Sora suivit silencieusement Jarek qui sortait de l'Ordre. En arrivant dans la salle principale de l'Ordre, de nombreux regards se posèrent sur eux et de multiples conversations se stoppèrent pour observer les deux mercenaires se déplaçant ensemble.
Sora ressentit un léger frisson de gêne lorsqu'il s'aperçut du nombre de regards le perçant de toutes parts.
Sora tenta de détourner les yeux des regards insistants, mais l’ambiance pesante de la salle principale de l’Ordre ne faisait qu’amplifier son malaise. Les murmures reprirent bientôt, mais cette fois à voix basse, comme si les mercenaires autour de lui craignaient que Jarek puisse les entendre.
Jarek, lui, avançait comme si de rien n’était, son pas sûr et nonchalant traduisant une confiance inébranlable. Il s’arrêta brièvement devant Nerris, toujours au comptoir, et lui adressa un sourire charmeur.
« Je pars accomplir cette quête. » Annonça Jarek tout en tendant la mission devant Nerris, qui la regarda brièvement. « Note aussi que je prends un bleu sous mon aile aujourd’hui. Si je ne reviens pas, mets ça sur le compte de son incompétence, » plaisanta-t-il en désignant Sora d’un mouvement de tête.
Nerris roula des yeux mais conserva son sourire habituel. « Si c'est toi qui pars en mission, je n'ai pas trop à m'inquiéter. » Répondit-elle d’un ton moqueur avant de se tourner vers Sora. « Et toi Sora, essaie de ne pas te faire tuer. On a déjà trop de drames dans cet Ordre. »
Sora hocha la tête avec un sourire crispé, incapable de répondre à la légèreté de Nerris. Il sentait encore le poids des regards dans son dos, comme si chaque mercenaire présent dans la salle attendait qu’il fasse un faux pas.
Jarek, lui, éclata de rire en tapotant l’épaule de Sora avec une force qui manqua de le déséquilibrer.
« Tu entends ça, gamin ? Essaie de ne pas devenir un autre "drame". Ce serait dommage de ruiner ma réputation. »
Sora serra les dents mais ne répondit rien. Il préféra ne pas alimenter davantage les railleries, sachant que Jarek aimait jouer avec ses nerfs.
Après que Nerris eut validé la mission et griffonné quelques notes sur un registre, Jarek reprit la mission et fit un geste vers la porte. « Allez, on y va. Les vrais mercenaires n’ont pas de temps à perdre ici. »
En passant la grande porte de l’Ordre, Sora sentit un léger soulagement en laissant derrière lui cette atmosphère lourde et oppressante. L’air extérieur était plus froid que prévu, le vent léger, mais vif. Il suivit Jarek qui marchait devant lui, toujours avec la même nonchalance, mais ses pas semblaient calculés, comme s’il savait exactement où il allait.
« Alors, c’est quoi la mission exactement ? » demanda Sora pour briser le silence.
Jarek jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, un sourire énigmatique sur les lèvres. « Patience, patience. Tu es pressé d’en finir, ou quoi ? »
« Pas vraiment, » marmonna Sora. « Mais si je dois te suivre, autant savoir dans quoi je m’embarque. »
Jarek s’arrêta brusquement, obligeant Sora à s’arrêter à son tour. Il se retourna lentement, son sourire s’élargissant.
« D’accord, gamin. Écoute bien. Notre cible aujourd’hui, c’est une créature qu’on appelle le Fauche-Brume. Une abomination qui s’est manifestée près des marécages au nord de la ville. »
Sora sentit un frisson lui parcourir l’échine. Le nom seul suffisait à évoquer quelque chose de sinistre. « Une abomination ? » répéta-t-il, tentant de cacher la légère trembleur dans sa voix.
Jarek acquiesça. « Une bestiole bien vicieuse. Elle se nourrit de voyageurs imprudents, et les rumeurs disent qu’elle manipule la brume pour se dissimuler et tendre des embuscades. Officiellement, elle n’est qu’une menace mineure, mais officieusement… »
Il haussa les épaules avec un sourire amusé. « Disons que même certains mercenaires expérimentés évitent de s’y frotter. Mais ce genre de bestioles ne devrait pas me poser de soucis, même si tu es là dans mes pattes. »
Sora sentit une boule se former dans son estomac. « Et… moi, dans tout ça ? »
Jarek le fixa, ses yeux pétillant d’un mélange d’amusement et de sérieux. « Toi ? Tu observes. Tu apprends… Et qui sait ? Si tu te débrouilles bien, tu pourrais même réussir à les frapper au moins une fois. »
Sora serra les poings. Les paroles de Jarek oscillaient entre provocation et encouragement voilé, mais elles ne suffisaient pas à calmer son appréhension.
