XXVII

Le soleil est au zénith tandis que Rose et Faucheur se sont mis à l'écart dans le fond de la cale du bateau, parmi les caisses de nourriture et d'outils.

Rose : Tu penses vraiment que son plan peut fonctionner ?

Faucheur : Je ne vois pas d'autres choix… 

Tous les deux s'observent puis Rose soupire.

Rose : Bien… Dans ce cas, qu'est ce que je suis censé faire ?

Faucheur : Il va falloir que tu parles à Trish. J'aimerais en savoir plus sur le capitaine du bateau.

Rose : Tu penses qu'ils se connaissent ?

Faucheur : Je ne sais pas, je les ai simplement vu discuter ensemble lorsqu' Avenal et les autres ont commencé à partir.

Rose : Et pourquoi lui en particulier ?

Faucheur : C'est lui qui gère tout ici et si il y a le moindre débordement, ça sera lui qu'il faudra viser en premier. Ensuite, je veux aussi que tu parles de Jules avec elle, je veux plus d'informations sur son état… 

Rose : Tu penses que ça va s'aggraver ? 

Faucheur : Oui, il n'a pas encore touché le fond mais il est en chemin pour l'atteindre et j'ai peur qu'il atteigne un jour…

Rose : Tu as peur qu'il finisse comme toi. Je t'avais dit de ne pas suivre l'idée de Geno… D'ailleur, j'ai appris pour l'accident qu'il a eu avec son ancienne escouade il y a plus d'un an et je comprends pourquoi il veut confronter Jules. Il ne veut pas qu'il soit, lui aussi, pris de surprise et c'est pour ça qu'il eut l'habitué à cette violence. 

Faucheur : C'est un pari risqué qu'il semble avoir perdu.

Un silence s'installe, rapidement brisé par les pas de Rose sur le plancher.

Rose : Bon, j'y vais.

Elle commence à partir, marchant parmi la cargaison présente dans la cale du bateau.

Faucheur : Attends.

Il s'avance lui pour la rejoindre.

Rose : Qu'est ce qu'il y a ?

Faucheur : Tu n'as pas l'air au meilleur de ta forme depuis quelque temps, pourquoi ?

Rose : J'ai revu Neth récemment et il n'est toujours pas décidé à revenir.

Faucheur : Je vois... Ça fait combien de temps que vous ne vous êtes pas vu ?

Rose : Je ne sais pas, j'ai arrêté de compter les années.

Faucheur : Et Avenal ?

Rose : Il n'est même pas venu. Je pense qu'il ne compte pas le pardonner.

Ils finissent par monter quelques marches en bois donnant sur le pont du navire.

Les heures ont continué à passer et le capitaine nous a offert de quoi manger en piochant dans les réserves du navire. Je décide de me mettre à l'écart pour réfléchir, appuyer contre le bord du pont, j'observe le clapot tapper contre les planches de la coque. Je repense aux paroles qu'il m'a dit, "Les ténèbres se resserrent autour de toi". Il est au plus profond de moi mais je ne le connais pas... Qu'est ce qu'il est au juste ?

Voix dans la tête : Pourtant je te le l'ai déjà dit pas mal de fois... Je suis...

Jules : Je sais... Mais... Pourquoi est-ce que je ne te comprends pas ? Pourquoi je ne comprends pas ton objectif ? Qu'est ce que tu veux au juste ? Depuis quand tu agis sur moi ? Jusqu'où se limitent tes actions ?

Il apparaît à côté de moi, lui aussi appuyé contre le bord puis soupire.

Fantôme : Je suis assez déçu de toi sur ce coup là...

Jules : Comment ça ?

Fantôme : Le fait que tu te poses autant de questions sur moi montre que tu ne te connais pas toi-même. Et c'est ça mon mon but principal... Je t'avais demandé si tu voulais être plus fort pas vrai ?

Jules : Oui, et ce n'est pas la première fois que tu me le rappelles.

Fantôme : Je sais, et tu te souviens pourquoi je disais que tu étais faible ?

Jules : Car je n'arrivais pas à protéger les autres.

