Le vide l’enveloppait.
Momoi était toujours là, à genoux, ses poings serrés contre le sol froid, sa respiration courte et rapide. La sueur perlait sur son front malgré l’absence totale de chaleur. Elle haletait… mais aucun son ne s’échappait de sa bouche. Rien. Pas un écho, pas un souffle.
Depuis combien de temps elle était coincée ici ? Elle avait perdu le compte. Deux, trois, quatre tentatives… peu importait.
Encore une fois, elle s’était perdue. Encore une fois, elle était revenue au même point.
Une boucle sans fin.
Mais cette fois… Momoi ne se redressa pas immédiatement. Elle ferma les yeux, laissant son esprit se poser, refusant de céder à la panique.
Une voix intérieure résonnait faiblement dans son esprit :
voix : Tu es toujours aussi inutile. Toujours à courir derrière les autres.
Ses épaules tremblèrent légèrement.
Et pourtant… une autre voix résonnait, plus lointaine, plus grave : celle d’Akyra, quelques instants plus tôt.
Akyra : Arrête de chercher avec tes yeux ou tes oreilles. Utilise ton Kala.
Elle se mordit la lèvre inférieure, doucement, comme pour rester ancrée dans le présent.
Momoi : Mon Kala…
Les souvenirs commencèrent à remonter.
Des images floues…
Un visage d’enfant.
Des cheveux argentés comme les siens. Une silhouette plus petite, plus frêle.
Momoi : Shira…
Son petit frère. Cinq ans à l’époque.
Elle se revit tendre la main vers lui, cette journée maudite…
La salle où elle avait révélé son Kala pour la première fois, au milieu de leur clan.
La lueur noire et violette qui avait dévoré l’espace. Le regard choqué de son père. Le hurlement étouffé de sa mère.
Et Shira, immobile, fixant sa grande sœur avec des yeux où se mêlaient peur et incompréhension.
Puis…
La sentence.
Voix : Extermination immédiate.
Ces mots avaient gravé leur marque dans son esprit, brûlés à jamais dans sa mémoire.
Ses poings tremblèrent de plus belle.
Mais cette fois… Momoi ne laissa pas ces souvenirs la consumer.
Non. Elle inspira profondément, puis expira.
Silencieusement.
Lentement.
Très lentement.
Son corps se détendit, ses épaules se relâchèrent.
Elle cessa de vouloir écouter avec ses oreilles.
Elle cessa de vouloir voir avec ses yeux.
Elle laissa simplement son aura se libérer.
Pas brutalement. Pas comme dans un combat.
Mais en filaments invisibles.
Son Kala glissa hors de son corps comme une brume légère, se répandant autour d’elle, cherchant à ressentir l’espace.
Un battement.
Pas de son. Pas de lumière.
Mais elle sentit une vibration.
Faible, ténue.
Comme un fil tendu au milieu du vide.
Elle ouvrit lentement les yeux, même si elle ne voyait toujours rien.
Son esprit… s’était apaisé.
Momoi : C’est ça…
Elle ne devait pas se battre contre le vide. Elle devait en faire partie.
Être un filament dans le courant.
Momoi : … Akyra,
Elle pensait à lui, à sa silhouette calme, droite, toujours en avant.
À cette promesse qu’elle s’était faite intérieurement.
Momoi : Je ne veux plus être un poids. Je ne veux plus rester derrière.
Un nouveau souffle.
Plus calme, plus profond.
Cette fois… elle se redressa.
Lentement.
Ses mains glissèrent sur ses cuisses, se posant sur ses hanches, avant qu’elle se relève complètement.
Debout.
Stable.
Momoi ferma à nouveau les yeux et concentra tout son être sur cette sensation ténue, cette vibration qu’elle percevait désormais clairement : le fil de son Kala.
Elle fit un premier pas.
Puis un deuxième.
Rien ne changea.
Pas de retour au point de départ.
Pas de boucle.
Juste… l’avancée.
Akyra, de son côté, était immobile, adossé contre un mur invisible. Les bras croisés, ses yeux fermés, il attendait.
Il avait senti l’aura de Momoi se stabiliser, même si elle était encore fluctuante.
Un léger sourire, imperceptible, effleura ses lèvres.
Akyra : Elle a enfin compris,
Il n’avait pas besoin de la guider. Pas cette fois.
C’était à elle de faire ce pas.
Momoi avançait toujours, pas après pas.
La narration insistait : chaque mouvement semblait peser des tonnes, non pas physiquement, mais mentalement.
Comme marcher sur un fil au-dessus du vide.
Elle tendait inconsciemment sa main devant elle, paume ouverte, ressentant des failles, des zones où l’espace semblait vibrer autrement.
À un moment, elle sentit une rupture dans le fil de son aura : un piège.
Elle recula instinctivement, ses muscles se tendant, mais sans céder à la panique.
Momoi : Pas cette fois,
Elle contourna lentement la zone.
Pas de son. Pas de lumière.
Mais la présence du danger était là.
Elle poursuivit sa progression.
Ses pas étaient devenus plus fluides, plus assurés.
Une fois, elle faillit encore toucher un piège — son pied effleurant un endroit plus dense, plus froid — mais elle se reprit juste à temps, revenant en arrière sans hésiter.
Son contrôle s’était affiné.
Chaque boucle qu’elle avait vécue auparavant lui avait appris quelque chose, même si elle ne le réalisait que maintenant.
Enfin, après ce qui sembla durer une éternité, elle sentit une présence.
Forte, stable.
Akyra.
