Page 8 : Le seuil du néant

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Les lourdes portes du donjon s’ouvrirent dans un grincement lent.

Aucune main ne les avait poussées.

Elles avaient cédé.

Comme si le bâtiment lui-même avait compris :

il était temps de laisser sortir ce qu’il avait enfermé.

Flavé franchit le seuil.

Le ciel était gris. Pas nuageux. Vide.

L’air, glacial. Pas froid. Mourant.

Sous ses pas, l’herbe noircissait.

Les fleurs se fanaient, les pierres se fissuraient.

Même les corbeaux dans les arbres fuyaient sans bruit.

Il ne regarda ni à gauche, ni à droite.

Il ne vit pas le monde.

Il ne le reconnaissait plus.

Car lui-même n’était plus le monde.

Il était ce qui vient après.

Son ombre s’allongeait derrière lui, déformée, tremblante, comme vivante.

Elle ne reproduisait plus ses gestes.

Elle l’observait.

Et dans son dos, les hurlements étouffés des âmes mortes commençaient à se faire entendre.

Un chœur de damnés, noyé dans le vent.

Il leva les yeux.

Au loin, il apercevait les terres de ceux qui l’avaient trahi.

Les villages. Les forteresses. Les drapeaux.

Tout ce qui devait brûler.

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