Je marche, accompagné de mon fantôme, dans cette ville qui est plongée dans les ténèbres. Les rues sont désertes et le calme qui y règne est terrifiant. De temps en temps, je peux voir des scènes que j'ai vécues, des bout de mes souvenirs qui sont joués derrière les vitres des grands bâtiments qui bordent les rues. Je jette un coup d'œil à certaines scènes sans m'arrêter de marcher.
Jules : Où est ce qu'on est exactement ?
Fantôme : Dans une représentation de tes pensées que j'ai moi même créer.
Jules : Donc tout ceci est illusoire.
Fantôme : Oui, vois-le comme un rêve.
Depuis quand est-ce qu'il peut faire ça ?
Fantôme : Depuis toujours, c'est moi qui crée toutes les hallucinations que tu vois mais je dose le plus possible pour ne pas te rendre fou. Les rares fois où j'en fait créer volontairement, c'était pour te réveiller, pour te montrer quelque chose ou te faire réagir. Cependant, je ne les contrôle pas totalement et il se peut qu'elles aient des effets néfastes.
Alors qu'il me parlait, je décide de m'arrêter d'un coup avant de m'approcher d'une des vitrines pour mieux observer ce qu'il s'y passe. Je pouvais me voir approcher mon fantôme avant qu'un autre apparaisse dans mon dos. Son bras se transforme alors en lame et il me plante avec cette dernière. la lame ressort par le ventre de cet ancien moi. La scène devient floue puis disparait, ne laissant qu'une vitre teinté de noir tandis que le fantôme qui m'accompagne s'approche.
Jules : C'était toi pas vrai ?
C'est alors que la scène réapparaît et se rejoue depuis le début.
Fantôme : Oui... C'était juste avant que tu affrontes ton premier parasite. Tu venais tout juste d'arriver dans ce monde et moi je venais tout juste de naître.
Jules : Quoi ?!
Fantôme : Oui, comme tu le sais, je fais partie de toi mais j'ai vu le jour lorsque tu as atterris dans ce monde. Avant ta venue ici, je n'existais pas... Ou du moins je ne pouvais pas agir ou même me rendre compte de ma propre existence, j'étais dans une sorte d'hibernation qui a duré dix-sept ans. Une fois sorti de cette hibernation, j'ai pu "exister" sauf que cette existence est mêlée à tes pensées et tes sentiments. A ce moment-là, tu étais totalement perturbé et tu ne savais pas quoi penser de ta situation et ça m'a affecté. C'est pour cela que je t'ai agressé à ce moment-là, j'étais totalement perturbé et je n'avais pas de contrôle de moi même car tu n'étais pas encore maître de tes émotions.
Jules : Et pourquoi est-ce que tu n'es plus comme ça ?
Fantôme : Réfléchis, ça fait déjà un moment que tu es dans ce nouveau monde, ta peur et tes doutes ont petit à petit disparu et tu comprends mieux ce qui t'entoure. Tu as de plus en plus confiance en toi et ça m'affecte aussi...
Il fait demi-tour et continue le chemin tracé par la rue.
Fantôme : Tu viens ?
Jules : Attends, il y a quelque chose qui me perturbe.
Fantôme : Quoi donc ?
Jules : Tu fais partie de moi, de mes sentiments, de mes pensées, de mes sensations et pourtant... Tu me parais si différent.
Il reste un moment à m'observer sans rien dire.
Fantôme : Vois moi comme un second inconscient. Un inconscient qui peut interagir avec toi... D'ailleurs, c'est bien que tu me vois comme un fantôme de toi-même.
Je me dépêche de la rattraper pour continuer notre chemin ensemble en marchant dans les rues de cette sombre ville.
Jules : Et on cherche quoi exactement ?
Fantôme : On va dans tes souvenirs les plus anciens, à la recherche de quelque chose qui pourrait nous aider.
Il s'arrête et regarde une vitrine donc je fais de même. La vitrine en question me représente dans la chambre de mon ancienne maison, celle de mon ancien monde, au moment où j'allais m'endormir.
Fantôme : C'est là que ça commence... Toutes les scènes qu'on va voir à partir de maintenant appartiennent à ton ancienne vie.
Jules : Celle que j'essaye de récupérer…
Fantôme : Exactement.
On reprend notre marche. Plus on avance, plus les souvenirs sont anciens et moins il y en a.
Fantôme : C'est parce que tu les oublies. Plus le temps passe, plus tes souvenirs s'effacent et deviennent de moins en moins détaillés... Regarde, sur certaines scènes, on n'arrive même plus à discerner les visages.
Je me rapproche d'une vitrine où je peux voir un femme et un homme côte à côte, l'homme tient un jeune garçon par la main tandis que la femme à un bébé dans ses bras mais... Comme il l'a dit, je n'arrive pas à discerner leurs visages...
Jules : C'est... L'oubli ?
C'est pas vrai… C'est alors que les paroles de Geno me reviennent en tête : "je me suis rendu compte que j'avais petit à petit oublié notre maison"
Fantôme : ce qu'il avait dit cette nuit-là, la nuit juste avant l'attaque de la grotte, ça m'avait mis la puce à l'oreille mais je n'étais pas si sûr de ça... Puis il y a eu ces paroles…
La vitre devient toute noire et une nouvelle scène se déroule devant moi, c'est lorsque je discutais avec Faucheur près du ruisseau.
