Le pouvoir de la peur

Point de vue d'Areyos Orionis

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La cloche retentit, signalant la fin de l'heure. Les étudiants sortaient en parlant du cours d'histoire, encore plongés dans les révélations qu'ils venaient d'entendre. Nous avions appris de nombreuses choses fascinantes, mais les fresques anciennes portaient en elles une histoire cachée, une histoire que Barrios ou ma mère connaissent sûrement. Mais alors, pourquoi garder tout ça dans l'ombre ? Pourquoi ne pas partager cette vérité avec le monde ?

"On va manger ?" demanda Yoko, la voix pleine d'entrain.

"Oui, allons-y. Je n'ai pas pris de petit-déjeuner ce matin," répondit Kaiser, visiblement déjà impatient.

"Super, allons-y," dit Yoko en se levant, un sourire radieux sur le visage.

Je remarquai alors, dans un mouvement furtif, que Melios et Erina avaient disparu. Je n'avais pas besoin de regarder trop longtemps pour comprendre qu'Erina ne mangeait jamais à la cantine comme les autres. Peut-être craignait-elle un empoisonnement, même involontaire, de la part des serveuses. Elle semblait toujours éviter tout risque.

À la cantine, l'odeur alléchante de sandwichs au jambon flottait dans l'air, faisant saliver ceux d'entre nous qui n'avaient pas eu le temps de manger.

"Un parfait petit déjeuner," lança Kaiser, tout content, son sourire illuminant son visage. Les élèves se bousculaient pour être servis en premier, mais les serveuses, avec leur caractère bien trempé, avaient l'habitude de gérer ces foules avec une efficacité redoutable. Finalement, nous avions nos plats et nous nous installions à notre place habituelle.

Un Metaryon lança à Sorey, une fois de plus : "Hey, créature inférieure, il a l'air bon ton sandwich."

"Et c'est reparti, il va encore se faire harceler," dit Yoko, attentive aux moindres détails.

"Tu as déjà eu ta part, foutu le camp," répliqua Sorey, tout en manipulant son verre de jus d'un air détaché.

"Tu sais, en tant que créature descendante des dieux, tu nous dois du respect," rétorqua le Metaryon, insistant lourdement sur les mots.

"Descendant des dieux, ou alors d'extraterrestres intelligents… Mais bon, quand on te regarde, on comprend qu'il y a des ratés dans leur lignée," répliqua Keldo, lançant une pique qui fit immédiatement réagir la table. Certains d'entre nous retinrent à peine un rire, tandis que le Metaryon devenait rouge de colère.

"Répète ce que tu viens de dire, morveux !" s'écria le Metaryon, saisissant Keldo par le cou. Mais avant même que Sorey n'ait pu intervenir, Keldo dégaina une arme à feu de son bracelet dimensionnel et tira sur le poignet du Metaryon. La balle resta coincée dans son bras, et il relâcha aussitôt Keldo, hurlant de douleur.

"Aaaaargh ! Mon bras !" cria-t-il, le sang s'écoulant en une fine rivière rouge.

"Je vais lui faire sa fête, à cet humain !" s'exclama un autre, se levant d'un coup, mais avant qu'il ne puisse faire un seul pas, Keldo avait déjà sorti une seconde arme et la pointait directement sur son front.

"Assieds-toi, ou je tire. Vous n'êtes pas vraiment connus pour votre rapidité, alors ne me tentez pas, J'ai la gâchette facile quand on me fait chier" dit Keldo, la froideur de sa voix contrastant avec l'intensité de la situation.

Le Metaryon s'assit immédiatement, tandis que celui qui avait été blessé recula, laissant une elfe se précipiter pour soigner la plaie avec sa magie.

"Wow, il est courageux, Keldo, dis donc," chuchota Yoko, impressionnée par sa détermination.

"C'est vrai. Ses gadgets sont incroyablement efficaces et polyvalents. Et il n'hésite pas à les utiliser," dis-je, mon regard fixé sur Keldo, qui semblait à la fois calme et assuré dans son action.

"Sorey a de la chance de l'avoir comme meilleur pote," observa Yoko, en hochant la tête.