« Frapper au moins une fois ? » murmura Sora. « En fait, je ne vais pas servir à grand-chose… »
Jarek éclata de rire, un éclat sonore qui résonna dans l’air froid. « Ouai c'est clair, tu vas carrément être inutile, mais il faut bien commencer quelque part. Et puis, je suis là. Tant que tu ne fais pas quelque chose de totalement stupide, je te ramènerai vivant. Peut-être même en un seul morceau. »
Sora esquissa un sourire forcé, mais il savait qu’il ne pourrait pas toujours compter uniquement sur Jarek. C'est pour cela qu'il devait faire son maximum pour assimiler le plus de choses possible en regardant Jarek combattre contre ces créatures.
Ils continuèrent à marcher ainsi pendant un moment. Les allées de la ville laissèrent rapidement place à un chemin en terre visiblement peu emprunté. Et tandis que le soleil commençait à se coucher, un léger voile de brume commençait à s'installer tout autour d'eux.
« Bon gamin, à partir de maintenant, on va commencer à être dans la zone marécageuse. » Annonça Jarek d'un ton détendu. « Mais avant que tu ne t'affoles, tu dois savoir que le Fauche-brume ne se cache pas par ici. La brume est trop légère pour qu'on ait à s'inquiéter. »
Sora ne répondit pas et hocha simplement la tête tout en continuant à le suivre. Mais par réflexe, il plaça tout de même sa main sur la poigne de son épée, prêt à dégainer.
Tandis que Jarek commençait à siffloter comme si de rien n'était, la brume, quant à elle, se faisait de plus en plus présente, à tel point qu'il était désormais compliqué de voir à plus de 20 mètres devant soi.
De nombreux arbres morts émergeaient de l’eau trouble comme des squelettes, et le silence était oppressant, brisé uniquement par le bruit lointain de l’eau qui gouttait. La terre s'était lentement transformée en boue et l'air semblait de plus en plus difficile à respirer.
D'un coup, Jarek se stoppa, arrêta de siffler et tendit sa main en l'air, comme pour dire stop à Sora. « Je crois qu'on est arrivé. » Il sortit sa lame incurvée de son fourreau et se tourna vers Sora.
« Bon gamin, avant qu'on se batte, on va mettre en place deux règles. Première règle : reste toujours près de moi, du moins à portée de vue au minimum. Seconde règle : si tu vois quelque chose bouger, préviens-moi avant de jouer les héros. Compris ? »
Sora hocha activement de la tête avant de lui aussi sortir son épée et de regarder de droite à gauche pour voir s'il ne remarquait rien d'étrange. Son cœur battait la chamade, alors qu'ils recommençaient à s'aventurer lentement dans ce marécage brumeux.
Soudain, un cri guttural et lointain déchira le silence, un son inhumain qui fit se hérisser les poils sur la nuque de Sora.
Jarek se tourna vers lui avec un sourire presque enthousiaste.
« Ça, c’est notre cible. Prêt à rencontrer le Fauche-Brume, gamin ? »
Sora avala difficilement sa salive, ses mains moites serrant le pommeau de son épée. Il hocha la tête sans dire un mot, fixant Jarek qui avançait avec une confiance désinvolte.
Le cri semblait provenir de plus loin dans la brume, mais sa résonance étrange donnait l’impression qu’il venait de toutes les directions à la fois. L’atmosphère était devenue encore plus oppressante, et la brume semblait s’épaissir autour d’eux comme un mur mouvant.
« Reste concentré, gamin, » murmura Jarek d’un ton sérieux, ses yeux scrutant les ombres indistinctes. « Ce truc aime jouer avec sa proie avant de frapper. Ne te laisse pas distraire. »
Sora hocha la tête, inspirant profondément pour calmer ses nerfs.
Ils continuèrent à progresser dans le marécage, leurs pas s’enfonçant légèrement dans la boue épaisse. Chaque craquement de branche ou bruit d’eau agitée semblait amplifier l’intensité de l’instant, jusqu’à ce qu’un mouvement rapide attira l’attention de Sora sur sa droite.
« Là-bas ! » cria-t-il instinctivement, pointant son épée vers une forme indistincte qui glissait dans la brume.
Jarek détourna seulement son regard dans la direction que Sora venait de pointer avant de regarder de nouveau en face de lui.
« C'était bien vu, gamin, » murmura-t-il en plissant les yeux. « Mais ce n’était pas elle, actuellement elle est en train de nous tester. »
« Quoi ? Tester ? » balbutia Sora.
Jarek esquissa un sourire en coin. « Le Fauche-Brume ne se précipite jamais. Cette créature aime jauger ses adversaires, sentir leur peur. Tu vas devoir rester sur tes gardes. »
À peine eut-il fini sa phrase qu’un bruit d’éclaboussures retentit derrière eux. Sora se retourna vivement, levant son épée, mais il ne vit qu’une masse d’ombre se faufiler dans l’eau avant de disparaître en un instant dans la brume.
« Elle joue avec nous ! » lança Sora, la panique montant dans sa voix.
