Part 1 : Le Dernier Né du Clan Mamba
Tel un renard avide de proie, tel un loup sentant l’odeur familière d’un gibier ou d’un met de classe, un chasseur comme un autre regarda sa proie, un petit lapin sans grand différence aux autres cibles de qualité. Dans une forêt de ravinala, il sentait sa respiration, il percevait le bruit des petites pates du lapin franchir les branches et les feuilles comme pour fuir un danger. Il sentait un autre prédateur, avec des griffes aussi longues que ceux des loups et une mâchoire aussi puissante que ravageuse. Avec son arc en main comme unique arme, le chasseur ferma ses yeux, se concentra dans le vide de son essence avant de dégainer son arme.
Chasseur – Je vois son esprit, son voile, il est d’une couleur jaune plate, tu es à moi lapin. Je ne laisserais pas ce fosa t’avoir.
Le chasseur tira une flèche avec son arc. La flèche virevolta et traversa une goutte d’eau avec une puissance et une précision hors pair avant de frapper le petit lapin en plein cœur.
La flèche ayant touché sa cible, le chasseur ouvrit les yeux et fit un soupir de soulagement. Il courut en direction de sa proie. Il vérifia son état puis un fosa apparut soudainement.
Chasseur – Hors de ma vue ! Dit-il tout en regardant les yeux du fosa avec ses pupilles marron et bestiales.
Le fosa regarda le chasseur de manière agressive et sauvage puis aboya de rage avant de se retourner et de partir vers la direction opposée.
Des applaudissements retentirent . Il s’agissait d’un homme qui ne portait qu'un lamba au bas du corps et qui semblait avoir différents tatouages en forme de rune sur le torse avec des sandales assez typique et un chapeau rond fait de paille. Le chasseur avec sa tunique noble, des bottes en peau de fosa et un collier en forme de tête de crocodile, semblait noble en présence de l’autre homme.
Chasseur – Quelle nouvelle m’apportes-tu Menakely, mon loyal et valeureux suivant ; dit-il avec un ton qui semblait plaisanter.
Menakely – Tu comptes encore me taquiner longtemps, ô noble et malicieux grand ami ?
Chasseur – C’est toi qui as accepté ce rang, je te rappelle, malgré ma réticence.
Menakely – Tu savais bien que je ne pouvais pas te laisser seul affronter toutes ces épreuves glorieuses destiné à satisfaire ton père, toujours en quête d’honneur ; rétorqua-t-il de façon sarcastique.
Chasseur – Ne parle pas de lui comme cela, c’est mon choix et tu le sais très bien.
Menakely – Ton choix hein, si c’était ton choix il ne t’aurait jamais imposé le passage vers la voie des vœux juste pour un caprice de succession.
Chasseur – Ne t’en fait pas en tant que dernier née dans le clan Mamba je m’étais toujours préparé pour affronter ce choix.
Menakely – Ne rien avoir de l’héritage et perdre son nom ou bien revenir avec les honneurs en traversant la voie des vœux, depuis de nombreuses générations seul le dernier né du sixième chef du clan fit ce choix, et aucun n’est revenu perdue sur cette voie avec le shaman guide.
Chasseur – Mais malgré tout ce choix me convient, moi qui semble avoir perdu ma voie, la vie en tant qu’homme marié aux champs ne me convient pas, trouver un travail qui me plait au sein du clan me semble aussi difficile et les questions incessantes sur mon avenir et ma destinée me terrifient. Pour moi la voie des vœux est la meilleure solution pour connaitre ma réponse.
Menakely ne trouva pas la bonne phrase pour répondre à son ami. Depuis toujours, il voyait son ami perdue dans sa raison d’être, toujours traité d’inférieur à l’égard de ses frères étant le troisième fils du chef au clan et ayant une mère différente de ses frères qui faisaient alimenter les ragots et haine en tous genre.
Menakely – Le shaman et son disciple sont en fait déjà arrivés, si tu es toujours obstiné à suivre la voie des vœux je ne t’en empêcherais pas, seulement sache que si tu veux fuir ou bien te déshonorer pour vivre une vie paisible il est encore temps.
Chasseur – Je ne fuirais pas, tu sais très bien que c’est impossible de toute façon, je prends ce lapin pour nos invités et allons-y, ils doivent être impatient.
Le chasseur saisit le lapin et crut voir, dans ses yeux éteints, l’ombre de sa propre peur.
Chasseur – Je dois avancer ; pensa-t-il.
Part 2 : Une mission peu commune
Au centre, Lova était un peu plus fermée que d'habitude, elle se trouvait entre le shaman et Roger, le petit nain qui les avait accueillis. Ils étaient assis sur un canapé de couleur vert sombre.