Fantôme : Exactement, tu n'arrives pas à protéger les gens que tu aimes car tu es faible et je crois savoir ce qui te bloque… 

Jules : Quoi ?!

Il disparaît.

Jules : Attends, qu'est-ce qu'il me...

Voix d'homme : Eh bien, tu parles tout seul maintenant ?

Je me tourne et vois Faucheur qui arrive vers moi. Bizarrement je ne l'ai pas vu de la journée, ni lui ni Rose.

Jules : Non c'est juste que… Euh… 

Non, mieux vaut ne pas lui dire ce qu'il vient de se passer.

Jules : Oui, en fait je parlais tout seul... Dis, où est ce que tu étais passé, je t'ai pas vu de toute la journée.

Faucheur : J'étais avec Rose, je devais parler de quelque chose avec elle en privé.

Jules : Ah, je vois…

"Je t'avais demandé si tu voulais être plus fort", "Tu n'arrives pas à protéger les gens que tu aimes car tu es faible et je crois savoir ce qui te bloque", les paroles de mon autre moi résonnent dans ma tête. Je tourne mon regard vers Faucheur et c'est alors que me vient le déclic. C'est à lui que je dois poser la question ! Il est fort et arrive à protéger les gens qu'il aime !

Jules : Dit, tu sais comment devenir plus fort ?

Faucheur : Hum… C'est une bonne question... Je ne sais pas exactement, mais je pense que le fait d'oublier notre ancien monde joue une part importante. C'est lorsque j'ai abandonné tout espoir de sortie et que je me suis concentré sur Rose et Avenal que je suis devenu de plus en plus puissant.

Oublier ma maison ? Est ce que c'est vraiment ce que je dois faire ? Est ce que je dois vraiment me résigner ? C'est alors qu'un membre de l'équipage vient vers nous pour nous annoncer que les autres ont fini leur mission. On se dirige donc de l'autre côté du navire et on observe la barque approcher. Avenal semble être blessé au bras donc c'est lui qui monte sur la bateau en premier pour recevoir des soins au plus vite. Faucheur va directement le voir pendant que Geno, Nounou et Ode montent sur le navire à leur tour.

Jules : Alors, comment ça s'est passé ?

Geno : On a seulement croisé quelques parasites ce qui m'étonne, on nous avait prévenu qu'il y en aurait beaucoup plus.

Nounou : Heureusement, je ne me voyais pas combattre plus de parasites tout en gardant les yeux sur une personne sans défense et puis, ils sont bien plus dangereux et plus enragés que ceux qu'on a rencontrés jusqu'à présent… Bon courage pour demain, vous allez en avoir besoin.

Ils partent tous les deux se reposer. Le reste de la journée se passe normalement même si l'ambiance reste un peu plus tendue que la normale. La nuit tombe et je décide donc d'aller me coucher, je m'allonge dans la cale et j'observe longuement la bourse en cuir de plantes que j'ai posée sur une caisse en face de moi. "les prendre ne te soulagera pas totalement, mais ça peut t'aider". Non… Pas cette fois-ci… je décide de m'endormir sans en prendre.

Les ténèbres m'ont attrapé. Je me réveille au milieu d'une rue, dans une ville avec des bâtiments modernes, une sorte de ville de mon ancien monde. Je regarde tout autour de moi, bouche bée. Même s'il n'y a personne et que tout les bâtiments et objets on une teinte noir très sombre, C'est bien le monde moderne. 

Jules : P... Pourquoi ?

Comment est-ce que ça se fait que je sois ici ?

Voix : Rien ne te choque ?

Surpris, je me retourne et je vois mon fantôme.

Fantôme : La ville est vide et plongée dans les ténèbres et ça ne choque pas ?

Je regarde attentivement autour de moi et il dit vrai, tout semble mort, même les choses inanimées.

Fantôme : Je ne pensais pas que revoir un tel lieu allait te mettre dans cet état mais sache qu'on n'est pas encore revenu chez nous, ce n'est qu'une illusion que j'ai moi même créé.

Jules : Pourquoi... Pourquoi tu fais ça ?

Il se met à marcher dans une direction sans me répondre.

Fantôme : Suis-moi... J'ai quelque chose à te montrer...