"Splash"
Le bruit d’une éclaboussure claque, alors que ma main plonge, troublant le calme plat de la jungle, déchirant le silence de la clairière durant un bref instant. L’eau, d’une couleur noir sombre, marque des nombreuses matières organiques la composant, se trouble un instant avant de se stabiliser, reprenant son cours habituel.
Dans ma main, ma proie se débat furieusement, bougeant sa queue dans tous les sens, se tortillant avec une vigueur désespérée. Les écailles du poisson luisant sous les rayons filtrés du soleil qui transparaissent à travers les branches, miroitant des reflets argentés qui dansent sur ma peau mouillée.
Il se tortille et bouge avec toutes ses force, claquant contre mon bras, sa queue battant l’air dans un dernier espoir de liberté.
Mais c'est déjà trop tard pour toi.
Je le tire complètement hors de l’eau sans trop d'efforts, les gouttelettes ruisselant de ses flancs pour retomber mollement dans le courant derrière moi.
Un second bruit retenti alors, brisant de nouveau le calme de la jungle.
Le bruit de cassement résonne dans la clairière alors que la tête du poisson se brise sur l'arbre que j'ai choisi, terminant la vie de l'animal dans un craquement sonore alors que son sang et ce qui peut s'apparenter à un cerveau ruissèle maintenant sur le tronc.
Mon ventre gargouille, la vue du petit animal me donnant particulièrement faim, boyaux et sang ou pas.
Soudain, je ressens dans mon échine un léger frisson.
Je jette un coup d'oeil sur le côté, alors que à mes pieds, l'eau se déplace, comme lorsque l'on jette un caillou dans un étang. Tandis que des bulles remontent à la surface, explosant gentiment une fois au contact de l'air. s'évaporant dans l'atmosphère.
L'eau continue de bouger lentement, comme si une force invisible glissait sur elle-même, un phénomène presque impossible à remarquer, encore moins à comprendre, si on n'est pas originaire de la région.
Sans avertissement... le bord de la rivière, proche de moi, se tord, puis se relâche dans une explosion d'eau et d'éclaboussures.
Dans un bruit d'une rapidité extraordinaire, ainsi que mouillé et brutal. L’eau jaillit comme frappée par une mine invisible. Alors qu'une masse, sombre et indistincte, bondit hors du fleuve.
Je fais un pas ennuyé sur le côté. Agacé alors que je vois des dents claquer, se refermant à l'endroit où j'étais quelques secondes plus tôt dans un claquement terrifiant, un bruit sec et dur, comme deux lames frappées l’une contre l’autre, manquant leur cible.
Je recule, alors que l’objet s’écrase là où j’étais juste avant. Un éclair de peau rêche, une gueule de crocs fendue en une forme grotesque, retombant lourdement sur le sol. Un bruit de chute retentissant dans la forêt alors que des germes de sables sont envoyés un peu partout autour.
La gueule se referme une fois de plus, un CLAC assourdissant alors que les dents blanches tentent encore de se refermer sur moi, sans succès.
Je laisse échapper un petit soupir, alors que je donne un coup à la forme brune/verte avec mon wakizashi encore dans son fourreau, à la fois ennuyé et amusé par ses incessantes tentatives de ce caiman pour me croquer.
"Bien tenté mon croco, mais je suis du coin, tu es loin d'être mon premier" Je lui dis d'un ton amusé alors que j'évite une énième paire de dents, sautant pour esquiver une série d'attaque du gros lézard avant de lui donner un coup de pied ennuyé dans le museau, suivi d'un autre dans son ventre, l'envoyant se coucher à quelques mètres.
J'aime beaucoup ces bestioles. On pourrait même dire que j'admire ces prédateurs que sont les caïmans, dans un certain sens.
Après tout, ce sont des survivants d’un autre temps. Dans leurs yeux immobiles et scrutateurs, dans le doré de leurs pupilles, brille encore l'éclat d'un autre temps, des ères anciennes. Ceux-ci et leurs frères faisant partie des espèces ayant le moins évolué dans toute l'histoire animalière.
Ils vivaient et déjà à l'époque où leurs cousins les dinosaures dominaient le monde.
Et ils possèdent toujours cette même majesté silencieuse, cette assurance tranquille d’un prédateur qui n’a jamais eu besoin de changer, tant il est efficace et redoutable.
Quel privilège, d'être si puissant qu'il t'est permis de ne jamais avoir à évoluer, quel que soit les périodes.
Et ce sont de vrais prédateurs. Silencieux et discrets. Chaque mouvement est mesuré, chaque geste est précis. Ils ne se précipitent pas, ils attendent, dans un silence tranquille, que leur proie s'approche. Et ils frappent.
