Chroniques d’Aylar-La Traque

Progression dans la nuit 

Première confrontation

Tactique et persévérance 

***

Les brumes toxiques s’épaississaient sur Caerulus Secundus, lourdes, acides, suffocantes. Elles s’enroulaient comme des serpents vaporeux autour des troncs morts, glissaient le long des branches dénudées, et se coulaient au ras du sol craquelé, dissimulant pièges, charognes… ou pires.

Sous ce voile mortel, le silence était presque absolu, seulement rompu par les faibles crépitements des compteurs Geiger intégrés aux casques des Astartes. Chaque inspiration filtrait à travers les respirateurs, lourde, artificielle. Le monde lui-même semblait retenir son souffle.

L’escouade d’Intercessors avançait lentement, dans une formation serrée. Aylar ouvrait la marche, silhouette imposante au milieu des carcasses d’arbres corrodés, son pistolet plasma levé, prêt à tirer. À ses côtés, le sergent Varkos couvrait l’angle opposé avec une vigilance sans faille.

— « Formation Lames Croisées. Pas de bruit superflu. Pas de tir non identifié sans confirmation visuelle, » murmura Aylar sur le canal vox crypté.

— « Reçu, Capitaine, » répondit Varkos en hochant la tête, les sens tendus. « L’environnement est saturé. Même les auspex ont du mal à lire les mouvements. »

Autour d’eux, le paysage était cauchemardesque. Le métal des anciennes installations se tordait sous l’effet de la corrosion, des câbles rompus pendaient comme des lianes funèbres. Le sol était jonché de carcasses de sentinelles impériales, d’ossements humains partiellement dissous, et de traces étranges : des sillons dans la terre, des empreintes chitineuses laissées par des créatures qui n’étaient plus là… ou pas encore.

Aylar leva un poing fermé. L’escouade s’arrêta net. Tous les bolters se levèrent en silence.

— « Mouvement à dix heures. Lourd. Au sol. » chuchota Frère Kelros, l’un des éclaireurs. « Aucune lecture thermique claire, mais… il y a quelque chose. »

Aylar s’abaissa lentement derrière un tronc métallique couché. La brume sembla vibrer un instant, comme si quelque chose avait bougé à sa surface.

Il murmura :

— « Gardez vos positions. Nous sommes observés. »

Une tension sourde s’abattit sur l’escouade. Même les plus vétérans sentaient cette présence insidieuse — cette intelligence affamée, tapie quelque part dans les ombres. Le genre de silence qui précédait toujours les pires assauts tyranides.

Mais Aylar ne fléchit pas.

Il tourna lentement son regard vers ses frères, et d’un simple signe de tête, leur rappela qu’ils étaient des Space Marines.

Ils avancèrent, pas à pas, dans ce labyrinthe de métal corrodé et de végétation fanée, aussi implacables que la mort elle-même, le regard braqué vers l’obscurité.

***

Dans les cieux de Caerulus Secundus, la tempête de spores noircissait l’horizon, masquant la lumière pâle des étoiles. Des vents acides balayaient les ruines d’une ancienne raffinerie impériale, où le sol n’était plus que poussière brûlée et squelettes métalliques. C’est là, dans ce no man’s land crépitant d’énergie résiduelle, que l’ennemi avait été repéré.

Le Tyran Prime. Un chef de guerre tyranide.

Une monstruosité à l’intellect cruel, capable de commander des essaims entiers d’une simple impulsion synaptique. Il était la clef de voûte d’un pan entier de la flotte-ruche. Sa mort, ou sa capture, ne serait pas simplement une victoire tactique : ce serait un coup de grâce à l’organisation ennemie dans tout le secteur sud de Caerulus.

À l’abri derrière une cloison brisée d’adamantium, l’escouade d’Aylar balayait les ruines du regard. Frère Mallion, le plus aguerri en détection, consulta le moniteur clignotant du relais vox amplifié qu’ils avaient installé il y a deux cycles.