Elle ouvrit lentement les yeux, même si elle ne voyait toujours rien.
Et pourtant…
Devant elle, à quelques mètres, elle sentit la silhouette familière.
Akyra se décolla du mur invisible, marchant à sa rencontre.
Quand ils furent face à face, il la regarda calmement.
Akyra :T'en a mis du temps,
Momoi souffla par le nez, un sourire très léger étirant ses lèvres.
Momoi : Tsk… Comme si t’avais fait mieux du premier coup.
Un silence passa entre eux.
Pas besoin de plus.
Ils comprenaient l’effort que cela avait demandé.
Akyra hocha légèrement la tête, satisfait intérieurement.
Mais il ne le montra pas.
En silence, ils se tournèrent tous deux vers l’avant, prêts à franchir la dernière porte des Couloirs du Vide.
Le véritable ascenseur de la Montagne du Survivant ne faisait que commencer.
Le silence se prolongeait, mais il n’était plus aussi oppressant.
Akyra et Momoi avançaient côte à côte maintenant, leur rythme presque parfaitement synchronisé. Devant eux, le dernier couloir des Couloirs du Vide semblait s’étirer à l’infini, mais ils savaient que ce n’était qu’une illusion supplémentaire.
Momoi posait chaque pas avec assurance. Plus de boucles. Plus d’hésitations.
Sa respiration était calme, et même si la fatigue pesait dans ses muscles, elle ne tremblait plus.
Finalement, après un dernier virage invisible, ils arrivèrent face à une immense porte gravée.
Sa surface noire était recouverte de motifs kalamiques : des lignes argentées et dorées, entrelacées avec une précision absolue.
Akyra s’arrêta devant, posant simplement sa main à plat contre la surface.
Dès que sa paume toucha la matière froide et lisse, une vibration légère parcourut l’air.
Puis, lentement, presque majestueusement, la porte s’ouvrit vers l’intérieur dans un silence absolu.
Un vent léger leur effleura le visage.
De l’autre côté…
Une salle baignée de lumière blanche.
Pas une lumière agressive, non. Une lueur douce, rassurante, presque naturelle.
Et surtout…
Le son.
Ils purent enfin l’entendre à nouveau :
Le léger bruissement de leurs vêtements.
Le souffle du vent qui s’infiltrait par des fissures invisibles.
Le simple fait de pouvoir réentendre leur propre respiration fut presque troublant après tant de temps passé dans l’obscurité absolue.
Momoi s’arrêta un instant, sa main posée sur sa poitrine.
Elle inspira longuement, savourant ce retour des sensations les plus simples.
Puis, au milieu de ce calme…
Une voix résonna soudainement, comme si elle s’adressait à eux depuis un point invisible :
Yoru : Vous avez traversé le premier vrai seuil. La suite ne fera que devenir plus exigeante.
C’était la voix de Yoru.
Claire, calme, distante, mais porteuse d’un certain poids.
Akyra releva légèrement la tête, sans pour autant répondre.
Momoi, elle, baissa les yeux vers ses propres mains.
Elles tremblaient légèrement, non pas de peur, mais de… réalisation.
Elle plia lentement ses doigts, les ouvrant et les fermant à plusieurs reprises, observant la fine couche d’aura qui s’en échappait maintenant de manière stable.
Avant d’entrer dans les Couloirs du Vide, contrôler son Kala relevait encore de l’instinct, du réflexe.
Mais désormais…
Elle sentait que quelque chose avait changé en elle.
C’était devenu plus clair.
Plus précis.
Comme si elle venait de trouver enfin une clé qu’elle cherchait depuis longtemps sans en connaître la forme exacte.
Un très léger sourire se dessina sur ses lèvres, subtil mais bien réel.
Momoi : Je commence à comprendre...,
Akyra jeta un bref regard de côté vers elle, captant l’expression sur son visage.
Il ne dit rien, mais un éclat fugace traversa ses yeux.
Pas de compliments inutiles. Pas de longues explications.
Ils savaient tous les deux que les mots étaient superflus à ce moment précis.
Sans attendre davantage, Akyra s’avança à travers la salle lumineuse.
Ses pas résonnaient légèrement sur le sol lisse et poli, parfaitement circulaire, dépourvu de tout ornement inutile.
Au fond, une nouvelle porte se tenait.
Plus grande, plus massive encore, et cette fois ornée de symboles rouges sombres, signe que l’étape suivante les attendait déjà.
Momoi resta quelques secondes immobile, avant de le rejoindre lentement.
Lorsqu’elle arriva à sa hauteur, Akyra fixait la prochaine porte sans même se retourner.
Il était déjà prêt à continuer, sans pause.
Elle le savait.
Ils ne faisaient que commencer.
Momoi inspira profondément une dernière fois, s’arrêtant juste à côté de lui.
Son regard passa un instant de ses propres mains à l’immensité de la montagne au-dessus d’eux.
Cette sensation de poids sur ses épaules, qui avait toujours été là, semblait… moins lourde, maintenant.
Elle n’était plus simplement une suiveuse.
Elle était en train de devenir autre chose.
Quelqu’un capable de tenir sa place à ses côtés.
Et au moment précis où elle posa de nouveau les yeux sur la grande porte devant eux, la narration intérieure conclut :
Ils n’étaient plus simplement deux voyageurs.
Ils devenaient de véritables grimpeurs de la Montagne du Survivant.
Deux silhouettes, debout, prêtes à affronter la suite.
Le regard tourné non plus vers le passé…
Mais résolument vers l’avenir.
A suivre