Exactement le style de shinobi que je tente d'être, avec moyennement de succès.
Dans les rivières, les marécages, les lacs, le caïman règne non pas par la force seule, mais par l’intelligence du silence. Il sait quand se cacher, quand observer, et quand bondir avec une brutalité foudroyante. Il est l’incarnation de la patience prédatrice.
On pourrait croire qu’il est brutal, mais ce serait oublier son élégance dans l’eau, la grâce de sa nage, le calme presque méditatif de sa présence. C’est un animal qui ne se presse jamais. Et qui n’échoue que rarement.
Admirer un caïman, c’est contempler la nature, dans son état le plus brut, intact, cruel. C’est comprendre qu’il existe une forme de puissance silencieuse, ancienne, et indifférente à notre monde moderne. Une ombre tapie sous la surface, qui peut se cacher sous chaque petit étang. Le gardien oublié des rivières. Et il mérite, à chaque instant, notre respect.
Bien que, pour l'instant, c'est surtout un gros emmerdeur.
Moi qui étais venu ici pour consommer un simple petit poisson, histoire d'adopter une nouvelle forme en intégrant un poisson, histoire de pouvoir respirer sous l'eau (sans avoir à devoir porter des branchies, de préférence) me voilà en train de devoir jouer avec un lézard. Un lézard trop idiot pour comprendre qu'il est surclassé dans tous les domaines et qu'il lui faudra attendre encore quelques siècles pour simplement espérer me croquer.
"Allez ouste !" Je fais d'un geste de la main à la créature en train de se remettre sur pied.
La bête ne semble pas comprendre le message, se relevant rapidement avant de foncer vers moi, ne s'arrêtant même pas lorsque la lame de mon wakizashi transperce sa boite crânienne, continuant sur sa lancée, laissant des trainées de sang sur le sol alors qu'il continue pour quelques mètres de plus avant de tomber lourdement sur le sol, sans vie.
Ne perdant pas de temps, je m'apporche et tire sans ménagement l'épée de l'animal pour ensuite la secouer, envoyant quelques morceaux de chair et de sang sur le sol avant de nettoyer la lame.
Quelle galère, moi qui voulais juste un simple animal pour pouvoir nager et respirer sous l'e...
Je change d'avis en posant mes yeux sur la carcasse devant moi avant de passer au petit poisson encore dans ma main, commençant à hésiter.
Si je me souviens bien de mes longues heures passées sur internet dans ma précédente vie, et si celles-ci sont vraies, les caimans, bien qu'ils ne respirent techniquement pas sous l'eau, peuvent retenir sans problème leur respiration, particulièrement dans les courants marins, une quinzaine de minutes pour les plus petits et faibles spécimens, et jusqu'à deux heures complètes pour les plus gros, amplement suffisant pour ce que je veux. Mon objectif n'est pas de passer ma vie dans les courants marins.
Je choisi rapidement avant de jeter la carcasse du poisson dans la rivière, entendant de suite quelques petits bruits de mouvements sous la surface, quelqu'un semblant très heureux du cadeau lui ayant été offert.
J'aurais l'occasion de croiser d'autres poissons de toute manière. Alors que d'un autre côté, chasser le caiman, c'est un peu plus long à faire.
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"Tu es en retard."
Le chunin dit d'une voix fatiguée tout en jetant un petit tas de ryo sur son bureau, que je ne perds pas de temps à récupérer.
Il ne prend même aps le temps de vérifier mon rapport, avec la paix qui est maintenant revenue, la plupart des patrouilles son purement une formalité, spécialement aux alentours du village, aussi profondément en territoire du pays de la cascade.
"J'ai eu un empêchement."
Je réponds d'une voix désintéressée, mes yeux fixés sur les billets que je compte rapidement, ignorant durant quelques secondes le chunin qui hausse les sourcils à ce commentaire.
5 000 ryō, comme prévu. Je pense avant de regarder le chunin responsable des missions et de répondre à sa question silencieuse.
"Jinka "
Je dis simplement, l'homme devant moi acquiesçant alors, passant à autre chose. Jinka étant un terme typique de Taki, utilisé pour désigner la flore de la région, les animaux de la jungle, agressifs, venimeux ou rusés, souvent tout à la fois. Les gens disparaissant facilement dans la région.
Le type hoche la tête sans rien dire. Jinka est une excuse suffisante pour laisser couler, spécialement en cette période, les gens, genin comme chunin et jonin, sont bien trop occupés à profiter de la nouvelle paix pour faire des histoires à cause d'un petit retard.
