LVI

Debout devant une piètre tombe parmi tant d'autres, un bouquet de fleurs dans les bras, elle reste le regard vide, fixant la croix en bois qui se tient devant elle. Le reste de son escouade l'observe en retrait.

Nounou : Ca fait deux mois maintenant... 

Geno, qui était adossé à un arbre fleurit, détache son regard de la chasseuse pour observer le soleil qui plane au-dessus d'eux.

Geno : Elle s'en remettra… J'en suis sûr.

Il soupire avant de se retirer seul et en silence. Bûth et Nounou l'observent partir au loin. 

Nounou : Il se comporte bizarrement depuis la mort de Jules.

Bûth : Ce n'est pas la mort de Jules qui le met dans cet état. C'est une trahison qui l'a transformé.

Nounou : Une trahison ?

Bûth : Oui, quelque chose de profond. Je sais ce qu'il ressent, il est perdu dans ses pensées et il ne sait pas quoi penser de la situation.

Nounou : Comment tu le sais ?

Bûth ferme alors le seul oeil qui lui reste, le droit, celui qui a survécu aux assauts incessants de Johanna lorsqu'ils ont tous les deux combattu. Il lève la tête et le rouvre lentement, arborant un petit sourire apaisé.

Bûth : J'ai été dans le même état que lui avant et je le suis toujours un peu même si je me perds moins. Mais, je ne sais ce qui a causé cette trahison chez lui, au plus profond de son cœur.

Nounou : Tu penses que ça a un rapport avec l'état dans lequel on l'a retrouvé ?

Bûth : Peut-être…

Tous les deux restent alors dans un profond silence alors qu'un coup de vent vient prendre une partie des fleurs présent sur l'arbre, les emmenant avec lui et attirant ainsi l'attention des deux chasseurs.

Nounou : Et toi, pourquoi tu t'es senti trahi ?

Bûth : C'est à cause de mon frère.

Cette sensation d'apaisement disparaît petit à petit de son visage et il se met à serrer les poings.

Bûth : J'ai l'impression que ce n'est pas lui... Que c'est une autre personne qui essaye de se faire passer pour lui…

Il se relâche légèrement.

Bûth : En vérité, j'arrive toujours pas à croire que ce soit lui… Mon grand frère.

Nounou : Et qu'est ce qu'il est devenu d'ailleurs ?

Bûth : Je n'en ai aucune idée, je pense qu'il continue ce qu'il a toujours fait... "Venger" notre race.

Nounou : Tu lui en veux encore.

Bûth : D'un côté je le comprends mais… C'est un combat qui ne mène nul part. Ni lui, ni les humains ne veulent s'écouter alors il s'entre-tuent… D'ailleurs, je pense que ce qu'il s'est passé à Tynau à changer mon avis sur la question.

Nounou se tourne alors vers Trish puis Bûth fait de même.

Nounou : On a tous changé.

Bûth : Oui... Et ton père dans tout ça ?

Nounou : Il va bien, malgré son handicap, il a réussi à fuir la ville quand l'attaque à commencé. Malheureusement, son état empire de jour en jour à cause de sa maladie et…

Voix au loin : Eh oh !

Leurs deux regards se posent alors une orcque de leur âge qui leur fait signe de la main. Bûth lui répond, avec le sourire, par un signe de la main.

Bûth : J'arrive !

Nounou : Elle a l'air de bien se porter depuis l'attaque de la ville.

Bûth : Oui... Bon, je te laisse, on se revoit plus tard.

Nounou : Ouais salut.

Bûth rejoint alors l'orcque et laisse seul la peluche qui observe à nouveau Trish.

Nounou : Oui… On a tous changé...

Il observe ensuite sa main, sa peau faite de tissus.

Nounou : Toi aussi, toi qui est en moi, tu changes... Pas vrai Pierre ? Tu veilles encore sur moi.

Il relève la tête et se dirige vers sa camarade qui est encore debout, immobile. Une fois proche d'elle, il approche sa main près de son épaule mais celle-ci est violemment repoussée par un coup de vent. D'abord surpris, la peluche finit par comprendre sa réaction.

Nounou : Je vois, tu veux encore rester.

Trish : Oui…

Il observe la tombe où est écrit "Jules Grondin".

Trish : Il n'est pas mort.

Nounou : Comment tu le sais ?

Elle ne répond pas.

Nounou : Tu comptes toujours devenir ce dieu pour protéger ceux qui te sont chers ?

Elle ne répond pas.

Nounou : Je vois... Bon, je retourne à la guilde, ne tarde pas trop.

Il se met à faire quelques pas .

Trish : Les ténèbres.

Puis il s'arrête immédiatement et la regarde.

Trish : Les ténèbres continuent à se resserrer autours de notre escouade tel un étau, c'est pour ça qu'il est en vie. 

Nounou : Les ténèbres ?

Il observe alors l'arbre fleuri sur lequel était adossé Geno quelque temps avant, celui-ci est baigné de lumières. Un petit sourire se lit sur ses lèvres.

Nounou : Ouais... C'est vrai.

Emoni : Il va finir par te ressembler.

Assis sur un rocher, au bord d'un lac, appréciant le calme ambiant, Emoni jette une pierre qui vient briser le calme de l'eau, sous les yeux de Hitch.

Hitch : De nature oui, de volonté non.

