Chapitre 43 : Début Février 1568

Le village d'ingénieurs que Shizuko avait bâti était au mieux révolutionnaire, au pire beaucoup trop unique.

Chaque maison équipée d'un hori-gotatsu, d'un irori et d'un endroit où étendre des serviettes mouillées pour augmenter l'humidité.

C'était une mesure prise pour lutter contre l'élévation soudaine du taux de décès entre décembre et février.

En hiver, la température et l'humidité étaient faibles, faisant que les virus et les bactéries devenaient plus actifs et provoquaient des épidémies.

Les contre-mesures à prendre étaient d'augmenter l'humidité et la température dans les maisons. Cependant, allumer un feu plus longtemps signifiait consommer plus de bois.

Des montagnes avaient été complètement vidées de leurs forêts lors de la production hâtive du petit bois nécessaire ; sur le court terme, cela n'était pas un problème, mais cela allait graduellement ruiner le sol des montagnes. Heureusement, Shizuko avait une solution simple pour répondre à ce problème.

Cette solution était le charbon de bambou.

Il produisait moins de chaleur que les charbons de bois tels que le binchōtan et ne brûlait que pendant 3-4 heures comparées aux 5-6 heures du charbon de bois.

Il était inférieur au charbon de bois sous tous les aspects mais il poussait infiniment plus rapidement.

Il ne lui fallait que 3-4 mois pour grandir jusqu'à une taille utilisable et environ 4 ans pour atteindre la qualité optimale pour être converti en produits en bambou.

En contraste, le cèdre et le cyprès avaient besoin de 20 ans pour ne grandir que de 10 mètres.

Le bambou Moso était le plus optimal à être converti en charbon, il avait été répandu dans tout le Japon durant l'époque d'Edo.

Il y avait diverses théories sur son origine, certaines vont jusqu'à dire qu'il avait été importé de Chine par une personne ayant une relation avec les temples mais aucune d'elle n'a été confirmée.

Voulant essayer de produire du charbon de bambou Moso en masse, Shizuko avait demandé à Kyūjirō d'obtenir des graines et des rhizomes.

Elle lui avait dit d'explorer deux routes différentes pour s'en procurer : les temples et l'importation directe de Chine.

Il était facile de faire la différence entre le Moso, le Madake et le Hachiku.

Le Moso n'avait qu'un anneau au niveau des nœuds et les nouveaux entre-nœuds avaient de la poudre blanche dessus, alors la poudre blanche sous les anneaux était facile à remarquer.

Le Madake avait deux anneaux au niveau des nœuds, l'anneau du haut étant plus facile à remarquer et doux au toucher si le bambou était mince.

Le Hachiku avait lui aussi deux anneaux au niveau des nœuds mais son tronc était blanchâtre et l'anneau du haut était relativement anguleux.

Par conséquent, elle lui avait dit que si le bambou n'avait qu'un anneau au niveau des nœuds et qu'il y avait de la poudre blanche sur les anneaux les plus jeunes, alors c'était du bambou Moso.

Elle avait dit qu'il lui fallait environ cinq rhizomes et autant de graines que possible et Kyūjirō avait accepté avec son sourire suspicieux habituel.

Ayant conclu un accord, Shizuko lui avait donné un acompte et des frais d'opération. Les fonctionnaires et les personnes affiliés aux temples et aux sanctuaires ne pouvaient pas résister à l'argent.

Étant consciente de cela, elle lui avait payé un supplément.

Ayant dépensé beaucoup d'argent, Shizuko avait pensé qu'elle avait besoin d'être frugale pendant quelques temps mais ce n'était que sa fortune monétaire qui avait temporairement baissé, elle ignorait que la valeur des biens qu'elle possédait était comparable aux riches fermiers des générations futures.

En attendant l'arrivée du bambou Moso, elle avait créé des bambouseraies de Madake et d'Hachiku.

Les deux bambouseraies étaient très larges alors il n'y avait pas à craindre une pénurie de charbon de bambou.