De toute manière, ces rondes quotidiennes ne sont que des formalités, personne ne viendrait cause du grabuge, surtout si proche du village, un mois après la fin des hostilités. C'est surtout des missions promulguées pour la forme, et pour faire en sorte de garder un peu de travail pour les shinobis de rang inférieur.
Bref, rien qui ne vaut de perdre son temps.
Le chunin se contente alors de tamponner d'un air las un sceau rouge sur un formulaire déjà plié en deux, qu’il jette ensuit sans ménagement sur le côté, le papier atterrissant dans un bac, rajoutant une énième couche sur l’une des innombrables piles qui s’empilent, petites montagnes de paperasse morte.
Les joies de l'administration.
C'est un métier à peu de risque cela dit.
Je reste là un instant, à observer ma pile de ryo, vérifiant bien que le bon montant de mon salaire est bien versé.
Le chunin... Kaito ? Peut-être. Me jette un regard vide, haussant les sourcils dans une expression située à la frontière entre l'amusement et l'exaspération.
Cela passerait bien si ce n'était pour ses traits tirés, il ne doit pas avoir dormi depuis un petit moment. Sa veste est froissée, même pas bien boutonnée, dévoilant en partie la maille noire que tous les shinobi portent en dessous de leurs vêtements. Sa barbe est mal rasée.
On dirait que le conflit laisse des traces même sur l’administration, peut-être encore plus pour eux que pour les autres une fois que celi-ci est terminé. Les milliers de missions à encoder dans le système, les salaires à débourser, les morts à comptabiliser et introduire dans les datas, les dégâts à prendre en compte.
L’un des rares types de ninja dont le champ de bataille est derrière un bureau, mais qui semble encore plus sur le point de succomber, même une fois la paix revenue.
En tout cas revenue dans le sens global et officiel du terme, par-ci par-là, subsistent encore des petites escarmouches, surtout entre grandes puissances, des petites incursions, des petits conflits qui seront résolus dans leur coin, entre les deux villages concernés.
Le shinobi ensuite souffle lorsqu'il passe à un autre dossier, traitant d'une demande concernant un ninja ayant disparu dans la bataille de Kusa. Une des nombreuses demandes que la famille ou le village, s'il s'en moque un petit peu, peut introduire auprès de l'administration, pour que des recherches soit faites pour la retrouver.
Dans 95% des cas, la personne concernée est marquée disparue et le restera pour un bon bout de temps, son cadavre doit probablement trainer quelque part sur un champ de bataille, étant juste non reconnaissable, s'il en reste même un.
S'il n'est pas identifié et que les autorités daignent tout de même lui accorder de l'attention, le pauvre type sera certainement enterré dans un cimetière militaire. Celui de Taki commence d'ailleurs à déborder un peu trop sur la forêt.
Une fosse commune glorifiée en somme. Où les centaines de gens qui sont tombés reposeront pour l'éternité, sous une stèle portant je ne sais quelle petite citation à portée philosophique pour inspirer les enfants des tombés et la génération précédente à suivre l'exemple de leurs aïeux, celui de crever dans une mort soit inutile soit douloureuse, pour ensuite reposer pour l'éternité entre deux personnes qu'ils ne pouvaient pas blairer dans ce village durant leur vie.
Quelle glorieuse destinée.
Mais ne vous inquiétez pas, le chef du village, si la personne enterrée est assez importante pour que celui-ci daigne lever ses fesses de sa chaise et se déplacer pour l'occasion, viendra faire un plaisant petit discours tandis que les croque-mitaines font leur bouleau et coulent une jolie dalle de béton sur la boite où repose papa.
Un magnifique discours sur l'amitié, le village, le devoir et le fait de protéger les siens en allant zigouiller des types auxquels nous étions les alliés une guerre plus tôt. Histoire d'apprendre aux enfants le bonheur que c'est de se noyer dans son propre sang pour une guerre dont absolument personne ne se souvient le but originel.
Ça c'est la classe.
C'était quoi cette jolie phrase de mon monde précédent ?
"Les gens ne se battent pas car ils détestent ceux qu'ils ont en face d'eux, ils se battent car ils aiment ceux derrière eux."
Quelle belle phrase
Bien que stupide de naiveté, voulant trouver une raison à la mort, mais n'assumant pas que cette raison vit aussi dans la detestation de ce que l'état a désigné comme un ennemi, de ce peuple dont la population a porté sa haine sur, de cette idée qui portent les gouvernements au pouvoir, que l'on essaie de dissimuler, de trafiquer comme étant une simple invention de leur part une fois le contrôle du pays pris par ces derniers, alors qu'il existait bien avant même la création de ces différents mouvements.
