Chapitre 16 : Le Feu du Vide

La salle était toujours blanche. Un blanc pur, sans limite ni contour, mais fissurée çà et là par les précédentes décharges de Kala. Au sol, des lignes sombres s’étendaient en réseau, comme des veines brisées sous une peau translucide.

Le Guerrier du Vide Total flottait face à eux, immobile, auréolé cette fois d’un halo visible : des ondulations noires et blanches s’entrelaçaient autour de lui, déformant la lumière en vagues irrégulières.

Chaque pulsation de cette aura semblait altérer l’espace, courbant l’air, fragmentant les reflets au sol.

Momoi se redressa lentement. Ses jambes tremblaient légèrement. Eldrhyssa était toujours fermement serrée dans sa main, la lame noire et rouge vibrant doucement. Sa respiration était saccadée, le souffle court, visage perlé de sueur.

Akyra restait debout, deux mètres devant elle. Une paume levée, ouverte, Kala concentré autour de son bras droit sous forme de pulsations roses régulières, denses et maîtrisées.

Silence total.

Momoi, la voix rauque et hâchée :

Momoi : Aucune attaque ne passe… même toi… »

Akyra ne détourna pas les yeux du Guerrier. Un léger plissement au niveau du front, mais son ton resta plat :

Akyra : Ça confirme une chose…

Rien de plus.

C’est alors qu’Eldrhyssa vibra dans la main de Momoi. Une vibration plus grave, plus profonde, presque organique.

Elle baissa les yeux, écarquillant légèrement les paupières.

La lame s’était transformée :

Rouge sombre, ondulée sur toute sa longueur, les bords plus irréguliers.

Et surtout : autour du noyau rouge, des motifs noirs mouvants apparaissaient lentement, comme des filaments tournoyant dans un flux constant.

L’air autour d’elle se fit plus lourd.

Chaleur contrôlée.

Pas une chaleur destructrice, mais une chaleur installée, comme un feu calme et dense, posé là pour rester.

Momoi sentit son cœur accélérer, mais cette fois sans panique.

Elle pensa simplement :

Momoi : Je peux… Je dois le couper…

Elle avança d’un pas.

Le Guerrier ne bougea pas.

Avec une inspiration profonde, Momoi leva Eldrhyssa et trancha horizontalement.

Un sifflement bref fendit l’air.

La lame toucha l’aura du Guerrier, et cette fois, une distorsion visible se produisit : l’espace sembla se plier à l’impact, comme si Eldrhyssa découpait une toile élastique.

Mais… le masque du Guerrier resta intact.

Momoi serra les dents.

Pas encore assez.

Et c’est à ce moment qu’Akyra esquissa un léger sourire — à peine perceptible.

Il ferma les yeux un instant, et sa voix intérieure résonna :

Akyra : Le Kala n’est pas qu’une énergie brute. Il est la forme de l’intention. »

Un flash traversa son esprit.

Des images rapides : un vieux maître, un mur fissuré, des flammes bleues, puis roses, puis noires.

Akyra : Si l’intention peut se transformer, alors le Kala aussi.

Sans prévenir, il leva la main gauche et claqua des doigts.

Un bruit sec.

Puis, au bout de son ongle, une petite braise rouge orangée apparut.

Simple, banale.

Momoi tourna la tête, surprise :

Momoi : …Blaise ?!

Sa voix était presque choquée.

Dans les registres, même elle savait : Blaise était noté comme le sort de feu le plus faible qui existe. Une simple étincelle, bonne à peine à allumer une bougie.

Mais Akyra ne répondit pas.

Il se contenta d’observer la braise. Ses yeux se plissèrent légèrement.

Narration :Mais pour Akyra, même le plus faible devient absolu.

La braise, entre ses doigts, commença à changer.

En quelques secondes à peine, elle devint une flamme compacte, d’un rouge extrêmement vif.

Le genre de feu qui n’émettait plus seulement de la chaleur… mais qui brûlait l’air lui-même.

Autour d’Akyra, des ondulations de chaleur se formèrent en anneaux.

Le sol sous ses pieds se fissura encore plus profondément, craquelé par une énergie invisible.

Le Guerrier du Vide Total réagit enfin :

Il leva les bras, et un cercle d’annulation se forma autour de lui.

La lumière disparut.

Le son fut effacé.

Sur un rayon de plusieurs mètres, tout était noir et blanc, figé.

Mais la flamme d’Akyra…

… continuait d’exister.

Compacte, ultra concentrée.

