Arme de combat : Katana

{ Dring } { Dring } …

–– Ah… 07h30… bailla Ned.

Il se leva péniblement de son lit et marcha d’un pas lent jusqu’à la salle de bain. Après une douche rapide, il revint dans sa chambre. L’uniforme de l’IEA était soigneusement plié sur son lit. Il l’enfila sans grand enthousiasme, puis prit son sac, y glissa quelques livres et son ordinateur portable.

Il sortit de sa chambre et verrouilla la porte avant de se diriger vers l’ascenseur. Les portes se refermaient presque quand une voix résonna soudain :

–– Attendez, s’il vous plaît ! supplia une voix féminine.

Ned tourna légèrement la tête, aperçut une silhouette qui courait vers lui, et appuya sur le bouton. Les portes se rouvrirent lentement.

Une fille entra, essoufflée, les mains sur les genoux. Elle reprit son souffle, puis se redressa avec un sourire :

–– Merci d’avoir retenu les portes ! Je suis Emy Thorner. On est dans la même classe, je crois. On s’est vus aux tests de sélection.

–– Ah oui… maintenant je m’en souviens. Je suis Ned Blackhat.

« Génial… pile la personne que je voulais éviter dès le matin. »

Emy était grande, élégante, avec de longs cheveux bleus et des yeux verts perçants. L’uniforme mettait en valeur ses courbes généreuses. Trop même, pensa Ned en soupirant.

Il sortit un petit livre de son sac et se plongea dans sa lecture, ignorant royalement la jeune fille. Emy pinça les lèvres, visiblement vexée par son indifférence.

Les portes s’ouvrirent. Ned sortit le premier, suivi de près par Emy.

Dans la salle de classe, Ned balaya rapidement les rangées du regard, repéra une place vide au fond, et s’y dirigea d’un pas rapide. Il y déposa son sac, posa son livre, puis sortit son téléphone holographique.

Il répondait aux messages d’Amy envoyés la veille, l’air détaché.

Une voix douce attira son attention :

–– Puis-je m’asseoir ici ? demanda Emy, montrant la place libre à côté de lui.

–– Bien sûr, répondit-il, sans même lever les yeux de son écran.

Elle s’installa à côté de lui, visiblement un peu frustrée. À cet instant, le professeur entra.

Un silence immédiat tomba sur la classe.

Le professeur était grand, le regard sévère, presque perçant. Il les observait longuement, comme s’il cherchait quelque chose — ou quelqu’un.

–– Oubliez toutes les formalités. Je suis le professeur Alexandre Senders.

Il tapa sur sa tablette. Le titre s’afficha en grand sur l’écran derrière lui : Cours : Initiation au Flux

Il commença alors son exposé.

Le Flux, énergie fondamentale.

Le Flux est l’énergie originelle qui structure et imprègne toute chose. Il est la source de toute puissance, de toute vitalité, de toute transformation.

Il se manifeste principalement sous deux formes : le Lunéther et le Melantris.

Le Lunéther est la forme stable, fluide et naturelle du Flux. Il est associé à la maîtrise de soi, à l’équilibre, et à l’harmonie avec les lois du monde.

L’accès au Lunéther requiert un entraînement rigoureux du corps et de l’esprit :

Préparation : méditation, respiration, mouvements codifiés (formes ou mudras).

Canalisation : à travers les méridiens et le noyau intérieur du pratiquant.

Chez les éveillés, la Sphère de Profil permet de visualiser l’état du Flux avec précision.

Le Lunéther n’est pas explosif .

Moins de puissance brute.

Temps d’éveil long.

Incompatible avec l’agitation ou la rage.

Mais on peut contourner ces limites : Par exemple, en concentrant du Lunéther raffiné dans un réservoir interne (souvent dans le cœur), puis en le libérant sous forme de coup unique — comme la technique de la [Frappe du Cœur Immuable], une onde de choc silencieuse mais fulgurante.

Il existe aussi les techniques de Résonance : le Flux y est accordé à une fréquence précise, souvent liée aux rythmes internes du pratiquant, provoquant des effets en chaîne dans l’environnement.

DRIIING !

La cloche sonna. Le cours était terminé.

Ned rangea calmement ses affaires. Il se dirigea ensuite vers le terrain d’entraînement. L’heure du premier cours pratique était arrivée : les Arts.

Terrain d'entraînement – Cours des Arts

Un Art est une forme évoluée de manipulation du Flux. Unique, souvent instinctif, et impossible à reproduire sans une affinité naturelle ou un héritage précis.

Ned, lui, possédait l’Art des [11 Accalmies], reçu involontairement via sa sœur Amy. Sans sa compétence [Main Omnipotente] — qui lui permettait de copier ou reproduire un art après l’avoir ressenti — il n’aurait jamais pu le maîtriser.

Tous les cadets étaient déjà rassemblés.