— « Capitaine, les signaux de la balise vox captés confirment la présence d’une entité lourde en approche. Masse, fréquence bioélectrique, signatures synaptiques… Cela correspond. Il est là. »

Aylar ne détourna pas les yeux de l’horizon. Il serra le manche de son pistolet plasma et répondit d’une voix calme, grave, comme la lame tirée d’un fourreau :

— « Très bien. Préparez la traque. Nous devons frapper vite et précis. Pas d’erreur. »

Ses ordres furent clairs et tranchants.

— « Frère Varkos, vous prenez l’élément ouest. Frère Mallion, configurez les auspex sur modulation basse fréquence, nous devons éviter de l’alerter trop tôt. Kelros, en hauteur, couverture et balises. Les autres, formation en demi-lune. »

L’escouade s’ébranla en silence, chacun se mouvant avec la grâce méthodique d’un prédateur. Le sol crissait à peine sous leurs pas blindés. Ils n’étaient plus des soldats. Ils étaient des chasseurs.

Aylar s’avança jusqu’à un rebord surplombant une tranchée effondrée. Là, entre les ombres et les nuées corrosives, quelque chose se déplaçait.

Une silhouette massive, de trois mètres de haut, couverte de plaques osseuses iridescentes. Ses griffes fendaient les restes de chars de la Garde Impériale comme du carton. Il émettait des cliquetis nerveux, chaque son pulsant comme une onde mentale dans la conscience d’Aylar.

C’était lui.

Le Tyran Prime.

Aylar activa son microvox interne et parla à ses frères, un souffle dans l’éternité :

— « C’est lui. L’Alpha. Nous coupons la tête, et le reste de la bête s’effondrera. »

Un silence s’installa sur le canal. Pas un mot, mais l’écho silencieux d’un serment commun : la volonté de tuer un dieu alien, ou de mourir en essayant.

Alors, dans les ruines silencieuses, la traque commença.

***

L’équipe d’Aylar se divisa avec une précision chirurgicale, s’enfonçant dans les ruines éventrées de la raffinerie. Chaque Frère Intercessor connaissait sa place, chaque couloir, chaque amas de décombres devenait une couverture, chaque colonne effondrée un point d’observation. Le Capitaine avait pris la tête d’une patrouille à trois, avec Frère Mallion et Frère Davrik, tandis que Varkos et Kelros s’étaient déployés vers les flancs nord.

Le silence était pesant, comme une chape de plomb maintenue par l’oppression psychique que dégageait la proximité du Tyranid Prime. Seul le crépitement intermittent des vox sécurisés, les gémissements lointains d’organismes mourants ou le frôlement d’une carapace contre de la tôle brisée venaient troubler cette tension. Le moindre souffle, le moindre cliquetis d’armure devenait suspect.

Puis… une odeur.

Aylar s’arrêta, leva un poing fermé.

Du phosphore. Des fluides organiques. Et la puanteur âcre du xéno en chasse.

Un cri strident déchira l’air, et une grêle de tirs jaillit d’un couloir à leur gauche. Les rayons bioplasmiques des Termagants illuminèrent les décombres, frappant dans les parois, éclaboussant de matière incandescente le sol métallique. Frère Davrik poussa un juron et se jeta derrière un pilier arraché.

— « Contact ! Environ douze Termagants — formation en essaim ! »

— « En ligne de feu, maintenant ! Riposte immédiate ! » aboya Aylar.

D’un mouvement fluide, le Capitaine se mit à découvert, ajustant son pistolet plasma. L’arme ronfla dans sa main, son noyau s’illuminant d’un bleu surnaturel avant de cracher une explosion thermique qui réduisit deux Termagants en une gerbe de cendres. Frère Mallion, stoïque, verrouilla son bolter, épaula et tira par rafales précises. Trois cibles abattues. Frère Davrik, malgré une blessure au flanc, vida un chargeur complet, achevant les survivants dans un concert de feu et de chair éclatée.

Mais à peine le dernier corps insectoïde toucha-t-il le sol qu’un nouveau rugissement résonna. Il était plus grave, plus guttural.

Un Guerrier Tyranide apparut sur la hauteur, encadré de deux autres, leurs lames osseuses luisantes de mucus acide. Ils bondirent à découvert, ignorant les tirs comme s’ils n’étaient que pluie. L’un d’eux atterrit directement devant Aylar, le sol tremblant sous son poids.