"Sûrement," répondit simplement Kaiser, alors que la cloche allait bientôt sonner. Nous allions bientôt commencer le cours de psychologie avec le professeur Miller. Il était temps que je parle à Zyriel. Elle pourrait m'apporter des informations sur Seidon.

"Je vous rejoins en classe," dis-je, en me levant, remarquant qu'ils n'avaient pas encore terminé leurs plats.

"Où vas-tu ?" demanda Yoko, intriguée.

"J'ai quelques questions à poser à Zyriel," répondis-je calmement, avant de quitter la table. Utilisant mon sens sismique, je cherchai la présence de Zyriel. Pourtant, pour une raison que j'ignorais, elle ne semblait pas être dans le bâtiment... Ou alors elle avait trouvé un moyen d'échapper à ma détection. Grâce à ma maîtrise du son, je perçus sa voix provenant d'un couloir, lisant à voix basse ce qui semblait être un journal.

"Intéressant. Elle utilise sûrement un dispositif magique dans l'un de ses accessoires pour me cacher sa présence," pensais-je, curieux de comprendre quel genre de magie elle utilisait.

"Bonjour, votre Majesté," dis-je, en me dirigeant vers elle.

"Zyriel, c'est déjà bien, Areyos Orionis," répondit-elle, fermant son journal, appuyée contre le mur.

"C'est noté, Zyriel," dis-je calmement, affichant un léger sourire.

"Que veux-tu ?" demanda-t-elle, en levant un sourcil.

"Tout à l'heure, tu as mentionné le nom de ton maître de l'eau. Je suis curieux d'en savoir plus sur lui," expliquai-je.

"Tu veux t'entraîner avec lui ?" demanda-t-elle soudainement, semblant à la fois amusée et intriguée.

"Disons que je veux voir de quoi il est capable," répondis-je, tout en maintenant mon calme habituel.

"Haha, laisse tomber. Il est plus fort qu'Anos, mon frère et moi réunis," dit-elle en riant légèrement.

"Tu es sérieuse ! ?" dis-je, surpris par ses paroles, bien que je gardais mon calme. Est-ce vraiment le même Seidon qui m'avait laissé à mon sort à Crimsonfall ?

"Sa force est immense. L'affronter ne t'apprendra rien. Il te battra tellement vite que tu n'auras même pas le temps de réagir. Demande à Anos, il a fait l'expérience," ajouta-t-elle, avec un air de quelqu'un qui connaissait bien la réalité du combat.

"Eh bien, j'imagine qu'il pourrait m'enseigner la maîtrise du sang, alors," répliquai-je, sans perdre de ma sérénité.

"Je lui en parlerai pendant les vacances," dit-elle, en se redressant d'un coup, l'air plus sérieuse. "C'est l'heure d'aller en cours."

"Tu as raison. Merci pour ton aide," répondis-je, avant de m'éloigner.

Arrivé en classe, le professeur Miller était déjà là, la salle plongée dans un silence absolu.

"Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien," salua-t-il d'une voix calme et polie. "Pour les nouveaux, je suis le professeur Kazuhira Miller, votre professeur de psychologie."

"Wow, c'est un Aegyl légendaire, non ?" murmura Zayren, manifestement impressionné.

"C'est l'Aegyl légendaire. Il est surnommé le dieu de la stratégie," répondit Zyriel, en chuchotant avec un ton de respect.

"Sans blague, comment il a fini prof ?" chuchota encore Zayren, visiblement perplexe.

"J'ai voulu devenir professeur pour enseigner à la future génération. La puissance, c'est bien, mais sans un mental solide, c'est inutile," dit soudainement le professeur, fixant Zayren avec une intensité qui fit sursauter ce dernier. Zayren, les yeux écarquillés, affichait une expression à la fois confuse et intriguée.

"Je tiens à vous prévenir, j'ai une excellente ouïe. Alors évitez de chuchoter, de dire des gros mots ou de me critiquer dans mon dos. Sinon, j'écrirai une lettre au royaume pour vous exclure de l'examen des prodiges," ajouta-t-il, le regard perçant.

"Pardon !? Vous pouvez faire ça ?" s'écria Zayren, choqué.

