CHAPITRE 9 - LA VOIX SANS NOM

Il y a des voix qu'on entend avant de les comprendre et des noms qu'on n'a jamais osé prononcer depuis l'incident du sondage mental dans la salle mémoria, Kael ne dort plus pas vraiment il ferme les yeux, parfois mais il ne trouve ni repos ni silence ce n'est pas la fatigue qui le ronge, c'est cette vibration sourde, constante, juste en dessous de la conscience une faille ouverte un appel qui ne se tait pas le regard des autres élèves a changé pas tous mais assez, assez pour qu'il sente le poids du soupçon du doute assez pour qu'il sente ce qu'il connaît déjà trop bien : l'isolement déguisé en respect même Miro, qui d'habitude flotte en fredonnant de petites notes ou en commentant la gravité des choses avec une ironie douce, est resté en retrait il le suit de près mais il ne plaisante plus un soir, alors que Kael observe le plafond de sa chambre, les bras croisés sous la nuque, Miro s'approche lentement "tu sais que ce n'était pas une illusion ce miroir. Il n'existait dans aucun domaine des Éclairs", "Je sais", murmure Kael un silence "et tu sais qu'il t'a parlé", "oui" il n'ajoute rien il ne peut pas ce n'est pas un rêve c'est un retour Kael tombe à nouveau la chute est muette, douce, mais inévitable comme s'il était aspiré non par le sol, mais par l'intérieur de lui-même, il retrouve le même monde effondré le même sol craquelé le même ciel rouge, malade les six éclats du miroir noir tournent lentement au-dessus de lui, comme des lunes mortes autour d'une étoile éteinte et puis... la voix pas une voix comme celles des fragments. Pas même comme Destiny, dans sa colère enchaînée, ou Diva, dans sa rage souriante c'est une présence inversée, qui ne parle pas par vibration, mais par soustraction "je ne suis pas l'un d'eux, je ne suis pas un éclair, je suis ce que tu as nié" Kael tente de parler de demander d'interroger mais ses mots se dissolvent avant même de naître la bouche s'ouvre rien ne sort il essaie de fuir mais ici, il n'y a nulle part où aller la voix se rapproche elle ne crie pas elle glisse elle s'installe, comme une certitude à laquelle on n'échappe plus un souffle traverse son oreille inversé glacé "donne moi un nom ...ou je le prendrai moi-même." Kael se réveille. Brutalement le souffle court le corps trempé de sueur les draps collés à sa peau il s'assied dans le noir le cœur tambourine, mais ce n'est pas la peur c'est autre chose une reconnaissance et puis, ses yeux s'ajustent il tourne lentement la tête vers le mur celui en face de son lit blanc nu bon plus maintenant quelqu'un ou quelque chose a écrit dessus pas avec de l'encre pas avec du feu avec de la lumière inversée un éclat qui n'éclaire pas un mot unique, lisible comme une griffure dans l'espace ǝlɐʞ il ne sait pas si c'est un nom un avertissement ou un retour mais il comprend une chose e miroir ne veut plus attendre.