Le combat devint brutal, viscéral.

Aylar para le premier coup avec son gantelet énergétique, le choc entre l’os et l’énergie crépitant d’étincelles. Il riposta d’un coup ascendant, brisant une des mandibules de la créature. Frère Mallion tenta de le couvrir, mais une des bêtes lui sauta dessus, le clouant au sol, griffes enfoncées dans son plastron.

Aylar rugit et projeta son adversaire d’un coup d’épaule, puis se jeta sur le Guerrier Tyranide accablant Mallion. Son gantelet frappa, encore et encore, jusqu’à ce que l’arrière de la boîte crânienne du xéno éclate dans un bruit spongieux. Frère Davrik, en sang, tira un dernier bolt explosif en plein dans la gorge du troisième monstre, qui recula en couinant avant de s’effondrer.

Le silence retomba. Aylar haletait légèrement, l’adrénaline encore vive dans ses veines.

— « Frère Mallion ? »

— « Toujours là… armure brisée, mais l’esprit de l’Empereur me soutient, » grogna-t-il en se redressant.

Aylar tendit la main pour l’aider à se relever, un instant de fraternité au milieu du carnage.

À la vox, la voix de Varkos résonna :

— « Capitaine, nous avons engagé d’autres forces ennemies plus à l’est. Ils tentent de couvrir le retrait de quelque chose de plus gros. Je crois que nous approchons de notre véritable proie. »

Aylar serra le poing.

— « Maintenez la pression. On l’enferme. Pas d’échappatoire. Pas de pitié. »

Et dans les ombres mouvantes de Caerulus, la traque reprit. Plus silencieuse. Plus létale. Le Tyran Prime ne pouvait plus fuir longtemps.

***

Les Intercessors progressaient maintenant à travers les entrailles béantes d’un ancien dépôt logistique, là où les murs n’étaient plus que des carcasses dévorées par l’acide. Une ouverture sinistre s’ouvrit devant eux : une large clairière artificielle, anciennement une place de chargement, désormais recouverte de suie, d’ossements humains et de racines alien.

Le ciel de Caerulus était noir d’orages et chargé de spores toxiques. Les lumières des armures Astartes projetaient des halos verts et bleus sur les murs souillés. Aylar leva un poing en arrêt. Il sentit quelque chose.

Un mouvement. Un frisson dans l’air. Une vibration au sol, presque imperceptible.

Le regard du Capitaine se durcit.

— « Embuscade. »

Le sol explosa.

Des silhouettes jaillirent des tunnels latéraux et des fissures sous leurs pieds. Une meute de Hormagaunts, créatures bestiales aux griffes démesurées, aux crânes allongés et aux bonds fulgurants, fondit sur eux dans un hurlement d’ultraviolence. Les yeux d’Aylar captèrent immédiatement leur intention : contourner, diviser, submerger.

— « Feu ! » rugit-il, sa voix écrasant le fracas naissant.

Les Intercessors réagirent d’instinct, dans une synchronisation mortelle.

Le bolter de Frère Mallion cracha une pluie de bolts à fragmentation, fauchant les premiers xénos en pleine course. Le sol fut immédiatement maculé de tripes noires et d’éclats d’exosquelette. Frère Davrik, malgré sa blessure, pivotait avec méthode, tirant par rafales brèves, visant les têtes, les articulations. Un Hormagaunt s’élança sur lui : Davrik lui planta la baïonnette dans la gorge et l’acheva d’un tir à bout portant.

Aylar dégaina son pistolet plasma. Un tir incandescent transperça deux Hormagaunts d’un seul coup, ne laissant derrière qu’un cratère fumant. La chaleur du tir fit fondre une couche de résine organique sur le sol. Il enchaîna avec un revers de gantelet énergétique, écrasant une autre bête qui s’était approchée trop près. Le choc du coup envoya une onde qui fendit la mâchoire inférieure de la créature dans un craquement sec.

— « Formation en hérisson ! Couverture mutuelle ! On tient la position ! » ordonna-t-il.