Emoni : Tu en es sûr ? Après ce que Heceol lui a fait subir, tu ne crois pas qu'il va lui aussi chercher quelque chose qu'il a perdu ? Quelque chose qui lui manque.

Il se met à l'observer du coin de l'oeil alors qu'elle jette à nouveau une pierre dans l'eau le tout avec un grand sourire, remplit de joie.

Emoni : Quelque chose d'immatériel comme un sentiment.

La pierre finit par tomber dans l'eau laissant s'échapper un petit bruit. Après un moment à observer les ondulations de l'eau, Emoni se rend compte que son compère l'observait, l'air pensif.

Emoni : Ça va ?

Hitch : C'est lui qui te met dans cet état ?

Emoni : Oui, il m'a ouvert les yeux sur quelque chose.

Hitch : Quoi donc ?

Emoni : Mes origines... Quand je l'ai vu se faire torturer, j'ai eu le sentiment de me voir lorsque j'étais humaine. Faible et seule, à la recherche d'une raison de vivre et je crois l'avoir trouver. Cette admiration que j'avais depuis toute petite pour les humains à amener cette désillusion... Ce dégoût que j'ai eu en voyant les péchés qu'ils sont capables de créer, oui, je les hais en réalité... Mon admiration s'est transformée en dégoût et je le sais maintenant. Je comprend pourquoi j'ai pris du plaisir à en tuer lorsque j'en ai affronté dans cette grotte...

Hitch détache son regard qui vient se poser sur le lac.

Emoni : J'aime les voir souffrir , j'aime cette innocence qu'ils ont et qu'il maintiennent entre eux jusqu'à ce qu'ils se rendent compte de leurs faiblesses. J'admire la capacité qu'ils ont de passer de la joie au désespoir, de l'innocence à l'horreur... C'est pour ça que je suis une Symviosi, c'est parce que j'admire le dégoût qu'ils inspirent.

Voix : Eh bien...

Tous les deux se tournent et observent cette personne qui leur est bien familier, Un homme d'âge mature, ayant perdu tout cheveux, se tenant juste derrière eux et observant l'eau grâce à la seule paupière qu'il peu ouvrir, laissant apparaitre un œil blanc.

Emoni : Tu nous écoutes depuis le début ?

Azorius : Non, seulement depuis ton discours.

Emoni : Ah.

Hitch et Emoni se retournent et observent à nouveau le lac.

Hitch : C'est vrai ce qu'on dit sur toi ?

Azorius : Qu'est ce que les autres parasites disent de moi ?

Hitch : C'est vrai que tu as ramené à la vie un orc après l'avoir tué lors de l'affrontement dans la grotte de Werd ?

Il reste un moment sans réponse, observant les doigts manquant de sa main gauche.

Azorius : Oui, je l'ai sauvé parce que j'avais une dette envers un ami de longue date... Un orc que j'ai connu lors de mon ancienne vie... C'est la seule personne que j'admire et cet orc était son petit frère.

Hitch : Que tu admire ?

Azorius : Oui, je l'ai connu lorsque j'étais encore humain, on a combattu ensemble dans l'armée et on a fini par devenir amis au fil du temps. Mais un jour, il s'est fait renvoyer, son secret à fini par être révélé... Pendant son temps libre, il s'amusait à venger les orcs qui se sont fait tuer par des humains. Il était rentré dans l'armé pour apprendre le maniement des armes et mieux préparer ses vengeances. Déjà, à l'époque, je comprenais ses actions et je les comprends encore aujourd'hui... J'ai demandé à Heceol de ne pas le tuer et de ne pas le gêner et il a tout de suite compris pourquoi.

Hitch : Parce que lui aussi ne porte pas les humains dans son cœur...

Azorius : Pas entièrement.

Emoni : Dis, comment tu es devenu un parasite ?

Azorius : Pourquoi une telle question ?

Emoni : C'est parce que tu es l'un des seuls à encore avoir des souvenirs de ton ancienne vie.

Azorius : Eh… C'était quand je me suis fait renvoyer de l'armé, à cause de mon mana. En plein milieu d'un champ de bataille alors que j'étais à terre, à la mercie d'un de mes ennemis… C'est à ce moment-là que j'ai pris conscience de mon mana et que je l'ai utilisé pour tuer mon ennemi...

Il serre les poings.

Azorius : J'ai été renvoyé à cause de mon mana et comme tous les autres qui en ont, j'ai été rejeté. Ils avaient peur de moi… Peur de ce qui était en moi... J'ai ensuite rejoint la guilde mais on me traitait comme une merde. Les combats se sont enchaînés et les traumatismes aussi… Et c'est ainsi que Heceol m'a récupéré, lorsque j'étais au plus bas… Il n'a pas pris en compte le fait que j'ai tué certains d'entre nous… Il m'a juste accueilli à bras ouvert en me disant que l'erreur est humaine et qu'il faut l'éradiquer pour ne plus qu'elle se reproduise… Cette erreur… Et ce pour une meilleure vie…

Emoni : C'est donc ça…

Azorius : Tout les chasseurs sont traiter comme de la merde et je ne comprend pas pourquoi ils continuent a se battre pour les humain...

Hitch : Ils ont peur de ce que peuvent faire les humains, donc ils se soumettent.

Azorius : Se soumettre… Dans ce cas, qu'ils meurent avec eux… Qu'ils meurent de leur erreur.