Durant la fabrication du charbon de bambou, le vinaigre de bambou et le goudron de bois étaient extraits comme sous-produits, mais le liquide brut devait d'abord être laissé reposé pendant au moins trois mois avant que le vinaigre puisse être séparé du goudron via la décantation.

Cependant, le vinaigre de bambou avait des usages variés, notamment des effets désodorisants, stérilisants, antibactériens et insectifuges, l'amélioration de la terre, le compostage, les soins de la peau, la réduction d'utilisations de pesticides et le maintien de la température du bain.

Le goudron de bois avait lui aussi des propriétés antibactériennes contrairement au goudron de houille qui était issu du pétrole. Leurs odeurs étaient également différentes.

Tout comme le vinaigre de bambou, il était également très efficace en tant qu'insectifuge et était résistant à la moisissure, l'eau, l'acide, l'huile, le sel, la corrosion et les termites.

Appliqué sur des matériaux de construction, il offrait des propriétés insectifuges et imperméables et, une fois sec, ne se ramollissait pas même sous des températures élevées.

Une fois complètement sec, il ne dégageait plus d'odeur en raison de ses puissantes propriétés antibactériennes. Il était utilisé dans la médecine traditionnelle en Finlande.

S'il était dilué avec de l'eau, ses utilisations devenaient encore plus variées.

Le seul inconvénient était qu'il fallait d'abord le laisser reposer, ce qui signifiait qu'on ne pouvait pas le produire en masse sur-le-champ.

Les toilettes avaient été construites selon celles de l'époque d'Edo : des toilettes publiques avaient été construites partout et les déchets étaient régulièrement ramassés et envoyés à une fosse sceptique où ils seraient convertis en engrais.

L'habitude de prendre des bains avait également été encouragée afin de promouvoir l'hygiène. Naturellement, se baigner tous les jours était beaucoup trop cher, mais Shizuko avait arrangé suffisamment de combustibles pour que les habitants puissent se baigner deux ou trois fois par semaine.

Naturellement, ils faisaient brûler du bambou. Le bambou contenait beaucoup d'huile, faisant qu'il brûlait rapidement, et sa structure creuse lui permettait de brûler sans faire bouillir l'eau trop fort, ce qui était pratique.

Un [réfectoire] avait été construit pour les repas. Il était plus efficace de cuisiner pour tous au même endroit que de laisser chaque personne cuisiner chez soi.

Il était également plus facile de récolter les déchets. De plus, des boîtes de collecte de déchets organiques destinés au compostage avaient été installés dans divers endroits de la ville et étaient collectées régulièrement.

Mais cela ne signifiait pas que les femmes étaient libérées de leurs tâches de cuisinières. Les femmes qui travaillaient au réfectoire étaient celles qui cuisinaient à la maison.

En conséquence, les plats servis au [réfectoire] avaient des goûts variés.

Shizuko avait craint que les goûts variés allaient mener à des avis biaisés, mais à sa surprise, les villageois trouvaient que ces plats aux goûts différents étaient une forme d'amusement.

La sécurité avait été modelée selon les organisations policières du monde moderne.

Sur le papier, cela semblait bien, mais en réalité, la structure était simple : des policiers professionnels étaient sélectionnés pour travailler par équipes dans des commissariats installés dans la ville. Les agents travaillaient en binômes avec des chiens.

Les chiens entraînés pouvaient accomplir des missions variées telles que monter la garde, partir en éclaireur, livrer des messages et trouver des soldats blessés.

Même un entraînement de base et une relation maître-animal de compagnie basique suffisait pour que les humains jouissent des nombreuses capacités innées des chiens.

Pourquoi les chiens ? Un bref coup d'œil à l'Histoire donnait rapidement la réponse.

Il ne serait pas exagéré de dire que le chien était le compagnon le plus ancien de l'homme.

Des fossiles de chiens étaient presque toujours trouvés parmi les fossiles d'humains.

Les chiens avaient été choisis par rapport aux animaux car durant les temps anciens, lorsque la lumière était faible, les chiens étaient les premiers à détecter les ennemis tapis dans l'obscurité.

Grâce à la sociabilité des chiens ainsi qu'à leur odorat et à leur ouïe, les humains avaient surmonté de nombreuses crises.