Un homme grand, à la carrure sèche et musclée, se tenait devant eux. Sa voix fit trembler l’air :

–– JE SUIS L’INSTRUCTEUR EN CHEF RUAN !

–– Mon cours ne concerne pas le combat, mais la maîtrise de vos Arts. C’est bien compris ?

–– OUI MONSIEUR ! répondirent les élèves en chœur.

–– Vous allez former des groupes de deux. Installez-vous dans les cercles tracés au sol. Vous utiliserez vos Arts l’un contre l’autre, puis vous devrez analyser les faiblesses de votre adversaire. Ce sera noté.

Un brouhaha d’excitation monta soudain dans l’air.

–– Mais avant cela, vous avez cinq minutes pour choisir une arme dans l’armurerie derrière vous. Ce sera votre arme personnelle. Pas de retour, pas d’échange. Choisissez bien.

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Réactions des cadets :

— On nous donne des vraies armes ?! Sérieux ?

— Trop stylé ! Je vais prendre une grande lame, direct.

— C’est maintenant qu’on voit qui est digne d’être là.

— Sam, tu fais équipe avec moi ?!

— Bien sûr, frangin.

Ned, silencieux au milieu du tumulte, tourna les talons et se dirigea vers les armureries.

Il ne savait pas encore quelle arme choisir...

Mais quelque part en lui, une lame dormait déjà.

L’armurerie fourmillait d’agitation. Les cadets, surexcités, se ruaient sur les supports d’armes, comme des enfants lâchés dans un magasin de jouets interdits.

–– Une hallebarde ? Sérieux, tu comptes danser avec ?

–– Franchement je m’en fous, elle est trop stylée.

–– C’est aujourd’hui qu’on se forge une réputation !

Ned, lui, avançait lentement entre les étagères métalliques, le regard balayant les lames, les bâtons, les arcs, sans qu’aucun ne l’arrête vraiment. Trop massives. Trop rugueuses. Trop... bavardes.

Il frôla un sabre à double tranchant du bout des doigts, puis le reposa aussitôt. Vide. Comme les autres.

–– Tu cherches une arme, ou t’espères qu’elle te trouve toute seule ?

Emy venait d’apparaître à ses côtés, une lance argentée déjà attachée dans son dos.

–– Je prends mon temps, répondit Ned d’un ton neutre.

Elle le fixa un instant, intriguée par son calme étrange au milieu de l’agitation générale.

–– Tu choisis comme quelqu’un qui sait déjà ce qu’il veut. Pas mal, pour un... première année ?

Elle hésita une seconde en le regardant de plus près.

–– Attends... T’es vraiment en première année ?

Ned hocha la tête. Un petit soupir s’échappa de ses lèvres.

–– On va dire que je suis là par... exception.

–– Exception ?

Elle plissa les yeux, puis ses sourcils se haussèrent.

–– Attends, non... Tu t’es éveillé avant l’âge ?

–– T’as quel âge, en fait ?

–– Quatorze.

Le mot flotta un instant entre eux, comme s’il n’avait pas sa place ici. Emy ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit.

–– Mais… l’éveil, c’est à seize ans. C’est la règle. T’as pas... sauté de classe, toi. T’as défoncé la porte.

Ned haussa légèrement les épaules, un mince sourire aux lèvres.

–– J’ai pas vraiment eu le choix.

Emy recula d’un pas, le regardant autrement. Plus sérieusement. Son expression perdit sa légèreté. Elle ne disait rien, mais dans ses yeux, un petit mécanisme venait de s’activer.

Elle le suivit alors qu’il se dirigeait vers un présentoir discret, un peu isolé : des armes traditionnelles, sobres. Il s’arrêta devant un katana à la garde sobre, lame légèrement plus courte qu’un modèle standard. Il le prit dans ses mains, et ferma les yeux.

Un silence. Léger. Comme si tout autour s’était estompé.

–– Celui-là, dit-il doucement.

–– Pourquoi ? demanda-t-elle en le regardant tester la prise, le poids, l’équilibre.

–– Il ne parle pas. Il attend. Il frappe juste. Une seule fois, s’il le faut.

Emy le regarda quelques secondes, puis hocha lentement la tête.

–– Ouais… ça te ressemble. Silencieux, pas sûr de toi, mais t’as un truc... trop calme pour être vide.

Elle sortit son téléphone holographique et le tendit.

–– Tu me passes ton contact ? Si jamais t’as besoin de quelqu’un pour t’aider à t’adapter... ou juste pour parler.

Ned hésita un bref instant, puis accepta. Le contact "Emy Thorner" apparut dans sa liste.

–– Merci, dit-il simplement.

–– Et Ned ?

–– Hmm ?

–– Je pense que t’es plus flippant que tu le crois.

Elle lui fit un clin d’œil avant de tourner les talons, sa lance cliquetant doucement dans son dos.

Ned, lui, resta immobile un instant, le katana dans la main. Il le rangea lentement dans son fourreau, le cœur battant un peu plus fort.