nuit dans les rues d’élidora
dana titube doucement sur le trottoir.talon à la main, cheveux détachés, un air de jazz cosmique dans la tête.
— "le cocktail spatial... pas mal.mais je crois que j'ai mis trop d'éclat de stellaire dedans.bande de traîtres, les bulles quantiques..."
elle rigole seule.puis s'arrête.
le vent. glacial.l'air... se fissure doucement comme une vitre invisible.
une ombre noire, informe, descend en silence.elle rampe, fluide, se contracte... et fonce vers dana.
dana soupire.
— "oh. une attaque. super.c'est la pleine lune ou j'attire que les trucs chelous ?"
elle cligne des yeux, puis esquive d’un pas mou, mais parfaitement synchronisé.
— "tu... es... d'une... lenteur..."
elle lève la main. et gifle la créature avec la paume de sa main.
shlaaak.
l’ombre s’écrase contre un mur de fil doré…non, pas doré…un fil invisible.tissé dans l’inexistence.un mécanisme de protection que dana n’a même pas invoqué consciemment.
— "voilà. tu m’as fait ruiner mon brushing intergalactique. j’espère que t’es fier."
l’enfant
l’ombre se condense.puis, lentement… se transforme.
un enfant apparaît.peau pâle, cheveux noirs comme l’abîme, yeux violets phosphorescents.
il est à genoux. tremblant.
— "pourquoi m’as-tu frappé… mère…?"
dana cligne des yeux. deux fois.
— "ok. soit j’ai bu un verre de trop…soit tu viens de m’appeler maman.et dans les deux cas… c’est grave."
— "je suis né d’un fragment oublié…dans une poche de réalité errante.on m’a dit que ma source est une déesse…rouge."
— "non mais c’est pas possible..."
elle regarde le ciel.puis le gosse.
— "je suis soûle. j’ai mal aux pieds. et maintenant, j’ai un môme.très bien.tu viens avec moi. t’as pas intérêt à dévorer le canapé."
— "je... je ne mange pas les canapés.je... je me nourris d’oubli et d’instants effacés."
dana s’arrête, le fixe.
— "super. on en reparle quand je t’aurai montré la recette des cookies."
retour à l’appartement
dana ouvre la porte. l’enfant la suit, tête baissée.
— "tu as un nom ?"— "on m’appelait... ruïnos."— "pas terrible. on verra demain. si t’es sage, je te laisse en choisir un dans une BD."
elle le fait asseoir, lui donne une couverture, une tasse de lait tiède.
— "si t’es un piège vivant, un espion d’un monde parallèle, ou juste un cauchemar mignon…tu dors quand même sur le tapis."
il hoche la tête, docile.
— "tu n’as pas peur de moi ?"— "chéri, j’ai combattu satan dans mes pantoufles.tu veux une histoire ou tu dors ?"— "…une histoire."
dana s’assoit.
— "alors écoute. j’avais ton âge — ou presque — quand j’ai failli avaler un orbe d’éternité pensant que c’était un chewing-gum.moralité : toujours lire les étiquettes, même dans un temple."
il rit doucement.
— "c’est vrai ?"— "non. mais ça détend."
elle continue.elle lui parle de son enfance, de ses erreurs, de ses courses.de sa solitude. de ses serments.et lentement… ruïnos ferme les yeux.
— "tu vas rester longtemps ?"
dana, doucement :
— "je reste tant que t’as besoin de moi."
en haut
taar-nel, dans une faille du ciel, observe.
— "un fragment d’un autre temps.une erreur… ou une clé ?"
une voix résonne derrière lui. chaude, fatiguée.
— "elle est sa mère maintenant.et personne ne vole un enfant à la déesse rouge."
c’est morphée.et il sourit.
— "même les cauchemars méritent une histoire du soir."
fin du chapitre 21 — j’ai giflé un monstre… et adopté un môme