"Oui. J'ai ce pouvoir sur vous," répondit Miller, l'air calme et confiant.

"Mr. Miller, la menace fait-elle partie de vos méthodes pour vous faire respecter ?" demanda Zyriel, son ton acerbe trahissant une pointe de défi.

L'atmosphère dans la salle se chargea d'une tension palpable alors que tous les regards étaient désormais rivés sur le professeur.

"La menace ? Non... la peur ? Oui. Une menace qui ne suscite pas la peur est inutile. La peur, quant à elle, est l'une des meilleures armes mentales qu'un guerrier doit savoir manier..." commença-t-il, ses doigts manipulant le dispositif magique devant lui. Une carte holographique s'épanouit dans l'air, montrant les ressources minières, animales et végétales d'un monde fictif, accompagnées des reliefs et des créatures monstrueuses qui en peuplaient les recoins. Le professeur poursuivit sans se hâter : "Et pas seulement les guerriers, mais aussi les leaders. Vous avez étudié l'histoire des royaumes et des guerres ; maintenant, vous allez la vivre."

"Vivre ça ? Comment ?" se demanda Yoko, à peine audible.

Le professeur, l'air tranquille, expliqua avec une touche de défi : "Nous allons simuler l'ascension d'une civilisation pendant deux siècles. Les membres des civilisations dominantes qui auront su survivre seront épargnés des interrogations de cette année. Celles qui seront absorbées par des puissances supérieures auront des interrogations, comme prévu. Si une seule civilization, qui n'a pas eu à absorber d'autres reste, ses membres valident automatiquement l'examen des prodiges. Mais celles qui périront... y perdent leur droit d'accès."

Les étudiants échangèrent des regards étonnés, leur nervosité palpable.

"Professeur, l'examen des prodiges a une grande importance pour certains d'entre nous. Vous ne pouvez pas nous menacer avec ça," intervint Sorey, la voix tremblante, tandis que la classe murmurait avec inquiétude. Le professeur sourit légèrement, avant de répondre avec une gravité frappante :

"Dans la réalité, votre camp décidera si vous survivrez ou périrez. Ce n'est pas l'examen des prodiges qui est en jeu, mais bien votre vie." La salle se tut instantanément, le poids des mots jetant un silence lourd. Sorey se renfrogna, déstabilisé, et se rassis sans ajouter un mot.

"Professeur, à quoi effrayer les autres va-t-il nous mener ?" demanda Arwyna, l'expression perplexe sur le visage.

Le professeur Miller, toujours impassible, la regarda un instant, un léger sourire effleurant ses lèvres : "Vous ne l'avez pas encore compris ? Pourtant, c'était sous vos yeux depuis le début de l'année."

"Je crains de ne pas comprendre..." admit Corvus, son air légèrement anxieux trahissant son incertitude.

Le professeur hocha la tête, comme s'il s'y attendait : "Eh bien, qu'avez-vous pensé du professeur Shiki la première fois ?"

Les élèves se regardèrent entre eux, hésitants. Puis, lentement, les réponses commencèrent à fuser.

"Hum... il est maladroit ?" suggéra une humaine, provoquant quelques rires nerveux dans la salle.

"On le prenait pour un faiblard aussi," ajouta un Metaryon.

"Il faisait presque pitié, vu les monstres qui se trouvent dans cette classe," murmura un Elfe.

Le professeur les observa silencieusement, un regard perçant qui sondait les pensées des étudiants, avant de lancer : "Tiens, tiens... comme c'est intéressant. Et maintenant ? Qu'est-ce qui a changé ?"

La question fit frémir la classe. Ils étaient tous d'accord, quelque chose avait bien changé dans leur perception du professeur, mais quoi ?

"Eh bien... sa capacité à détruire un système d'énergie entier, ça c'est effrayant," répondit Troy, d'une voix qui trahissait une certaine appréhension.

"Ah, vous connaissez donc la peur, Monsieur Troy ?" dit le professeur, amusé, tandis que quelques étudiants gloussaient.

"Allons, allons, ne vous moquez pas de votre camarade," ajouta-t-il d'un ton léger. Mais l'ambiance était désormais différente, plus tendue.

