La naissance de l'élu

POV : Sachiko Gojo

Je cours.

Je cours, encore et encore, sans oser regarder en arrière.

Mes bras enserrent fébrilement mon fils, à peine né, tandis qu’un flot chaud et poisseux s’échappe de mon flanc gauche, meurtri. Le goût métallique du sang me monte à la bouche. Le ciel nocturne, parsemé d’étoiles froides, éclaire faiblement ma fuite désespérée à travers la forêt. Mais ce ne sont pas les étoiles que je sens le plus.

Ce que je ressens, c’est la vie qui m’abandonne, goutte après goutte.

C’est la douleur qui pulse, sauvage, dans mon corps brisé.

C’est le poids de l’inévitable — la mort — qui se rapproche, inexorablement.

Et pourtant… je ne m’arrête pas.

Car dans mes bras repose le dernier fragment de lumière que ce monde portera : mon fils.

Celui qui, je le pressens, bouleversera le destin. Il est né pour briser les chaînes. Il est né pour incarner l’impossible.

Soudain, entre deux arbres, une silhouette attire mon regard. Puis deux, puis trois. Des ninjas. Mais pas ceux qui me traquent.

Non… ceux-ci semblent paisibles, insouciants, comme s’ils rentraient tout juste de mission. Leurs rires résonnent faiblement dans l’air nocturne. Je retiens mon souffle, dissimulée derrière un tronc. Mais un regard se tourne soudain vers moi, perçant l’obscurité.

— Hé, toi ! Qui es-tu ? Décline ton identité ! s’écrie l’un d’eux.

Mes jambes tremblent. Je sors lentement de ma cachette, titubante, le visage blême, la respiration courte. Mon sang continue de s’écouler, mais je m’avance, mue par un dernier sursaut de volonté.

L’un d’eux s’approche. Il semble être leur chef.

Un large sourire éclaire son visage, adouci par des sourcils épais et une expression curieusement bienveillante. Il porte un bandeau de Konoha noué à la taille, et une tenue de jônin verte par-dessus une combinaison moulante.

— Madame, qui êtes-vous ? me demande-t-il avec douceur.

Mais je ne réponds pas. Les mots sont trop lourds à porter, et le temps m’est compté. Alors, d’une main tremblante, je lui tends mon fils, mon trésor, mon héritage.

— S... s’il vous plaît... p-protégez mon fils... soufflé-je entre deux râles.

— Le protéger ? Mais... le protéger de quoi ? réplique-t-il, surpris.

— D-de ceux... qui le cherchent... balbutié-je. Mon regard vacille.

Puis, dans un dernier souffle, je murmure :

— Dites-lui que son nom est...

Ma voix se brise. Mes genoux fléchissent. Je m’effondre.

Le froid m’envahit, lentement, inexorablement, comme une mer noire et silencieuse. Autour de moi, les voix deviennent lointaines. Les ninjas s’agitent, crient, s’approchent... mais il est déjà trop tard.

Dans un ultime souffle, à peine audible, je prononce :

— Dites-lui... que son nom est... Satoru Gojo.

Et c’est ainsi que je quitte ce monde.

Sans fanfare.

Sans justice.

Mais avec l’espoir qu’il vivra, qu’il grandira... et qu’il accomplira ce que personne a accomplir