En vérité, les gens se battent car ils détestent ce qu'ils ont en face d'eux, en tout cas l'idée qu'ils en ont. Ce point de vue minuscule pris depuis leur lieu de vie qu'ils n'ont jamais quitté, sur des gens qu'ils ne connaissent que via les histoires de grand-père, les pleurs de maman et les leçons du professeur.
Cet "amour" dont ils parlent, ce n'est qu'un banal verni. Une vaine et pathétique tentative d’édulcorer la violence avec des valeurs humaines, de rendre ce qu'ils font acceptables, tolérable, souhaitable. De rendre la guerre comme une nécessité, une héroïque nécessité.
Ce n’est pas un quelconque amour qui pousse les hommes à se battre, c'est la haine, la haine de ce qu’ils croient connaître de l’autre, construite sur des récits transmis, des douleurs héritées, des idées jamais remises en question.
"Les hommes ne meurent pas pour ceux qu’ils aiment, mais contre ceux qu’ils croient devoir haïr."
Ils peuvent se répéter qu’ils se battent pour l’amour des leurs, mais bien souvent, ils se battent simplement par haine de ce qu’ils ne comprennent pas. Pour une chose qui ne leur rendra jamais un énième de ce qu'ils ont sacrifiés en son nom. Si elle a un jour même simplement vent de leur petite existence.
"Le dossier est traité. Tu peux t'en aller."
Très bien, je te laisse avec tes suiveurs de grandes idées, tes amoureux du devoir, mon cher Kaito.
Dommage que ce genre de job lui soit réservé, ça doit être une des seules que je supporte dans cette région. Pas que je l'apprécie.
Son chakra est faiblard. Il semble lourd, usé. Il respire la lassitude. Il est fatigué comme tout le reste.
D'ailleurs en parlant de ça, n'ait-je pas croisé un cadavre lui ressemblant fortement ? Maintenant que j'y pense.
...
Bof, ça doit être un frère ou un cousin.
Mes condoléances, j'imagine.
La guerre est finie. Officiellement.
Les kunai se rangent dans leur sacoche. Les cadavres sont ramassés. La nature se remet à vivre en toute sérénité. Les feux s'éteignent un peu partout sur le continent.
Les combats disparaissent, les traces se retirent. Mais les morts, eux, ils continuent à s'afficher ILs continuent à peser sur nos minces épaules.
Ils continuent à nous tirer vers le bas. À nous faire regarder derrière nous, en nous demandant ce que nous aurions dû faire, ressassant ce que nous avons faits, imaginant ce que nous ferions de plus.
Ils pèsent sur nous. Sur nos épaules
En tout cas sur leurs épaules.
Quoique...
...
Dozao-san...
Arrête.
Cela ne sert à rien.
Il est mort, tu es vivant, c'est ça qui est primordial, c'est ça le plus important.
Tu n'étais même pas attaché à lui.
Tu t'en fiche.
...
Pris soudainement et sans raison d'un nœud dans l'estomac, je ramasse l’argent sans un mot et me détourne du comptoir, partant sans un mot, comme à l'accoutumée.
Mais alors que j’ouvre la porte coulissante, une voix m’arrête.
"Tu sais que t’es pas obligé d’aller aussi loin, hein. Le fleuve principal est la zone de ronde qui t'es attribuée, tu le sais, faire deux trois heures à côté de celui-ci, c'est amplement suffisant pour satisfaire tes quotas."
Il ne me regarde même pas, le nez dans ses dossiers, occupé à trier un amas de paperasse froissée comme s’il pouvait faire disparaître le stress en l’ordonnant. Avant d'abandonner et de le jeter dans le bac
Une fois cela fait il lève les yeux, mon regard croise le sien alors que je lui réponds
"Je préfère les coins où je suis sûr de ne croiser personne."
Un silence. Avant que le chunin ne hausse les épaules dans un geste d'accord.
"Effectivement, vu ta situation, ce n'est pas comme si tu allais taper la discussion."
Merci de me le rappeler, je n'étais pas du TOUT au courant.
"Mais cependant, essaie de ne pas trop te balader seule là où les Jinka peuvent te bouffer la jambe et te trainer dans un fleuve. Contrairement à certains, j'aurais vraiment un manque de plaisir à remplir ta fiche de disparition. En plus des déboires administratifs je veux dire."
...
Merci... Je crois.
"Merci de vos conseils, senpai."
Je réponds tout en m'inclinant légèrement, suivant la manière traditionnelle pour remercier quelqu'un.
Je dois avouer que celle-ci, je ne l'avais pas faite depuis longtemps.
"Mais, tant qu’ils ne visent pas la tête. Je crois que cela va aller pour moi"
Le chunin lève les sourcils avant de faire un geste de la main, m'invitant silencieusement à le quitter pour le laisse mourir dans sa pile de dossiers, ce que je fais.