Puis, il se tourna vers Corvus avec un regard calculateur. "J'ai une autre question pour vous, Monsieur Corvus. Si Mr. Areyos devenait un ennemi, seriez-vous prêt à l'éliminer, ou préfèreriez-vous tenter de trouver un terrain d'entente ?"

Corvus prit un moment pour réfléchir, son regard perdu dans l'espace. "Je chercherais un terrain d'entente," finit-il par répondre, d'un ton hésitant.

"Si je vous avais posé cette question avant votre combat contre lui, m'auriez-vous répondu de la même manière ?" demanda le professeur, un sourire fin sur les lèvres.

"Non... je ne pense pas," répondit Corvus, l'ombre d'une pensée nouvelle traversant ses yeux.

"Très bien. Dernière question, pour Messieurs Chad et Coddy," dit-il en appelant les deux Metaryons qui avaient perturbé Sorey un peu plus tôt. "Oseriez-vous vous attaquer à Mr. Sorey si Mr. Keldo se trouvait à proximité ?"

Les deux Metaryons se regardèrent un instant avant de répondre : "Ça dépend."

Le professeur esquissa un sourire énigmatique. "En effet, ça dépend. Si vous l'attaquez avec même une fraction de votre force, il mourra. Mais si c'est lui qui frappe en premier avec l'arme qu'il a utilisée pour battre Troy, alors c'est vous qui mourrez. Prenez-vous le risque de l'attaquer en sachant que vous pourriez échouer ? Et si cela se produisait, qui sait s'il voudra contre-attaquer ?"

"Croyez-moi je vais contre-attaquer. Après tout j'ai le droit de vous tuer par légitime défense" intervint Keldo, un sourire innocent flottant sur ses lèvres, presque en contraste avec la violence sous-jacente de ses paroles.

"Keldo est un gars intéressant," murmurai-je à côté de Kaiser, attirant son regard.

"Tu trouves ?" me demanda-t-il, un sourcil arqué.

"Oui. Il a un mental de vainqueur. Je sens qu'il ira loin," répondis-je, avant que le professeur ne nous observe furtivement, comme s'il avait entendu ma remarque.

Enfin, il se tourna vers Zayren avec une dernière question, un éclat étrange dans les yeux. "Et vous, Monsieur Zayren, oseriez-vous vivre tranquillement chez vous, sachant qu'Erina Shelter veut votre peau ?"

Le regard de Zayren s'assombrit, et la salle se tut, attendant sa réponse.

"Non... je ne pourrais pas. Je ne sais pas ce dont elle est capable, mais je sens qu'elle pourrait réussir à m'atteindre, d'une manière ou d'une autre," avoua Zayren, une sincérité brute dans sa voix.

"Une réponse honnête. Je dois dire que je ne m'y attendais pas," conclut le professeur, visiblement satisfait.

"Professeur, pourquoi toutes ces questions ?" demanda une humaine, encore perturbée.

Le professeur sourit légèrement, sa voix se faisant plus grave : "Pour vous montrer la puissance de la peur et ce qu'elle engendre, ou pourrait engendrer. Vous craignez le professeur Shiki, bien que sa gentillesse soit évidente, car vous redoutez son pouvoir. Si Monsieur Corvus préfère négocier avec Monsieur Areyos plutôt que l'éliminer, c'est qu'il craint ce qu'il pourrait subir s'il venait à l'affronter. Si Monsieur Coddy et Monsieur Chad hésitent à attaquer Keldo, c'est qu'ils savent que le risque est immense, même s'ils peuvent gagner."

Un frisson parcourut la classe, mais cette fois, un éclair de compréhension passa dans les yeux des étudiants.

"La peur est une arme, quelle que soit sa forme, son intensité, ou son origine. Parfois, soyez comme des roses : belles pour ceux qui vous contemplent, mais épineuses pour ceux qui veulent vous arracher de votre zone de confort."

Les étudiants restèrent bouche bée, comme si cette sagesse les avait frappés de plein fouet.

"Bien, assez parlé. Maintenant, je vais vous demander de choisir votre roi ou votre reine parmi vous. Choisissez bien, car ce choix déterminera soit votre survie, soit votre éradication."

À suivre…