Partie 1 : Le Poids du Prestige

À Cotonou, sous un soleil brûlant, Antoine coupe le ruban rouge devant son usine de transformation de manioc, flambant neuve, dans le quartier d’Akpakpa. La foule l’acclame, les drapeaux béninois flottent, et les femmes en pagnes colorés chantent sa gloire. « Antoine, tu es notre fierté ! » lance un ancien, mais son sourire crispé trahit un vide intérieur. Derrière lui, dans un ciel éclatant de jaunes et de bleus, l’ombre d’un baobab spectral plane, symbole de son conflit naissant. « Celui qui porte la couronne supporte son poids », murmure un proverbe fon dans son esprit.

Flashback à Porto-Novo, dans une cour d’école poussiéreuse des années 1980. Antoine, dix ans, écoute son père, instituteur strict mais aimant, sous un manguier. « Un homme sans racines est comme un arbre sans sève », lui dit-il, traçant des proverbes à la craie. Antoine rêve de voir le monde, mais son père insiste : « Vois-le, mais ramène-le à la maison. » Ces mots pèsent encore sur lui, des décennies plus tard, alors qu’il porte les espoirs de sa communauté.

À Dubaï, lors d’un sommet économique, Antoine rencontre Amira, une femme d’affaires nigériane rayonnante. Dans une salle de bal aux lustres dorés, elle le charme avec sa vision d’un empire agro-industriel. « Pourquoi t’arrêter à Cotonou ? Le monde est plus grand », lance-t-elle, sa robe rouge ankara scintillant sous les lumières. Antoine, hésitant, sent le baobab spectral dans son dos. « Mes racines ne voyagent pas dans une valise », répond-il, mais l’éclat de Dubaï le tente. Leur danse, sous des reflets de gratte-ciel, amplifie son trouble. Amira propose un partenariat, et Antoine, séduit, sent le poids de son prestige s’alourdir.

De retour à Cotonou, Élise, son amie d’enfance, l’accueille à l’aéroport. Médecin dévouée au dispensaire de Fidjrossè, elle perçoit son changement. « Dubaï t’a volé ton âme ? » plaisante-t-elle, mais son regard est sérieux. Antoine visite son dispensaire, où elle soigne un enfant sous une affiche de santé publique. « Tu construis des usines, mais qui soigne les cœurs ? » demande-t-elle. Le contraste entre son humilité et l’ambition d’Amira le secoue.

La communauté ajoute à son fardeau. Lors d’une réunion sous un auvent en tôle, une ancienne implore : « Ne nous oublie pas, Antoine. » Il finance un puits, mais les attentes s’accumulent. Cette nuit-là, un rêve le hante : un baobab en feu. Un devin vodoun, entouré de bougies et d’amulettes, lui dit : « Ton arbre brûle, fils. Tes racines crient. » Troublé, Antoine reçoit un appel d’Amira, qui insiste : « C’est maintenant ou jamais. Viens à Dubaï. » Il hésite, déchiré entre son peuple et ses ambitions.

Élise, dans une rue animée de Cotonou, évoque leurs souvenirs d’enfance sous un baobab. « Les histoires parlaient de cœur, pas de pouvoir », dit-elle. Mais les jeunes du quartier le confrontent : « Tu es à Dubaï pendant qu’on lutte ici ! » Antoine, au marché de Dantokpa, écoute une marchande raconter une fable sur le devoir : « Un roi sans peuple n’est qu’un homme. » Ces mots résonnent. Pourtant, tenté par un contrat lucratif d’Amira, il décide de partir pour Dubaï. Élise, au crépuscule, le met en garde : « Reviens-nous, Antoine. Pas seulement ton corps, mais ton cœur. »

Dans l’avion, Antoine repense à son père. Une vision de baobab flotte dans les nuages. À Dubaï, Amira l’accueille dans une voiture de luxe, les gratte-ciel scintillant. « Bienvenue dans ton avenir », dit-elle. Mais le baobab en feu hante ses rêves, et Antoine murmure : « Est-ce réel ? » Le prestige est à son apogée, mais son âme vacille.