Je referme la porte derrière moi, laissant le sombre bureau alourdi par l'odeur des papiers derrière moi.
Dehors, le soleil filtre à peine à travers le plafond de lianes et de feuillages géants. Une humidité poisseuse colle déjà à ma peau Tandis que l’odeur du sang du caïman semble me suivre, incrustée dans mes vêtements.
"Ah merde, c'est vrai, fais chier."
- "Language jeune homme"
"C'est ça oui."
-"Comment ! Petit insolent ! De mon temps, ton grand-père aurait déj..."
"Cause toujours mémé, tu m'intéresse." Je dis alors que je disparais dans un nuage de fumée
J'ai survécu au plus grand conflit de ces trente dernières années, ce n'est pas pour avoir à supporter les radotements des vieux de ce village.
Bon, rapidement retourner chez moi pour prendre un bain.
Les vêtements sont tous neuf en plus...
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Le grincement lent et irritant d’une plume sur du papier était le seul son qui perçait le silence pesant du bureau.
Assis droit derrière une pile de dossiers qui atteignaient presque la hauteur de son front, Hisen soupire profondément.
Si quelqu'un lui avait dit que la paix serait presque plus épuisante pour lui que la guerre, il aurait l'idiot balancé dans le lac.
Ayant récupéré trop jeune le poste de son glorieux père, Kazuki, au pire moment, il ne pouvait qu'être mal préparé pour la guerre, mais il n'aurait jamais cru qu'il aurait à se préparer à la paix.
Un ninja respecté et un chef influent, faisant l'unanimité à Taki, reconnu pour sa sagesse et son courage. Malheureusement, il est mort au pire moment, tué dans une embuscade des ninjas d'Iwa lors du renouvellement du traité d'alliance avec Konoha.
Et-ce au tout début de cette maudite Guerre, laissant le jeune Hisen seul, devant endosser un role auxquels il n'était pas pret. Avec une mort soudaine ayant plongé Takigakure dans une période de grande instabilité, en pleine grande guerre shinobi.
Hisen a dû malgré le deuil prendre la relève, confronté à de nombreux défis et responsabilités bien au-delà de son âge. Bien que cela lui permettant de devenir un chef respecté malgré son jeune âge.
Il aura eu seulement à déléguer un peu de pouvoir, notamment au conseil des anciens, de vieux shinobi, expérimentés. Prêts à servir le chef du village, ces personnes étant les administrateurs et les conseillers du village depuis la création de celui-ci.
Vraiment leur laisser un peu de pouvoir ne peut faire que du bien. Spécialement étant donné leur expérience bien plus grande que la sienne.
Bien qu'à certains moments, une fois leur pouvoir bien imposé, ils ont peut-être parfois manqué de respect envers sa personne et pris des décisions qui ne leur étaient pas attribuées. Abusant quelque peu de leur pouvoir de temps à autre. Faisant parfois aussi pression sur lui au sujet de certains de ses choix.
Bien que cela puisse être seulement lié à leur volonté de protéger le village et de prouver à lui, Hisen, leur nouveau chef leur fidélité envers lui, probablement.
Enfin bon, quoiqu'il en soit, qui aurait pu penser que la paix serait aussi lourde à porter.
Ses épaules, autrefois larges et solides, sont maintenant affaissées, prises sous le poids de trois années de travail ininterrompu. Trois années à batailler, à dialoguer avec ses alliés, à prendre des décisions plus couteuses et douloureuse les unes que les autres, à faire des choix pour lesquels il se blâmera jusqu'à la fin de sa vie, à penser stratégie, à gérer les ressources, à imaginer le pire, à prier pour que Konoha daigne envoyer plus de renforts, à créer de nouvelles lois pour pouvoir légalement envoyer plus de personnes sur le front.
L'enfer.
Et deux mois depuis la fin des hostilités, la signature de l'accord du moins. Deux mois depuis que le Hokage, une fois la glorieuse victoire au pont Kanabi remportée, à signer le traité de paix avec le vieux Onoki. Les autres villages et nations suivant dans la foulée.
Ou plutôt qu'il s'est rendu, qu'il a baissé le genou face aux pathétiques menace de cette vieille antiquité qu'est le troisième Tsuchikage.
"Putain"
Hisen ne peut que grommeler, jetant un coup d'oeil au papier trônant depuis ces deux derniers mois sur son bureau. Le narguant chaque jour qui passe. Ne pouvant se résoudre à le faire enlever. Tant la cicatrice est encore fraiche et brulante.