« Exactement. Enfin, c'est ce qu'elle essaye de faire. » Jarek s’accroupit légèrement, les muscles tendus comme ceux d’un félin prêt à bondir. « Elle croit que c’est elle qui mène la danse, mais elle ne sait pas avec qui elle a affaire. »
Avant que Sora ne puisse poser une question, un autre cri, plus proche cette fois, fendit l’air. Puis, une ombre colossale émergea de la brume, ses contours flous mais terrifiants.
Le Fauche-Brume était là.
La créature était massive, son corps allongé et sinueux ressemblant à celui d’un serpent recouvert d’une peau luisante et translucide. Ses yeux brillants perçaient la brume d’une lumière fantomatique, et ses griffes, longues et effilées, laissaient des traces profondes dans la boue. Le monstre devait faire facilement 1 mètre de plus que Sora et était au moins deux fois plus large.
Sora sentit son souffle se couper en voyant la monstruosité. Il recula instinctivement d’un pas, mais Jarek, lui, avançait déjà, son sourire carnassier illuminé par la faible lumière. « Garde ton calme, gamin. Regarde et apprends. »
Jarek bondit avec une rapidité fulgurante, sa lame courbe traçant un arc lumineux dans l’air. Le Fauche-Brume esquiva d’un mouvement fluide, mais Jarek ne lui laissa aucun répit, enchaînant ses attaques avec une précision redoutable.
Sora resta immobile un instant, hypnotisé par le combat. Jarek était incroyablement rapide et agile, il avait même du mal à suivre clairement les gestes que faisaient les deux combattants. Mais les mouvements de Jarek dégageaient une maîtrise que Sora n’avait jamais vue. Pourtant, la créature semblait tout aussi redoutable, ses griffes et sa queue balayant l’air avec une force terrifiante.
Le combat entre Jarek et le Fauche-Brume s’intensifia rapidement, la brume environnante devenant presque un acteur à part entière. Chaque fois que Jarek frappait, le monstre reculait ou se faufilait dans l'épais brouillard, rendant ses mouvements imprévisibles. La lame de Jarek siffla dans l’air, manquant de peu l’abdomen luisant de la créature, mais il pivota instantanément, anticipant un coup de la queue musculeuse du Fauche-Brume.
Sora, immobile à quelques mètres, observait, éberlué. Il n’avait jamais vu un tel niveau de maîtrise. Les attaques de Jarek étaient fluides, calculées, mais ce qui frappait encore plus Sora, c’était l’expression sur son visage. Jarek souriait, un sourire qui oscillait entre excitation pure et une concentration glaciale. Ce n’était pas un combat pour lui, c’était un jeu.
La créature, elle, n’était pas en reste. Elle balaya le sol avec ses griffes, projetant de la boue et de l’eau dans un large arc qui força Jarek à bondir en arrière. Puis, d’un bond presque surnaturel, le Fauche-Brume disparut dans la brume, ne laissant derrière lui que des ondulations dans l’eau stagnante.
« Ne te relâche pas gamin ! » hurla Jarek en direction de Sora, tout en pivotant pour suivre le mouvement de la créature. « Elle n’est pas partie. Elle se prépare à attaquer. »
Sora serra son épée dans ses mains moites, tentant de calmer sa respiration erratique. La peur le paralysait presque, mais il savait qu’il ne pouvait pas détourner les yeux. Il devait regarder, comprendre, assimiler chaque mouvement que Jarek faisait.
La brume se mit soudainement à bouger, comme animée d’une volonté propre. Une silhouette massive se forma sur la gauche de Sora, mais avant qu’il ne puisse crier, Jarek se plaça entre lui et la menace. Dans un mouvement fluide, il parra une griffe acérée, la lame de son sabre courbe déviant l’attaque avec un éclat métallique.
« Tu comptes rester planté là, ou tu vas au moins essayer de faire semblant de m’aider ? » lança Jarek, sans même regarder Sora.
Sora voulut répondre, mais ses mots moururent dans sa gorge. Avant qu’il ne puisse bouger, le Fauche-Brume pivota sur lui-même, sa queue balayant l’air à une vitesse effrayante. Jarek bondit en arrière pour esquiver, mais l’impact projeta une vague de boue dans toutes les directions, éclaboussant Sora et l’obligeant à lever un bras pour se protéger.
Le monstre poussa un cri perçant, un mélange de sifflement et de grondement qui fit vibrer l’air autour d’eux. Sora sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine alors que le Fauche-Brume se redressait, sa silhouette encore plus imposante dans la brume épaisse. La créature semblait hésiter entre attaquer Jarek ou se jeter sur Sora.
Jarek ne laissa pas cette opportunité filer. Profitant de l’indécision du monstre, il se glissa sous son ventre allongé avec une vitesse presque inhumaine. Sa lame fendit l’air, traçant une large entaille dans la chair translucide de la bête. Un liquide noir et visqueux jaillit de la plaie, répandant une odeur âcre qui fit grimacer Sora.
Le Fauche-Brume recula en rugissant de douleur, sa queue fouettant l’air de manière désordonnée. Cette fois, il semblait enragé.
« C’est maintenant que ça devient intéressant, » murmura Jarek, presque pour lui-même.