Une lueur rouge dans ce vide.

Elle avançait, lentement mais sûrement, traversant l’annulation sans se dissiper.

Narration : Un Kala purifié, adapté à ce monde.

Akyra prononça alors, d’une voix posée :

Akyra : Tu crois pouvoir éteindre ce qui est né du vide ? Mauvais calcul.

Lorsque la flamme atteignit enfin le centre du Guerrier, celui-ci recula pour la première fois depuis le début.

Son corps flottant fut traversé par une onde rouge.

L’aura noire et blanche devint instable.

Des fissures apparurent sur son masque.

Momoi, le cœur battant plus vite, sentit la différence immédiatement :

Le Guerrier venait d’être affaibli.

Pas encore vaincu, mais… il avait enfin montré une faille.

Elle raffermit sa prise sur Eldrhyssa.

Et pendant un bref instant, Akyra tourna légèrement la tête vers elle, un regard calme mais ferme.

Sans rien dire de plus.

La suite allait maintenant dépendre d’elle.

Akyra abaissa doucement sa main, laissant la flamme compacte disparaître d’un simple claquement de doigts.

Il recula d’un pas lent, son regard toujours posé sur le Guerrier du Vide Total, dont le masque était maintenant fendu sur un côté, fissuré mais pas encore brisé.

Sa voix résonna, calme, parfaitement posée :

Akyra : À toi de finir.

Momoi se redressa pleinement.

Ses doigts se resserrèrent sur la garde d’Eldrhyssa.

La lame vibrait, noire et rouge sombre, les motifs mouvants courant sur sa surface comme une marée lente.

Aucun mot cette fois.

Momoi inspira lentement.

Une respiration profonde, contrôlée, où son Kala et son souffle semblaient s’unir en un même flux.

Son regard se fixa sur le masque.

Tout le reste disparut : la salle blanche, Akyra, même sa propre douleur.

Elle fit un pas.

Puis un autre.

Chaque mouvement était précis, sans hésitation.

Et finalement elle s’élança.

Un coup droit.

Simple, sans fioriture.

Eldrhyssa trancha l’air, décrivant une ligne parfaite.

Le masque du Guerrier se fendit en deux.

Pas de résistance. Pas de choc violent.

Juste un murmure silencieux.

Le corps du Guerrier se désagrégea alors lentement.

Des fragments noirs et blancs s’élevèrent dans l’air, comme de la cendre inversée, flottant à contre-gravité avant de disparaître totalement.

Plus aucune trace.

Un léger souffle se fit entendre au-dessus d’eux.

Une projection translucide apparut, flottant à plusieurs mètres de hauteur.

Yoru.

Son ton était posé, presque cérémonial :

Yoru : Félicitations. Vous venez d’achever la Première Phase de l’Ascension. »

Momoi, haletante, leva à peine la tête.

Momoi : Première phase, hein… »

Ses yeux se fermèrent brièvement sous l’effet de la fatigue.

Narration :Fin de la Phase 1. Début d’une évolution vers des combats encore plus élevés.

La salle redevint immobile.

Plus de tension.

Plus de menace.

Seulement un silence calme, presque apaisant.

Akyra et Momoi finirent par s’asseoir, adossés au même mur fissuré.

Momoi posa Eldrhyssa sur ses genoux, la lame désormais stable et silencieuse.

Son souffle se régularisait peu à peu.

Akyra, bras croisés, détourna légèrement le regard vers elle.

Un léger sourire, détendu, sans ironie cette fois :

Akyra : Tu deviens un vrai problème à force de progresser aussi vite.

Momoi répondit d’un demi-sourire discret, baissant un instant les yeux :

Momoi : J’en ai assez de rester à la traîne. »

Ils échangèrent un regard silencieux.

Pas besoin d’en dire plus.

La fatigue, la concentration… tout se relâchait maintenant que cette étape était franchie.

Dans un bruissement quasi imperceptible, une porte massive apparut au fond de la salle.

Aucune charnière, aucune poignée. Juste une paroi lisse, s’illuminant d’une teinte indéfinissable :

Un violet pâle, oscillant entre le tangible et l’irréel.

Narration :L’Ascension ne fait que commencer. Fin de la Phase 1. Début d’une évolution vers des combats encore plus élevés.

Momoi et Akyra restèrent un instant sans bouger, observant cette nouvelle porte.

La prochaine étape les attendait.

Mais pour l’instant, ils se permettaient simplement de respirer.

A suivre