📜 Traité de Paix de la Vallée du Sablier
Signé à la frontière neutre entre le Pays du Feu et le Pays de la Terre
Préambule :Conscients des pertes humaines, matérielles et morales causées par la, nommée officiellement "Guerre de reconquête de la vallée de Ryokugan", officieusement "Troisième Grande Guerre Ninja", les susnommés villages : Konoha (Hi no Kuni) et Iwa (Tsuchi no Kuni), s’engagent à mettre fin aux hostilités et à œuvrer pour une paix durable entre les deux nations et leur village caché.
Article 1 : Cessation des hostilités
Les deux villages s’engagent à cesser de manière immédiate toute attaque, infiltration ou opération de subversion ou militaire hostile sur le territoire de l’autre.
Article 2 : Ryokugan
La région de Ryokugan, est reconnue territoire de jure et de fait du village caché suivant : Iwagakure et de la nation qui en découle, Tsuchi no kuni.
Les zones de celles-ci encore sous le contrôle total ou partiel de Hi no Kuni et de ses alliées seront restitués dès la proclamation du traité au grand public.
Article 3 : Reconnaissance des frontières
Konoha et Iwa reconnaissent mutuellement leurs frontières actuelles, incluant la restitution de la région de Ryokugan comme seule possession du village d'Iwa. Konoha s'engage à renoncer à sa revendication sur la région.
Article 4 : Prisonniers de guerre
Chaque camp libérera tous les prisonniers de guerre dans un délai de 15 jours après la signature du traité. Les ninjas blessés seront rendus dans les meilleures conditions possibles.
Article 5 : Compensation symbolique
Konoha accepte de fournir un soutien logistique et médical limité aux zones civiles d’Iwa touchées par les combats, sans que cela ne constitue une admission de faute.
Article 6 : Clause de non-agression
Les deux villages s’engagent à ne pas financer, héberger ou encourager des groupes hostiles à l'autre partie, y compris mercenaires, déserteurs ou organisations criminelles.
Article 7 : Clause secrète (ne doit pas être rendue publique)
Konoha accepte de ne pas intervenir dans les affaires internes d’Iwa, notamment dans le cas de troubles au sein de certains clans dissidents (comme ceux liés à la manipulation de particules), en échange d’une promesse d’Iwa de ne pas chercher à recruter des ninjas renégats de Konoha.
Signé par :
Hiruzen Sarutobi, Chef du clan Sarutobi, Hokage de Konoha
Ōnoki Ishigami , Chef du clan Ishigami, Tsuchikage d’Iwa
Les représentants du Daimyô du Pays du Feu et du Pays de la Terre
Date : 3e jour du 10e mois, an 56 du Calendrier Ninja
...
Qu'est-ce qui, par tous les dieux, lui est-il bien passé par la tête ?
Ils avaient la victoire dans la paume de leur main, il ne fallait que tendre le bras pour l'attraper !
Le pont Kanabi a été détruit, la moitié de l'armée d'Iwa s'est fait décimer dans la bataille qui a suivi, piégée entre l'armée de coalition et le fleuve, encerclée, sans aucun appui logistique ou perspective de renfort.
Ils n'avaient qu'à continuer, reconstruire le pont et continuer sur leur lancée, traverser le fleuve et rayer de la carte me reste de l'arme d'Iwa, qui était encore désorganisée et totalement démoralisée par la précédente défaite, et ce avec le pouvoir du nombre en plus de la qualité dont ils avaient à disposition.
Ils auraient pu rouler jusqu'au pays de la terre, reprendre tous les territoires perdus et faire gouter à Iwa, sur son propre sol, le gout de la défaite, mettre le Tsushikage et son daimyo à genoux, décrocher la victoire totale dont ils avaient tant espéré depuis des années.
Mais non ! Il a fallu que ce vieil imbécile signe ce traité, voulant éviter de trop froisser Onoki, prouvant au monde entier la carpette humaine qu'il est.
Rien !
Rien, rien rien, rien !
Ils n'ont rien gagné, après trois ans de dur labeur ils ne peuvent que savourer le gout de la "victoire." Et quelle victoire !
Des millers de shinobi mort, tout ça pour donner patte blanche à nos ennemis lorsque l'on a la main enserrée autour de leur gorge.
Tout ça pour cette paix que ce vieux sénile chéri tant. La paix !
Ils ont même rétrocédé des territoires au pays de la pierre, histoire que ce dernier ne perde pas la face.
Un kilomètre de territoire complètement dévasté et infertile, c'est vrai, mais ce n'est pas ce qui compte ! Ce qui compte c'est le symbole qu'il y a derrière.
Ils ont gagné la guerre, tout ça pour ne gagner que la satisfaction du traité.