Les Intercessors pivotèrent dos à dos, couvrant tous les angles. Des Hormagaunts bondirent depuis les hauteurs, mais furent abattus en vol, éclatant dans une pluie de sang violet. La scène se transforma en un ballet sanglant : les griffes fendaient l’air, les bolts explosaient les corps, la chair rencontrait le métal dans une symphonie chaotique.

Un instant, un Hormagaunt parvint à traverser la ligne et projeta Frère Mallion au sol. Aylar bondit, le gantelet illuminé d’énergie. D’un coup sec, il saisit la créature par la gorge et l’écrasa contre une dalle de pierre avec une force titanesque, la réduisant en pulpe noire.

La dernière créature tenta de fuir. Une balle bien placée dans son dos la fit chuter, convulsant dans un râle guttural.

Le silence retomba. Seul restait le grésillement des armes encore chaudes et la respiration haletante des Space Marines.

Frère Davrik s’agenouilla un instant, posant une main sur son flanc où son armure était ouverte.

— « Ça va tenir… » gronda-t-il entre ses dents.

Aylar posa une main sur son épaule, une marque muette d’estime. Il regarda autour de lui. Vingt, peut-être vingt-cinq xénos venaient de tomber. Et pourtant, ce n’était qu’un écran. Une diversion. Il le sentait.

— « Ils défendent quelque chose. Le Tyran Prime est proche. »

Frère Mallion acquiesça en fixant son auspex.

— « Je capte des interférences direction nord-est. Un relais synaptique. Probablement leur noyau. »

Aylar hocha lentement la tête.

— « Alors on continue. Formez la ligne. On frappe au cœur. »

Et dans le grondement sourd de la tempête qui montait, les Intercessors reprirent leur avancée, leur armure couverte de sang et de cendres. La traque du Tyran Prime les conduisait désormais vers l’épicentre du mal.

***

La clairière suivante, vaste dépression envahie de brume acide et hérissée de structures chitineuses, s’ouvrait comme un piège. Les senseurs grésillaient. Un frisson malsain parcourut la colonne vertébrale d’Aylar.

Il sentit la présence avant même de la voir.

Un rugissement guttural, bestial, fendit l’air. Des ombres se déplacèrent à grande vitesse dans le brouillard. Puis un choc, un impact au sol qui fit vibrer les plaques d’armure.

Un Alpha Tyranide, gigantesque, jaillit d’un promontoire surplombant la zone. Son exosquelette était sombre, orné d’excroissances osseuses barbelées. Ses griffes étaient longues comme des glaives, chacune capable de percer l’armure d’un char. Il portait la marque des organismes de commandement synaptique, une lueur malveillante vibrant dans ses yeux noirs.

— « Formez un arc défensif ! Priorité absolue sur cette cible ! » ordonna Aylar, ses sens déjà focalisés.

Il leva son pistolet plasma et tira — un rayon incandescent fondit sur la bête, frappant son flanc et arrachant une gerbe de chair noire en fusion. Mais l’Alpha encaissa sans ralentir. Il chargea, plus rapide qu’aucune autre créature rencontrée jusque-là.

Frère Mallion, toujours blessé, n’eut pas le temps de se replier. L’Alpha l’atteignit d’un bond terrifiant. Sa griffe s’enfonça dans son torse, le soulevant de terre avec une violence surnaturelle. Le casque d’Astartes fut brisé d’un coup de mandibule. Dans un râle haché, Mallion eut le temps de murmurer :

— « Pour Ultramar… »

Avant que l’Alpha ne le projette contre une ruine, son corps sans vie retombant dans un bruit sourd.

— « Mallion ! » hurla Aylar, son cœur blindé d’Astartes transpercé d’une rage froide.

Il fonça.

Le pistolet plasma cracha de nouveau — deux tirs brûlants frappèrent la bête, ouvrant des plaies fumantes. Aylar referma ensuite la distance, son gantelet énergétique crépitant de lumière bleue. Il esquiva un premier coup de griffe, roula sous un autre, et frappa de toutes ses forces au flanc droit.

L’impact fit chanceler la créature. Mais elle se redressa en une demi-seconde, comme insensible à la douleur. Elle riposta.

