Chapitre 10 : La Traque du Prédateur

Le temps s'écoulait, et avec chaque jour sans nouvelle de Maïa, la frustration d'Alexandre Valois se muait en une rage froide et calculatrice. Il avait initialement savouré sa victoire, la conviction d'avoir brisé Maïa et de l'avoir effacée de sa vie. Mais le silence persistant, l'absence totale de signes de sa part, commença à le ronger. Pour Alexandre, le contrôle était primordial, et cette disparition totale était une insulte à son pouvoir.

Ses sources, ses réseaux, normalement si efficaces, restaient muets. Pas de plainte déposée, pas de scandale public. Maïa avait disparu comme une ombre. C'était inacceptable. Il l'avait calomniée, tenté de la ruiner professionnellement, et pourtant, aucune riposte. Cette absence de réaction, au lieu de le rassurer, l'inquiétait. Une proie blessée devait crier, se débattre. Le silence de Maïa était une énigme, et Alexandre détestait les énigmes.

Quelques semaines après la fuite de Maïa, Alexandre était dans son bureau, les traits tirés par le manque de sommeil et l'obsession grandissante. Son téléphone vibra. C'était Maître Dubois.

« Monsieur Valois, je dois vous informer que mes démarches pour bloquer les tentatives d'emploi de Mademoiselle Hayes n'ont pas abouti comme je l'espérais dans la région. Certains de nos contacts ont effectivement fait jouer leur influence, mais il semble qu'elle n'ait pas cherché à s'établir localement. »

Alexandre se figea. « Qu'est-ce que vous voulez dire, "pas localement" ? Elle est partie ? »

« C'est ma conclusion, Monsieur. Mes sources indiquent qu'elle a rompu tout lien avec ses anciens cercles sociaux et professionnels. Elle n'a laissé aucune trace. C'est… inhabituel pour quelqu'un qui n'a pas les moyens financiers de disparaître sans assistance. »

La frustration monta d'un cran. « Inhabituel ? Elle n'a personne ! Pas de famille proche à part une cousine de province insignifiante ! Elle n'a nulle part où aller ! » Il frappa son poing sur le bureau en acajou. « Retrouvez-la, Dubois ! Je veux savoir où elle est ! Je ne supporte pas cette incertitude ! »

Maître Dubois, imperturbable, répondit : « Monsieur, la localisation d'une personne qui ne souhaite pas être trouvée sans l'aide de la police est complexe. Surtout si elle n'a pas de dette ou de raison légale d'être recherchée. Nous pouvons engager des détectives privés, mais cela prendra du temps et ne garantit aucun résultat. »

« Alors, engagez-les ! Les meilleurs ! Et ne regardez pas à la dépense ! Je veux qu'on la retrouve ! » Alexandre raccrocha, la mâchoire serrée. Maïa était une épine dans son pied, un rappel de son humiliation. Il fallait l'écraser définitivement.

La pression familiale, elle, continuait de peser. Éliane Valois ne cessait de lui rappeler son "devoir". Lors d'un déjeuner mondain, alors qu'Alexandre tentait de discuter d'un accord financier important, sa mère le coupa net.

« Alexandre, mon chéri, j'ai rencontré la fille des Lambert hier. Adorable. Vingt-quatre ans, saine, sportive, très orientée famille. Elle a dit qu'elle admirait beaucoup ton travail. » Son regard glissa vers lui, insistant. « Tu sais, un homme de ta stature, sans héritier… ce n'est pas bon pour les affaires, ni pour l'image. »

Alexandre serra les dents. « Maman, j'ai dit que je m'en occupais. Ce n'est pas le moment. »

« Oh, toujours "pas le moment" ! » Elle haussa les sourcils, d'un air outré. « La première est partie en courant comme une folle, incapable de te donner ce que tu mérites. Ne refais pas la même erreur avec la prochaine. Sois proactif, mon fils. »

Ces remarques le mettaient hors de lui. Maïa était devenue le symbole de son échec, et tant qu'il ne la retrouverait pas, il ne pourrait pas se libérer de cette pression. Il devait retrouver Maïa. Non pas pour la reconquérir, mais pour s'assurer qu'elle ne nuirait plus jamais.

Il commença à douter de son propre récit. Et si Maïa n'était pas la folle hystérique qu'il avait décrite ? Et si elle avait osé parler ? La simple idée qu'elle puisse se relever, qu'elle puisse le menacer, le rendait fou.

Une semaine plus tard, il reçut un appel du détective privé qu'il avait engagé, un ancien flic coriace du nom de Franck Moretti.