Et Taki n'a même pas été consultée à ce sujet ! Comem tous les autres.
Kusa, Ame, Taki, tous ces petits villages alliés de Konoha ont dû se réveiller un matin, et recevoir le traité comme nouvelle par message ! Aucune consultation de la part de Konoha, aucun mot pour prévenir avant les autres villages. Ils l'ont appris en même temps que tous les autres. Aucune délibération, rien ! Comme si ils ne comptaient pas !
Les salauds !
Et qu'est-ce que Hisen va dire au village ?!?
Le cout pour Takigakure a été tellement meurtrier, ce genre de nouvelle, de traité inégal, de victoire mutilée, cela ne peut que mal passer.
La colère gronde. Un peu partout.
Ses subalternes ont beau lui dirent ce qu'ils veulent, Hisen le sait, Hisen le sent !
Il la sent, la dissidence, qui monte et qui monte. Les shinobi dont la loyauté se brise petit à petit. Le mouvement de contestation qui se développe. Les tensions qui apparaissent. Les regards de dédains qui sont jeté sur sa personne ! Les rivaux qui complotent dans l'ombre, profitant de ce déboire, de cette infortune du sort pour lui tomber dessus.
Ils ont beau essayer de les cacher, il sait qu'ils sont là !
On peut déjà le voir.
À Konoha, le vieil imbécile a payé le prix fort de son pacifisme aveugle. Il est totalement décrédibilisé, sous le poids de cette défaite, à dû céder sa position, abdicant sous les huées de la foule, en faveur de l'éclair jaune, le disciple de Jiraya du sannin.
Et il risque de lui arriver la même chose ici !
...
Est-ce que les vieux du conseil font faire comme ceux de Konoha ? Faire pression sur lui pour qu'il se retire ? Profiter des troubles pour prendre le pouvoir ?
Il ne peut laisser ça passer...
En résumé, ils ont gagné la bataille, et la guerre.
Et pourtant… la paix, elle possède un goût plus qu'amer.
Un goût de cendres. De papier moisi et d’encre séchée. De restes mal conservés.
Le chef du village de Taki, ou plutôt ce qu’il en reste, ne peut que frotter ses paupières sous un mélange de fatigue et de stress intense. Usées par les nuits blanches et les rapports interminables. La crainte du pouvoir. Et tous les dégâts et problèmes que cette belle paix apporte avec elle.
Décès, pertes économiques, chômage pour les ninjas, gestion des orphelins de guerre, reconstruction des quartiers résidentiels, reprise des collectes de fond, créations d'emplois fictifs pour réaffectation des unités de réserve, transition des unités de combat de retour à la vie civile, recensement des pertes et des disparus, contrôle des stocks de denrées et d’armes… Il a actuellement l’impression d’être moins un leader qu’un simple comptable.
Il regarde autour de lui.
Des piles de documents. Des messages codés. Des cartes roulées. Des rapports scellés. Des listes de tâches à accomplir et de problèmes à résoudre. Des rapports économiques lui donnant envie de manger un kunai.
Et au fond de la pièce, une petite fenêtre sale à travers laquelle filtre une lumière grise, faible.
« Et dire que je pensais que la guerre était le pire. » murmure-t-il, sa voix à peine audible.
Il tire vers lui un énième dossier, au cachet rouge, il a d'ailleurs complètement oublié la signification des couleurs pour ces trucs de merde.
Bon, après tout, c'est rouge, cela doit être important j'imagine
"Tout est important, chaque tâche est comme une brique dans la construction d'une maison" Il se remémore les paroles de Tagashi, un des vieux conseillers, lorsqu'il lui avait demandé s'il pouvait commencer ses dossiers par les plus importants et lui laisser les plus négligeables.
Il est chef du village, pas maçon, qu'est-ce qu'il en a à faire de la construction d'une maison ?
"Enfants affectés – statut sensible".
Il soupire de nouveau, voulant se pendre.
Ces cas-là sont toujours les plus ennuyant à faire. Ennuyant autant qu'inutiles.
Il doit gérer un village, pas une école maternelle, pourquoi il doit se soucier d'orphelins en ce moment ?
Pas qu'ils ne soient pas importants, mais il a plus urgent à faire en ce moment.
Des enfants orphelins, et pas n'importe lesquels. Ceux revenant du front.
Des enfants, haut comme trois pommes, mais déjà vétérans de la guerre, et ayant perdus leur famille durant celle-ci, s'il en avait une avant que les combats ne débutent.
Ces cas-là sont problématiques. Isolés, parfois stigmatisés, clairement traumatisés par la guerre, manquant de liens affectifs, dérangés par leurs expériences personnelles, et très potentiellement à tendance aggressive et très violente.