Une griffe fendit l’air, manquant de peu Aylar qui recula d’un bond. Un second coup lui arracha un pan entier de l’épaulière droite, révélant la céramite fondue et des câbles sectionnés. Aylar sentit le choc vibrer jusque dans ses côtes renforcées.

Il activa une grenade plasma, la coinça contre le ventre de la bête, puis roula de côté.

BOUM.

L’explosion arracha un hurlement au monstre. Des lambeaux de chair retombèrent en pluie noire autour d’eux. Mais l’Alpha vivait encore. Enragé. Meurtrier.

Frère Varkos, voyant son capitaine en danger, s’élança dans la mêlée, criant :

— « Pour Macragge ! »

Son épée tronçonneuse vrombit, s’abattant sur la patte arrière du Tyranide. Un coup, deux coups. Il réussit à le faire fléchir. Aylar profita de l’ouverture : un uppercut au gantelet frappa le menton blindé du monstre, le faisant reculer de trois pas.

Mais l’Alpha se redressa une fois de plus. D’un coup de griffe retourné, il éventra Varkos, qui tomba à genoux, tenant ses tripes à travers son plastron brisé.

— « Finis… le… mon Capitaine… » souffla-t-il avant de s’effondrer, ses yeux s’éteignant dans un murmure de loyauté éternelle.

Aylar ne cria pas. Il ne pleura pas.

Il se leva, essuya le sang sur son casque, et activa son pistolet plasma en surcharge. Le noyau de l’arme s’illumina d’un bleu aveuglant.

— « C’est pour mes frères. »

Il tira à bout portant. Le plasma claqua avec la violence d’un tonnerre enfermé dans un canon. Mais au dernier instant, le Tyran Prime eut un sursaut d’instinct animal — ou de ruse génétique. Il dévia sa tête d’un coup d’épaule chitineuse, et le projectile explosa contre l’excroissance osseuse de son col blindé. Des éclats d’os et de chair jaillirent, mais le monstre était encore debout, ses yeux multifacettes braqués sur le capitaine.

Maelyus n’eut pas le temps de tirer une seconde fois. L’Alpha bondit, toutes griffes en avant. Le Space Marine para avec son gantelet énergétique, les serres monstrueuses crissant contre le champ de force hurlant. Il recula sous l’impact, sa lame de puissance traçant un arc brûlant dans l’air, mordant dans la cage thoracique de la bête. Un jet de fluide acide jaillit, rongeant le plastron de son armure.

Le Tyran Prime hurla, mais répliqua d’un revers brutal qui heurta le casque de Maelius, le projetant à demi au sol. Le capitaine se redressa aussitôt, sa lame traçant une seconde estoc, profonde et nette, qui sectionna un des bras secondaires du monstre.

Le duel était féroce, équilibré. Mais le monstre saignait abondamment, ses mouvements ralentis par les blessures qu’il avait accumulées. Un instant, leurs regards se croisèrent – une haine froide d’un côté, une volonté inflexible de l’autre.

***

La créature hurla — un cri guttural et strident, mélange de douleur et de haine — lorsque le gantelet énergétique d’Aylar s’enfonça profondément dans sa gorge. Le poing blindé transperça la chair chitineuse, arrachant un jet de liquide noirâtre et corrosif qui s’écrasa sur les plaques d’armure du Capitaine, les faisant fumer sous l’acide.

Autour de lui, ses frères avaient encerclé la bête dans une formation en tenaille. Frère Lamius ouvrait le feu à courte portée avec son bolter automatique, chaque tir martelant les pattes arrière du monstre. Frère Karthon, blessé au flanc mais encore combatif, déploya une grenade à fragmentation dans l’ombre d’un pilier effondré, détonant juste sous la queue de la créature.

Le monstre chancela.

Aylar en profita pour asséner un coup d’estoc vers l’œil droit du Tyranide. L’Alpha hurla de nouveau, battit l’air de ses griffes dans un spasme de panique, puis recula — une retraite chaotique, brutale, mais instinctive. Sa lourde carcasse brisée bascula en arrière dans un fracas assourdissant de branches arrachées et de ruines déplacées.

— « Il recule ! » cria Lamius.