Faucheur : "C'est lorsque j'ai abandonné tout espoir de sortie et que je me suis concentré sur Rose et Avenal que je suis devenu de plus en plus puissant".
Jules : Il les ont tous les deux…
Perdu… Je commence à trembler à l'idée de perdre mes souvenirs. Je ne peux pas oublier ces souvenirs !
Jules : Je dois absolument les garder !
Fantôme : Tu penses vraiment que c'est une nécessité ?
Je me tourne vers lui et son air si sûr de lui.
Jules : Bien sûr ! Il le faut !
Fantôme : Ne pense tu pas qu'il vont finir par devenir un fardeau ?
Jules : Un fardeau ?
Fantôme : A ton avis, pourquoi Faucheur et Geno ont abandonné l'idée de sortir et ainsi, leurs souvenirs de leur ancienne vie ?
Je le fixe attentivement tout en tremblant légèrement. Pourquoi ils l'ont fait ?
Fantôme : On ne sait pas s'il existe vraiment un moyen de sortir de ce monde, même après plusieurs années, aucun moyen de sortir n'a été trouvé. Il n'y a eu que des hypothèses faites par Faucheur et Geno mais aucune preuve. Loin de moi à l'idée de vouloir briser tes rêves, mais je pense qu'il n'y en a pas.
Jules : Toi aussi tu n'as pas de preuve qu'elle n'existe pas…
Fantôme : Certes mais c'est le postulat de base.
Je l'observe droit dans les yeux, me rendant compte qu'en réalité… il a raison… Pour le coup, même si il n'y a rien qui permet de prouver son existence ou non, on est dans une situation qui penche plus dans son sens que dans le mien…
Fantôme : Pour en revenir à la question de base, si tu garde en mémoire des souvenirs plus que bancales sur un passé fantasmé et inatteignable, ne penses-tu pas qu'une douleur va se créer en toi ?
Je reste un moment, la tête baissée, réfléchissant à tout ça.
Fantôme : Je ne te dis pas de tout abandonner, garde certains de ces souvenirs en toi, il ne faut pas oublier ce qui a été fait dans le passé… Mais il faut aussi se tourner vers l'avenir… Remplace certains de ces souvenirs par d'autres qui sont, quant à eux, plus réels et qui te feront moins mal au fil du temps…
Par quoi les remplacer ? Il faut que ces nouveaux souvenirs soient aussi puissants que les anciens.
Fantôme : Tu as une escouade, des amis, des gens autour de toi…
Je relève la tête.
Fantôme : Cependant, si tu veux continuer à créer des souvenirs avec eux, il va falloir que tu les protèges et pour ça, tu vas devoir devenir plus fort… Mais si tu repenses aux moments où tu étais le plus fort, c'était lorsque tu voulais protéger ou aider quelqu'un.
Jules : Donc, les deux vont de pair.
Fantôme : Oui.
Voix distordue : Jules !
Tout autour de moi se décompose petit à petit.
Voix : Jules !
J'ouvre petit à petit les yeux et aperçois deux silhouettes autour de moi dont une qui me secoue.
Trish : Jules, réveille-toi !
Trish me tient les épaules pendant que Bûth me regarde en étant debout, à côté d'elle.
Jules : Qu'est ce qu'il se passe ?
Trish : Ouf, tu t'es enfin réveillé…
Elle se relève.
Trish : C'est aujourd'hui qu'on va sur l'île, tous les trois.
Mince, j'avais oublié ce pourquoi on est sur ce navire.
Jules : Ah oui, désolé...
Elle me fait un petit sourire.
Trish : C'est pas grave.
Bûth : D'ailleurs tu marmonnais dans ton sommeil.
Trish : Oui, tu disais que tu ne voulais pas oublier quelque chose.
Ils m'ont entendu ?!
Jules : Rien, ce n'est rien...
Mieux vaut qu'on bouge d'ici pour ne pas risquer d'aborder le sujet.
Jules : Bon, je vous ai fait attendre assez longtemps...
Je me lève.
Jules : Alors allons-y.
On monte tous les trois sur le pont du bateau, j'attrape une pomme au passage pour le petit déjeuner. Je la croque et je remarque que je ne ressens aucun goût, ça fait déjà un moment que ça dure mais c'est la première fois que j'y prête vraiment attention... Même des choses simples comme le goût vont devenir de lointains souvenirs ? On se rapproche du bord du bateau et on descend un peu en rappel le long de la coque grâce à une corde pour atterrir sur la barque qui nous attend plus bas. On est quatre à bord, moi, Trish, Bûth et Ode qui va nous observer lors de la mission.
Trish : Bon, les gars, vous prenez les deux rames.
On se regarde avec Bûth.
Bûth : Il faut croire qu'on n'a pas le choix…
On commence tous les deux à ramer en direction de l'île qui n'est pas très loin. Pendant tout le trajet, mon attention reste fixée sur Ode qui a avec elle trois documents. Je me demande bien ce qu'il peut y être écrit…
Pendant ce temps, tous les autres chasseurs qui sont restés sur le navire se sont réunis dans la coque du navire, seul Geno manque à l'appel. Ce dernier finit par descendre les escaliers pour rejoindre les autres, fermant la trappe qui se situe juste au-dessus de lui.
Geno : C'est bon, je leur ai dit de ne pas venir nous déranger car on fait quelque chose d'important.
Faucheur : Bien, dans ce cas écoutez moi bien, car je vais avoir besoin de tout le monde...