XLII

Je me relève avec l'aide de Bûth et je remarque qu'il est lui aussi très blessé. Du sang coule sur son front et une longue plaie se prolonge sur sa jambe gauche.

Bûth : Ne t'inquiète pas pour ça, je vais bien, par contre ton bras a bien souffert.

Je l'observe attentivement et je vois plusieurs morsures au niveau de mon avant bras gauche qui est totalement ensanglanté. Pourquoi je ne ressens aucune douleur ? Je me souviens de la scène où l'une des têtes du parasite m'a mordu et des pics de métal qui sont sortis de mon bras. Un mécanisme d'autodéfense et maintenant une insensibilité à la douleur ? Qu'est ce qu'il se passe exactement dans mon corps ? Est-ce à cause du mana instable que je n'ai pas arrêté ? Je sens aussi un liquide chaud qui vient de mes yeux et qui coule sur ma joue droite, une larme ? Je l'essuie avec mon doigt.

Voix dans ma tête : Rassure toi, tu ne pleures pas…

C'est du sang ? 

Bûth : Jules, qu'est ce que tu fais ?!

Bûth, une lance à la main, m'observe. Il s'est avancé vers le parasite mais s'est arrêté pour voir si je vais bien.

Bûth : le parasite est en train de s'enfuir !

Je vois la bête qui s'enfuit au loin parmi les arbres tout en déracinant certains d'entre eux à cause de sa taille. C'est alors que je sens une larme qui coule une nouvelle fois sur ma joue. Je l'essuie et je regarde mes mains... Il n'y a que du sang... J'ai du sang partout sur les mains...

Bûth : Aller ! On va finir par le perdre de vue !

Un goutte d'eau tombe sur une des mains que j'observais, puis s'en suit d'une autre et encore une... Il pleut... J'attrape ma paupière droite encore une fois et je la tire un peu, de manière involontaire et incontrôlée, comme si c'était un tic et j'observe Bûth. Je me calme pour contrôler un peu plus mon mana pour qu'il ne soit pas plus instable puis, d'un coup, je sens la fatigue qui me prend. Le parasite quant à lui s'est enfuis plus loin dans la forêt… 

Jules : J'ai réussi à les protéger… 

On a réussi à survivre... J'ai nettoyé cette faiblesse...

Jules : Bûth, rentrons.

Il me regarde l'air surpris, serre la lance qu'il a entre les mains, puis c'est la colère qui s'exprime sur son visage alors qu'il s'approche de moi.

Bûth : T'es sérieux ?! On peut l'avoir maintenant !

Jules : Je sais, mais… 

Bûth : Mais quoi ?! T'as été le premier à vouloir l'affronter de face pour l'abattre et maintenant tu te baisse les bras ?!

Jules : Je voulais l'affronter de face car c'était le seul moyen de survivre. À aucun moment je voulais le tuer… Je voulais juste qu'il nous lâche ou qu'il s'éloigne de nous et on a réussi.

Il ne dit rien et me regarde droit dans les yeux avant de relâcher la tension qu'il a en lui.

Bûth : Je vois...

Il passe à côté de moi et on se retrouve dos à dos.

Jules : Attends, pourquoi tu voulais aller le finir ?

Bûth : Laissez un ennemi s'enfuir n'est pas glorieux... Il faut abréger ses souffrances pour ne pas qu'il souffre... Le laisser vivre avec de telles douleur c'est comme de la torture et quelqu'un qui pratique se genre de chose n'a aucun honneur.

Je me retourne et l'observe alors qu'il continue à me tourner le dos.

Jules : Tu es prêt à abréger les souffrances de ce genre d'être vivant ?

Il ne me répond pas directement.

Bûth : N'oublis pas que je ne suis pas un humain, je suis aussi proche des parasites que des humains... Mais... J'ai plus d'avantages à coopérer avec vous qu'avec eux et je ne pense pas que ce soit le cas pour tous les orcs.

Il tourne légèrement sa tête et m'observe du coin de l'œil.

Bûth : Aller, allons voir Trish et Ode...

On se met à marcher sans dire un mot. Malgré toutes les atrocités que font les parasites, il les traite avec honneur et veut éviter de les faire souffrir. "quelqu'un qui fait de la torture n'a aucun honneur", pourtant l'honneur est un sentiment humain... Ou alors... J'ai perdu mon humanité ? Ou est-ce que c'est ma manière de voir les parasites ?

