et répondit, simplement.

—« J’arrive. »

La porte bleue s’ouvrit dans un éclat d’eau, et ce n’était pas une eau terrestre elle était faite de larmes anciennes, d’ombres apaisées, de lumière jamais criée un escalier s’éleva lentement chaque marche n’était qu’un souffle, une pensée, une note oubliée Saphira monta pieds nus sa robe flottait derrière elle comme une promesse qui ne voulait pas se rompre elle ne se pressait pas elle savait qu’il n’y avait rien à rattraper le vide autour d’elle n’était pas vide il était plein d’attente, d’attention plein de toutes les fois où elle avait souri sans le montrer.

Le palais de Chang’é ne brillait pas. Il écoutait flottant au-dessus d’un ciel violet, il accueillait les âmes qui ne savaient plus si elles étaient fortes ou fragiles sa cour était un jardin de cerisiers argentés, dont les fleurs chantaient lorsqu’on les effleurait du regard les lucioles qui dansaient autour n’éclairaient rien elles accompagnaient les pas Chang’é attendait sur une terrasse sans balustrade elle semblait faite de soie et de silence sa robe ondulait comme les pensées non dites.

—« Tu as une lumière douce en toi », dit-elle à l’arrivée de la jeune reine, « Mais aussi une douleur que tu caches.»

Saphira baissa les yeux.

—« Je ne suis pas une vraie reine. Je suis une peluche qui gouverne par accident. »

La Déesse lui tendit une tasse de thé au jasmin, fumante, apaisée.

— « Alors bois avec moi, et redeviens la petite fille… que tu as oubliée. »

Le thé n’était pas chaud il était tendre chaque gorgée éveillait un souvenir ancien, enfoui dans les plis d’un cœur qui avait trop porté.

Elle revoit le souffle rouge de Diva la serrant à deux bras, les cheveux fous de rire le regard rare mais tendre de Destiny, un jour où il lui avait dit « repose toi ».Kael, silencieux comme un ciel d’orage, posant sa main sur sa tête Rose, forgeant des étoiles, sans un mot, juste pour elle Kaela, endormie contre elle, dans un instant qui ne voulait pas finir.

Saphira tremblait.

—« Pourquoi est-ce que j’ai si peur d’être aimée ? »

Chang’é s’approcha, posa une main sur sa poitrine.

— « Parce qu’on t’a appris à protéger à endosser à diriger mais pas à ouvrir les bras ici, il n’y a rien à porter juste à recevoir.»

Lorsque le thé fut terminé, Chang’é tendit à Saphira un éventail de soie, brodé de constellations mouvantes il semblait contenir une promesse.

—« Tu peux rester ici aussi longtemps que tu veux tu peux poser ton rôle ou bien repartir…et emporter la lune avec toi. »

Saphira resta un moment muette elle regarda la tour bleue, loin, très loin, apparaître dans les brumes elle serra Élya contre elle.

—« Je veux rentrer mais je reviendrai quand je voudrai me rappeler… que je suis douceur avant d’être tonnerre.»

Elle redescendit l’escalier d’étoiles à l’envers, sans se presser elle ne pleurait pas elle ne riait pas elle respirait vraiment et chaque respiration dessinait un nouveau souvenir, déjà en train de naître.

Fin du Chapitre 21 — Le Palais de Chang’é