La salle était ornée de papier peint avec des motifs de fleurs. Dans le coin gauche, une plante atteignant le bas du toit surprenait Lova. Elle la fixa longtemps et se rendit compte que la plante ressemblait à la description des baobabs que ses parents lui avaient racontée.
Lova - C'est un baobab de jade, non ?
Roger - Certes, il est plus grand et imposant que ceux de sa famille, mais c'est aussi une preuve que le clan Mamba compte de nombreux utilisateurs du Voile puissant;
Shaman - Ce type de végétation sert principalement à drainer le surplus de Voile du corps humain. Une forte concentration de cette énergie est souvent liée à l'apparition de différents maux comme la fuite d'âme ou bien l'avalo;
Un homme âgé qui semblait être le chef du clan entra dans la salle. Il portait une tunique rouge et une écharpe bleue qui le distinguait par son rang.
Lova, le shaman et Roger se levèrent en présence du vieil homme.
Roger - Je vous présente le shaman et sa disciple Lova, ô mon cher maître Ramamba;
Shaman - Lova, voici le noble qui nous a confié cette mission, Ramamba;
Ramamba - Ô vénérable shaman, asseyons-nous et discutons de votre ordre de mission. Roger, prépare donc un encas pour accueillir nos invités comme il se doit;
Roger sortit de la salle tandis que Lova, le shaman et Ramamba s'assirent.
Shaman - Cher noble, votre demande était quelque peu surprenante, si je puis dire, mais votre mission qui consiste à faire renoncer votre fils à la voie des vœux m'étonne encore davantage;
Ramamba - Une explication claire de la situation s'impose. Voyez-vous, mon dernier fils, Ramamba Aro Manandro Mandraro, est un chasseur aguerri, un génie en tout genre, que ce soit dans l'étude du Voile, de l'histoire ou, depuis peu, la magie, car il a manifesté des affinités avec le mana;
Shaman - Je vois un jeune homme prometteur;
Ramamba - Mais un avenir qui risque d'être brisé par une malédiction ancestrale de notre clan. À la première lueur de lune des dix-huit ans du dernier né du chef, si un shaman ayant des affinités avec lui se présente et que le dernier né n'a pas choisi de renoncer à sa place, alors la porte vers la voie des vœux s'ouvre à lui;
Lova - Alors il suffit qu'il n'approche aucun shaman et le tour est joué, non ? S'il veut garder son rang au sein de la famille...;
Ramamba - C'est plus compliqué que cela, ma chère enfant. Toute sa vie, il vivra dans la crainte permanente qu'un shaman se présente un jour, car nul ne peut échapper au destin qu'il a choisi de son plein gré;
Shaman - Et si nous échouions et que le shaman élu pour votre fils s'avérait être moi, vous êtes conscient du risque, n'est-ce pas ?
Ramamba - Effectivement. Seulement, je ne peux abandonner mon fils Manandro sans avoir tout essayé. Et si c'est vous, qui de mieux pour accompagner mon fils que le meilleur dompteur d'esprits et le shaman du vent le plus réputé de l'île ?
Le shaman se leva. Un vent chaleureux se mit à tournoyer autour de lui.
Shaman - Soit. Moi, le shaman du vent de l'Est, élu de la bénédiction de la déesse Renirivotra, j'accepte votre mission, en accord avec le pacte qui nous lie depuis la nuit des temps.
Part 3 : Confrontation entre utilisateur de voile
Dans une cuisine qui était d’un style assez typique de celles de l’Est, avec ces marmites en céramique, des couteaux de toutes sortes qui semblaient avoir différentes tailles, et une couleur assez fermée, typique de cette région, Roger, en train de hacher ses oignons, fut interrompu par Mandraro qui présentait sa proie.
Roger – Salutations, cher maître, comment était votre partie de chasse ? J’ai envoyé Menakely vous avertir de l’arrivée du shaman et de sa disciple. J’espère qu’il ne vous a pas dérangé comme à son habitude.
Mandraro – La chasse a été fructueuse, avec un petit lapin aussi nourrissant que revigorant, dit-il tout en présentant son butin en le tenant par les pattes.
Roger se concentra en son essence pour apercevoir la couleur du voile du petit lapin.
Roger – Mais c’est jaune, c’est jaune, jeune maître, c’est jaune, dit-il tout en étant surpris.
Mandraro – Avec l’arrivée du shaman, c’est une chance que je sois tombé sur une créature pareille en forêt. Nous en aurons grandement besoin pour l’épreuve d’aujourd’hui.
Roger – Certes, jeune maître, mais n’oubliez pas que c’est votre dix-huitième
anniversaire demain. Il ne peut rien se passer non plus.
Mandraro – J’en suis conscient, mais il vaut mieux toujours bien se préparer.
Un silence assez froid s’installa entre Roger et Mandraro. Roger, inquiet pour son maître qu’il avait toujours vu comme son fils, savait très bien que, quoi qu’il dise, son maître ne changerait jamais d’avis, avec le caractère obstiné qu’il lui connaissait.