On arrive rapidement auprès d'Ode et Trish. Cette dernière est à terre et adossée à un arbre, sacrément amoché par les combats.

Jules : Ça va ?

Trish : Pas vraiment, regarde.

Elle me présente la main avec laquelle elle a envoyé le disque d'air. La peau semble brûlée et elle a aussi des blessures un partout sur le corps.

Ode : C'est pas beau à voir...

On se met à la relever et on l'aide à marcher. Même si elle a été projetée très violemment lors de son attaque, elle s'en sort juste avec une douleur au dos et ces blessures.

Bûth : Tu t'en sort bien.

Trish : Heureusement...

Jules : D'ailleurs, c'était quoi cette attaque, elle était super violente.

Alors qu'elle marche, elle se met à tomber mais on je la rattrape juste à temps.

Trish : Je voulais tenter quelque chose de nouveau et ça m'est venu naturellement. C'est la première fois que je fais un truc pareil et je ne pensais pas que ça serait aussi violent... Tu peux me lâcher d'ailleur, je vais réussir à marcher toute seule...

Je la laisse faire mais je reste près d'elle au cas où elle tombe une nouvelle fois.

Jules : C'était vraiment risqué tu as fait quand même...

Elle se met à sourire.

Trish : Je te rappelle que c'est grâce à ça que t'es en vie.

Je lui souris en retour puis je ressens une vive douleur au bras gauche, là où le parasite m'a profondément mordu.

Jules : Putain...

Trish : Et t'es pas le mieux placé pour me faire la remarque, regarde ton état.

Je ne peux pas m'empêcher de lâcher un petit sourire à cause de l'ironie de la situation.

Trish : Comme tu l'as dit avant : on est tous dans la même situation, on doit s'entraider, donc c'est normal que je t'aide.

Elle semble fière de son acte et c'est bien normal. Pendant que je parlais avec elle, Bûth et Ode ont pris de l'avance sur nous et marchent à quelques mètres devant nous.

Trish : Je ne sais pas si c'est la pluie qui fait que le sang à couler comme ça sur ton visage mais en dirait que tu pleures du sang.

Jules : Je sais.

Pleurer du sang ? Et puis ça le fait juste pour mon œil droit... La seule fois où j'ai touché cet œil c'était lorsque que j'ai tiré sur ma paupière. J'ai surement dû ouvrir la peau…

Trish : A quoi tu penses ?

Jules : J'ai l'impression que c'est le fait que mon mana devient instable qui fait ça...

Trish : C'est parce que tu n'as pas réussi à te contrôler ?

Jules : Non, j'ai réussi à me contrôler pendant tout mais j'ai l'impression que c'est lié.

Trish : Sur ce coup là, je peux pas t'aider...

C'est vrai, je dois trouver la réponse moi même, au fond de moi… C'est alors qu'elle attrape mon bras gauche et l'observe.

Trish : Il te l'a bien amoché, tu risques d'avoir des séquelles si on ne te soigne pas...

Jules : Je sais, tu devrais t'occuper de ta main toi, elle n'est pas en meilleur état...

Sa main est tellement brûlée qu'on peut presque voir la chair. Elle soupire alors tout en lâchant mon bras.

Trish : On va finir avec de sacrées cicatrices, heureusement qu'on peut encore utiliser ces parties de nos corps...

Jules : Oui.

Le mien commence à être de plus en plus marqué à cause des blessures et ça continue encore et encore.

Trish : Ca nous fera des souvenirs lorsqu'on arrêtera les combats et qu'on prendra notre retraite... Si on perd pas la vie d'ici là.

Bûth : Hey ! On arrive sur la plage !

On se regarde tous les deux avec Trish puis on se met à avancer plus vite pour rattraper les deux autres qui nous avaient devancés. On finit par sortir de la forêt pour arriver sur la plage où on avait débarqué. Un peu plus loin, Bûth et Ode poussent la barque sur le sable pour qu'elle aille dans l'eau.

Jules : On était si prêt que ça ?

Trish : On avait sûrement dû se perdre lorsqu'on cherchait un parasite.

Jules : Sûrement...

Pourtant, on a fait qu'avancer en ligne droite pendant un long moment... C'est bizarre que l'on soit sorti si vite de cette forêt... Et ce parasite... Il se passe des choses bizarres ici. Mais bon, on s'en est plutôt bien sorti et c'est ce qu'il y a de plus important.