La plupart seront et resteront ce qu'on appelle des cas sociaux. Manquant de l'amour d'une famille, rendus à moitié dingues ou dépressifs, souvent les deux, par leurs expériences sur le front. Ayant eu à voir la mort de près, perdre des proches et tuer à de si jeunes âges.
Quelle misère...
Certains seront définitivement à surveiller dans le futur. D’autres seront à protéger et prendre soin, à la fois pour des raisons morales et pragmatiques, de si bonnes recrues ne devraient pas être négligées.
D’autres encore… seront problématiques. Et devront être traités...
Ses yeux tombent sur un nom.
Et pas n'importe quel nom, le nom.
Un nom qu'il avait lu dans un rapport quelques années plus tôt et qu'il, il faut être honnête, ne pensait pas (et ne voulait pas) encore entendre parler de nouveau.
Takikara Kyoshi
Âge : 7 ans ???? (Problème de recensement/manque de datas précis)
Statut : Anciennement pris en charge par l'Orphelinat du village
Status au sein de l'orphelinat : Patient de deuxième classe E.
Comportement jugé irrespectueux, problématique et asocial.
N°2 Affectation : Résidence familiale, dernière maison de = clan Takikara (ps : Besoin de rayer ce nom de liste et de toutes annales de village dans futur), secteur sud-est.
Observations (Anbu : Soken) : Enfant précoce. Discipliné. Maturité atypique. Tendances asociales. Signes de personnalité calculatrice. Stabilité du comportement à remettre en question.
Contact avec population => Inexistant.
Guerre affectation ? => janvier 54
État de missions => Franc(s) succès
Rapports de jonins => Code vert
Contact avec extérieur => 3eme grande guerre ninja + Patrouilles
Loyauté => Non-prouvable. (Statut familial = code rouge)
Descendance confirmée => Clan Takikara (ps : Besoin de rayer ce nom de liste et de toutes annales de village dans futur)
Descendance individus confirmée => Ka______________
Un trait noir, net et rageur, traversait les deux derniers mots, comme si quelqu’un avait voulu nier cette affirmation avec une amertume non contenue.
Malgré tout, il était impossible pour quiconque, spécialement Hisen, de ne pas voir les mots malgré leur effacement sous la rage, il était trop connu. Même après toutes ces années.
Dernière information sur le rapport.
Statut : Surveillance recommandée (niveau 2)
(Ps : Soken => Demande de réaffectation = Raisons ? => Problèmes personnels (familial))
Hisen resta figé quelques secondes. Voyant les deux dernières informations passer sans même les voir. Ne leur accordant aucune attention.
Ce nom, ce putain de nom, revenait toujours hanter les archives, comme une ombre jamais dissipée.
Et ils avaient beau l'effacer autant qu'ils le voulaient, il continuera à apparaitre, dans leur esprit comme sur papier. Il est inévitable pour quiconque lis l'histoire de Taki ou fouille même quelque peu ses archives.
Un des noms les plus honnis de l’histoire du village. Un traître, un paria. Une légende de l’horreur. Et voilà que son petit-fils vivait encore dans les ruines que le monstre a laissé du village il y a de cela des années, bien avant qu'Hisen ne naisse, quand Taki rayonnait de gloire et de puissance.
Et il est revenu.
Il est parti, envoyé à la guerre, sans aucun espoir de survie, comme les autres, dans les endroits les plus dangereux que ce pays ne puisse connaitre, et il revient tout de même. Frais comme un gardon. Pret à faire Hisen ne sait quel mauvais tour.
Il ferme les yeux un instant.
« J’ai signé ça moi-même. Je l’ai laissé vivre dans cette maison. Je l’ai laissé partir de l’orphelinat. J'ai signé de ma propre main le bulletin l'envoyant là-bas, avec les tueurs et les champs de bataille»
Était-ce une erreur ? Était-ce un pari sur l’avenir qui a mal tourné ?
Il ne sait pas.
Ce qu'il sait, c'est que le petit fils de la bête, il revient. Probablement traumatisé par la guerre, donc encore plus dérangé qu'il ne devait l'être avant. Armé d'expérience qu'il a acquis lors de la guerre.
Et probablement d'une haine de sa personne, encore plus que n'importe qui dans ce village en ce moment.
Après tout, c'est lui qui l'a envoyé dans cet enfer.
Il se penche en arrière sur son siège, et pour la première fois depuis des heures, il ne prend pas un nouveau papier.
Il fixe simplement le plafond. Perdu dans ses pensées. Ou dans ses regrets.
"Que dois-je faire ?"
"Que ferai mon père ?"
"Qu'on fait mes prédécésseurs ?"