Mandraro – En fait, où sont le shaman et sa disciple ? Je ne semble pas les apercevoir.
Roger – Oh, j’allais oublier ! Le grand maître m’a demandé de vous avertir que le shaman vous attendrait dehors, et aussi que vous devriez vous préparer pour une épreuve de combat.
Mandraro – Je vois… Un combat entre shaman et exécuteur, dit-il en faisant un sourire d’impatience qui surprenait Roger.
Mandraro sortit de la cuisine après avoir déposé le lapin près du plan de travail de Roger.
Roger – Jeune maître, mais pourquoi êtes-vous aussi têtu à suivre une voie aussi dangereuse ? dit-il de façon inquiète dans ses pensées, avec un visage qui désapprouvait le choix de son jeune maître.
Le vent soufflait une brise assez légère, le temps était calme et le ciel était d’un bleu sans nuage. Le shaman et Ramamba étaient assis dans un petit chalet près d’un immense jardin d’herbe. Mandraro, équipé de son arc, avec un masque qui semblait fait de loup, portait une tunique d’une couleur blanche assez lumineuse. Devant lui, une personne ne portant qu’une cape, une robe assez longue et un pendentif qui semblait avoir la forme d’une queue de lémurien se tenait un peu hésitante. Elle était assez loin pour qu’il ne pût distinguer si c’était une fille ou un garçon, mais il était surpris de voir que la personne n’avait pas de masque.
Mandraro – On me sous-estime alors, un disciple qui n’a pas encore de classe pour me tester ? s’écria-t-il de manière assez forte pour se faire entendre dans le chalet.
Mandraro – Mais qu’est-ce que vous manigancez, père ? se dit-il.
Mandraro ferma les yeux, se concentra comme pour annoncer que le combat commençait.
La personne qui était devant lui avait une allure féminine. Elle s’élança vers lui comme le vent, avec une feuille rigide comme de la roche à la main, avant d’arriver avec une vitesse impressionnante devant lui.
Mandraro – Mais qu’est-ce que… ? se dit-il tout en esquivant vers le côté gauche.
La personne se tenait maintenant face à lui, à quelques mètres seulement. Il perçut la silhouette féminine de son adversaire avant que des rafales de feuilles, aussi coupantes qu’une lame, ne l’assaillissent.
Mandraro – Je comprends, elle solidifie ses feuilles en puissance avec son voile. C’est une utilisation assez basique de la technique de renforcement spirituel, seulement son but est tout autre. Elle veut éviter que je m’éloigne, c’est pour cela qu’elle lance les feuilles tout en s’approchant malgré mes tentatives d’esquive.
Mandraro réussit difficilement à esquiver, avec des entailles qui remplissaient tout son corps. La silhouette féminine s’approcha, mais Mandraro s’aperçut qu’elle devenait de plus en plus lente.
Mandraro – Je comprends, c’est encore une débutante. Cette vitesse et ces feuilles aussi coupantes que l’acier n’étaient que le résultat d’une utilisation successive du voile sans contrôle.
Mandraro concentra toute son énergie dans ses jambes. Il bondit vers l’arrière tout en laissant des traînées d’herbe pour masquer sa présence et s’éloigner.
La silhouette féminine semblait maintenant toute seule, Mandraro ayant complètement dissimulé sa présence. Elle entendit une incantation, mais elle ne sut précisément d’où cela venait.
Mandraro – J’en appelle à toi, ô Raintany, toi le roi de la terre, serviteur de la déesse du vent, réponds à mon appel et fissure la terre !
Le sol commença à trembler, la terre sous les pieds de la silhouette se mit à se séparer en deux. Elle fut piégée, et Mandraro apparut, décochant sa flèche vers la tête de sa cible.
Mandraro – Alors, tu abandonnes ou pas ? dit-il tout en mettant sa flèche nez à nez avec son adversaire.
Lova – C’est à toi que je devrais dire cela, dit-elle derrière Mandraro, tout en mettant une feuille aussi coupante que de l’acier sur son cou.
Notes :
Avalo : maladie spirituelle dont les symptômes sont la folie et la perte soudaine de connaissance. C'est une maladie rare chez les shamans du grand continent de Pandragora.
Description du clan Mamba : une lignée redoutable , forgé au fil des siècles par une réputation d'exécuteur implacable, grâce à leurs extraordinaires capacités de détection qui faisaient de ses membres des prédateurs hors pair. Maîtres dans l'usage du Voile, leur véritable talent réside dans l'art de dissimuler énergies et formes spirituelles.
Raintany : on raconte que c'est un des vassaux de la déesse mère Renirivotra. Pour avoir sa bénédiction, les shamans appellent son nom et plient la terre à leur convenance, si l'on en croit les récits.