Je relis le message encore et encore. Les mots tournent en boucle dans ma tête.
Lior... J'ai peur. Ils savent tout.
Qui sont "ils" ? Et qu'est-ce qu'ils savent ?
Un frisson me parcourt. Chaque mot pèse une tonne. Mon cœur tambourine si fort que j'ai l'impression qu'il va lâcher. Mes mains tremblent. Ce message, c'est pas une alerte, c'est une bombe. Je ne peux pas rester là à rien faire.
Je compose le numéro d'Elara. Une fois. Deux fois. Trois fois. Rien. À chaque tentative, la même voix robotique :
« Le numéro que vous essayez de joindre n'est plus attribué. »
Pas possible. Comment ça "plus attribué" ? Ça marchait encore ce matin !
Autour de moi, la rue continue de vivre comme si de rien n'était. Mais moi, je sens le piège se refermer. Tout cloche. Tout.
« Elara… qu'est-ce que tu as fait ? »
Je commence à marcher, sans trop savoir où je vais. Mais dans ma tête, tout est clair : faut que je retourne à l'hôpital. Peut-être que là-bas, je trouverai un truc. Un indice, une réponse, n'importe quoi.
Quand j'arrive devant les portes vitrées, je m'arrête net. Une voiture noire, garée juste devant. Vitres teintées, imposantes. La même que tout à l'heure. Celle qui m'a éclaboussé.
Mon instinct hurle de faire demi-tour. Mais je peux pas. Si Elara avait peur, c'est qu'elle savait quelque chose. Et si elle savait quelque chose, moi aussi, je dois le savoir.
Je pousse la porte et entre. Tout est calme. Trop calme. Chaque pas sur le carrelage résonne comme un coup de marteau. Une tension étrange flotte dans l'air. J'arrive à l'accueil. La réceptionniste tape sur son clavier, l'air ailleurs. Je prends une grande inspiration.
« Bonjour… Je cherche une patiente, Elara Fermont. Elle était ici plus tôt aujourd'hui. »
Elle lève les yeux, puis tapote son clavier. Mais son visage se fige. Elle plisse les yeux, hésite.
« Je suis désolée… Mais on n'a personne de ce nom ici. »
Je secoue la tête, incrédule.
« Vous faites erreur. J'étais là ce matin. Elle était en observation, dans une chambre. Vous pouvez vérifier à nouveau ? »
Elle hésite, avant de secouer doucement la tête.
« Désolée. Si elle était là, son dossier a dû être archivé ou transféré. »
Elle ment. Ça se voit. Elle évite mon regard, tape frénétiquement sur son clavier pour faire semblant de bosser. Avant que je puisse insister, un homme en blouse blanche s'approche. Grand, costaud. Mais son regard… Froid. Trop froid.
« Un problème, monsieur ? »
Je serre les poings. Ce mec respire la menace.
« Ouais. Je cherche Elara Fermont. Et personne ne semble vouloir me dire où elle est. »
Son sourire forcé me donne la gerbe.
« Peut-être que vous devriez rentrer chez vous, monsieur. Il n'y a personne ici de ce nom. Vous devez vous tromper d'établissement. »
« Vous mentez. Je sais ce que j'ai vu. »
Je sens qu'il va répondre, mais un bruit attire mon attention. Des pas lourds. Deux types en costume, au bout du couloir. Ils avancent lentement, mais leur simple présence me donne envie de fuir. C'est eux. Les types de la voiture noire.
Sans un mot, je pivote et m'éloigne. Pas de panique. Pas encore. Je marche vite, mais dès que je suis hors de leur vue, je me mets à courir. J'entends leurs pas accélérer derrière moi. Merde. Je pousse une porte de secours et déboule dans une ruelle sombre.
L'air glacé me brûle les poumons. J'essaie de reprendre mon souffle, adossé à un mur. Mais mon cerveau tourne à mille à l'heure. "Ils savent tout." Qu'est-ce que ça veut dire, bordel ?
Je sors mon téléphone, fouille mes photos. Une vieille image d'Elara attire mon attention. Elle est devant une sorte de bâtiment, et en arrière-plan, un symbole. Un cercle avec un triangle au centre. Ce logo… Je l'ai déjà vu quelque part.
Un bruit de pas me fait sursauter. Je lève les yeux. Une silhouette s'avance.
« Lior Voss ? »
Je recule, méfiant.
« C'est qui ? »
L'homme sort une carte et me la montre.
« Capitaine Rowan. Je bosse pour une unité spéciale. On doit parler, maintenant. Vous êtes en danger. »
Je le fixe, sceptique.
« Quel genre de danger ? Vous croyez que je vais vous faire confiance comme ça ? »
Il jette un coup d'œil derrière lui, visiblement nerveux.
« Si vous voulez des réponses sur Elara, vous n'avez pas le choix. »
Je vais pour répondre, mais une voiture noire s'arrête au bout de la ruelle. Les phares s'allument, nous éblouissant. Rowan se tend, glisse une main sous sa veste.
« Faites-moi confiance, murmure-t-il. Ou vous êtes mort. »
Les phares de la voiture me figent sur place. Deux portières claquent, et les mêmes types en costume s'avancent, lentement mais sûrement. Rowan se tourne vers moi, son regard brûlant d'urgence.
« Allez, bouge ! Maintenant ! »
Il attrape mon bras et me tire vers une autre ruelle. Je résiste, mais il murmure tout en étant agressif :
« Tu veux des réponses ou pas ? »
On s'engouffre dans des ruelles de plus en plus étroites. Derrière nous, des voix résonnent, puis des bruits de course. Ils nous suivent. Rowan sort une arme qu'il garde baissée.
« S'ils nous rattrapent, on est foutus. »
Je trébuche sur un pavé, manque de tomber, mais il me rattrape d'un geste sec.
« Tiens bon, Lior. On y est presque. »
« Presque où ? » je crache, à bout de souffle.
Il pointe un bâtiment en contrebas. Un entrepôt désaffecté, fenêtres brisées, tags sur les murs.
« Là-dedans. Fais-moi confiance. »
Je le suis, malgré moi. À peine à l'intérieur, il bloque la porte avec une barre métallique et scrute l'extérieur à travers une fissure.
« Ça va pas les retenir longtemps. »
Il se tourne vers moi, essoufflé mais déterminé.
« Écoute-moi bien, Lior. T'as aucune idée de ce dans quoi t'es embarqué. Mais si tu veux survivre, va falloir que tu m'écoutes. »
« Survivre à quoi ? » je crie presque, l'adrénaline me faisant trembler. « Tout ce que je veux, c'est savoir ce qui est arrivé à Elara ! »
Il prend une profonde inspiration, baisse son arme, et murmure :
« C'est bien pour ça que je suis là. Mais crois-moi, la vérité… tu vas pas l'aimer. »
Un bruit sourd retentit. Quelqu'un frappe à la porte. Rowan serre les dents, pointe son arme vers l'entrée. Les coups redoublent.
« Pas un bruit, » souffle-t-il. « Ça commence. »