« Monsieur Valois, nous avons une piste, » dit Moretti d'une voix grave. « Mademoiselle Hayes n'est plus dans la capitale. Nous avons retracé quelques mouvements bancaires, des retraits. Plutôt modestes. Et un billet de train. Direction… la province. »

« La province ? » Alexandre ricana. « Elle va se cacher dans un village ? Pathétique. »

« Pas un village, Monsieur. Une ville moyenne. À l'opposé de la capitale. Et il semblerait qu'elle n'est pas seule. Elle a été accueillie par une certaine Chloé Dubois, sa cousine. »

Le nom "Dubois" résonna dans l'esprit d'Alexandre. Non, pas de lien avec son avocat. Mais une cousine. Une personne de son passé qu'il avait complètement ignorée. « Et que fait-elle là-bas ? Est-elle en contact avec des avocats ? Prépare-t-elle quelque chose ? »

« Rien de tel pour l'instant. Elle semble se faire discrète. Mais elle a trouvé un emploi. Récemment. Dans une grande entreprise. »

C'était le coup de massue. Un emploi ? Une grande entreprise ? Malgré ses efforts pour la discréditer ? La rage qu'il avait contenue explosa.

« Impensable ! » hurla Alexandre. « J'ai fait en sorte qu'elle ne trouve rien ! Qui l'a aidée ? Est-ce qu'elle a parlé ? Est-ce qu'elle a révélé quoi que ce soit de ce qui s'est passé ? » Il sentait la panique monter, une sueur froide perlant à son front.

Moretti resta calme. « Nous ne savons pas encore. Mais elle a été embauchée. Cela signifie qu'elle a soit réussi à contourner les rumeurs, soit qu'elle a… utilisé une autre tactique. »

« Quelle tactique ? »

« Elle a peut-être joué la victime, Monsieur. Révélé votre… votre nature. » La voix de Moretti était neutre, mais le sous-entendu était clair.

Alexandre sentit son sang se glacer. Le scénario le plus redouté. Si Maïa parlait, si elle révélait la vérité sur sa violence, sur son infidélité, son image impeccable, si durement bâtie, s'effondrerait. Sa carrière, sa réputation, sa fortune… tout était en jeu. La famille Valois ne tolérerait pas un tel scandale.

« Trouvez-moi des informations sur cette entreprise, sur son poste, sur les gens qu'elle fréquente ! » ordonna Alexandre. « Je veux tout savoir. Et je veux… je veux que cette entreprise la mette dehors. Discrètement. » Il réfléchit un instant. « Et trouvez des informations sur cette cousine, Chloé. Qui est-elle ? Que sait-elle ? »

Moretti répondit : « Ce sera plus complexe, Monsieur. Elle est maintenant dans un autre environnement. Les loisirs, les collègues. Nous pourrons l'observer, mais pas intervenir directement sans preuves. »

« Faites-le ! » La voix d'Alexandre était un sifflement. « Je veux que cette femme disparaisse définitivement de ma vie. Et de l'existence. » Il ne parlait pas de la tuer, mais de la réduire à néant, de la rendre insignifiante, invisible.

Pendant les semaines qui suivirent, Alexandre était un homme à vif. Il surveillait les moindres informations, attendait les rapports de Moretti avec une impatience fiévreuse. Chaque appel, chaque e-mail était un mélange d'espoir et de terreur.

Un soir, Éliane Valois vint dîner à l'appartement, apportant avec elle une jeune femme élégante, la fameuse fille des Lambert. Alexandre fit bonne figure, jouant son rôle d'hôte charmant, mais son esprit était ailleurs, obsédé par Maïa.

« Alors, Alexandre, tu as eu des nouvelles de Maïa ? » demanda Éliane, avec une cruauté à peine dissimulée. « J'espère qu'elle ne te dérange plus. »

« Non, Maman. Elle a… disparu. C'est le mieux pour tout le monde. » Il tenta de paraître indifférent, mais un tic nerveux à sa mâchoire trahissait sa tension.

« Très bien. Passons à autre chose alors, » dit-elle, se tournant vers la jeune femme avec un sourire radieux. « Louise, mon fils est un homme si déterminé, si travailleur. Et si protecteur. Il serait un mari merveilleux. »

Alexandre força un sourire. Il jouait un rôle, mais au fond de lui, la traque de Maïa était devenue sa seule priorité. Il ne pouvait pas se permettre de la laisser vivre une vie heureuse et épanouie alors que la sienne était sous la pression constante de sa famille. Il devait la trouver, la contrôler, la réduire au silence. Le jeu était loin d'être terminé. Pour Alexandre, la fuite de Maïa n'était pas une libération, mais le début d'une chasse, une chasse dont il était déterminé à sortir vainqueur, quel qu'en soit le prix.