Mais ce n’était pas une fuite désordonnée. Le Tyran bondit soudainement, d’une vitalité inattendue malgré ses blessures, et s’enfuit à travers une brèche dans la roche, défonçant une vieille cloison en acier oxydé, et s’engouffrant dans un tunnel obscur. Des jets de sang noir marquaient son passage, épaisses traînées visqueuses sur les parois du boyau.

Aylar baissa lentement son pistolet plasma, l’arme encore fumante.

Il jeta un regard rapide aux siens. Lamius saignait d’une entaille au bras gauche, mais tenait bon. Karthon était soutenu par Frère Domitian, leur respiration haletante dans le vox partagé. Aucun mot inutile ne fut prononcé. Ils savaient ce que cela signifiait.

Le Capitaine tourna la tête vers le tunnel, sa visière ajustée sur infrarouge. Il distinguait déjà la silhouette vacillante de du Tyran Prime, poursuivant sa course en titubant.

— « Il faudra la suivre, » dit-il d’une voix grave, sans appel. « Cette créature ne fuit pas au hasard. Elle nous mène quelque part. »

Il marqua une pause, puis ajouta :

— « Cette piste nous mènera au Prince Tyranide. »

Il leva la main, fit signe d’avancer.

— « Formation tactique. Avancez lentement. Silencieux. Si nous tombons dans une embuscade, je veux que chaque tir compte. Et s’il est là, nous le détruirons. »

Les Intercessors hochèrent la tête, déterminés malgré la fatigue et la douleur. Le sang de leurs frères tombés sur le champ de bataille chauffait encore leurs cœurs transhumains. Ils pénétrèrent les tunnels, guidés par la trace sanglante du monstre blessé, la lueur vacillante de leurs torches illuminant des murs tapissés de mucus, de griffures, et de symboles organiques inconnus.

Dans les ténèbres viciées de Caerulus Secundus, la chasse reprenait.

***

Chaque minute perdue permettait à la flotte-ruche de s’épaissir, de croître, de muter. Les bio-vaisseaux en orbite autour de Caerulus Secundus pulsaient dans l’obscurité de l’espace comme des organes vivants, pompant les ressources de la planète et vomissant continuellement de nouveaux monstres à la surface.

Le temps jouait contre eux.

Aylar s’était arrêté, un instant, à l’abri d’un pan de roche brisée dans les entrailles du monde ravagé. Il ferma les yeux derrière sa visière, la respiration rythmée par le souffle mécanique de son plastron. Les bruits de ses frères Intercessors sécurisant les environs, les crépitements des scanners, le bourdonnement sourd des systèmes de visée… tout semblait s’effacer sous le poids d’une pensée plus vaste. Plus grave.

Il revit Frère Varkos, tombé face au Tyran Prime, le torse éventré mais les mains encore crispées sur son bolter, refusant de lâcher prise jusqu’à son dernier souffle. Il revit le regard de Thalion, silencieux, avant de repartir couvrir un flanc vulnérable, certain qu’il n’en reviendrait pas. Il revit les visages, les cris, les silences.

Et surtout, il revit le serment.

“Tu nous mèneras, Frère-Capitaine, jusqu’au dernier souffle. Et si nous tombons, que ce soit debout, dans la lumière de l’Empereur.”

Ces mots, prononcés dans la crypte de déploiement avant leur descente planétaire, vibraient encore dans sa mémoire comme un tambour de guerre.

Il ouvrit les yeux.

Son regard croisa celui de Frère Domitian, qui le scrutait discrètement à travers la visière de son casque. Aylar hocha simplement la tête, comme pour dire : je n’ai pas oublié.

Puis, d’une voix basse, grave, il murmura pour lui-même, et pour les morts :

— « Nous tiendrons jusqu’au bout. Quoi qu’il en coûte. »

Il se redressa lentement, serrant la crosse de son pistolet plasma, et se tourna vers les tunnels obscurs où la créature les avait menés.

— « Préparez-vous à bouger. La guerre ne s’arrête pas parce qu’on s’autorise un souvenir. »

Et dans l’ombre silencieuse de Caerulus Secundus, la promesse faite aux défunts se transforma en feu sacré dans le cœur du Capitaine Aylar. Une torche qui ne vacillerait pas.

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