Les chiens avaient une longue histoire militaire, ils faisaient partie des troupes employées par la Grèce antique.

Durant l'époque de l'Empire romain, des armées de chiens avaient été formées afin d'avoir l'avantage face aux ennemis tapis dans les forêts tels que les Celtes et les Germains.

Ils étaient utilisés autant pour la défense que pour l'attaque, les grecs et les romains gardaient des chiens dans leurs forteresses pour détecter les ennemis en approche via leurs sens affûtés.

Depuis l'époque d'Aristotle, les chiens étaient traités comme de braves guerriers et les loyaux amis des humains.

Les chiens japonais, en particulier, étaient simples, loyaux et braves. Ils étaient de très bons chiens de garde.

Les faire patrouiller régulièrement en ville était une mesure efficace contre les espions ; et même lorsqu'il y avait une intrusion, les chiens sentaient les odeurs et les présences inhabituelles.

Et même si les espions parvenaient, avec une grande difficulté, à les éviter, ils auraient du mal à trouver des informations utiles à rapporter.

C'est parce que le village de la technologie que Shizuko avait bâti n'était pas un lieu où l'on étudiait et développait des technologies militaires, c'était un endroit qui convertissait les technologies militaires en technologies civiles et qui reproduisait divers outils du monde moderne.

***

Juste au moment où les villageois s'étaient habitués à la vie dans le village de la technologie, la première requête irraisonnable de Shizuko frappa à leur porte.

"Euh... vous voulez qu'on fasse quelque chose de similaire à ça ?"

Quelqu'un posa cette question au nom des artisans du bois qui avaient été rassemblés.

"Oui. Ou plutôt, je voudrais que vous reproduisiez le bouchon."

Shizuko sourit, ignorant intentionnellement leur confusion.

Leur confusion était parfaitement naturelle, Shizuko leur avait présenté une bouteille en plastique du monde moderne.

Les artisans n'avaient pas pu s'empêcher d'être confus face à cette chose qu'ils n'avaient jamais vue auparavant.

"Ça utilise la même technologie de vissage que les arquebuses. Comme ça, le contenu ne fuit pas et on a une super étanchéité à l'air. Regardez."

Elle prit la bouteille en plastique, sortit une bouteille en bambou fermée par une plaquette en bois et les tint toutes les deux à l'envers.

Incapable de supporter la pression de l'eau, la plaque qui servait de bouchon s'éjecta et l'eau tomba.

À l'inverse, le bouchon de la bouteille en plastique tenait bon et l'eau et fuyait pas.

"Oooh..."

Les artisans furent surpris et s'exclamèrent d'admiration. Shizuko leur transmis sa requête alors qu'ils étaient impressionnés.

"Vous avez deux mois pour répliquer ça avec une bouteille de bambou du même diamètre que dans ces schémas. Les fonds de recherche sont dans cette boîte, alors n'hésitez pas à vous en servir. Oh, et tâchez de finir dans les temps, sinon la colère du seigneur s'abattra sur vous."

Shizuko leur donna des schémas de bouchons de bouteilles en plastique, des fonds de recherche et le modèle original pour leurs recherches.

Puis elle sortit avant que les menuisiers n'aient pu dire quoi que ce soit.

Quelques temps après le départ de Shizuko, ils reprirent enfin leurs esprits et touchèrent avec hésitation la bouteille en plastique.

Bien qu'ils étaient initialement effrayés, leurs esprits d'artisans s'étaient enflammés et ils furent complètement absorbés par leur travail.

Elle fit la même chose avec les tisseurs, les potiers et les forgerons.

Elle demanda aux tisseurs de répliquer les T-shirts, les sous-vêtements et les shorts qui étaient dans son sac de sport et aux potiers de maîtriser l'utilisation des fours dragons et d'établir un système de production de poteries en masse.

Quant aux forgerons, ils furent chargés de reproduire les nombreux outils agricoles que Shizuko avait dessinés.

Certains objets demandèrent la collaboration entre deux métiers tels que les forgerons et les menuisiers pour les tonneaux en bois.

Elle avait toujours pensé à tort que les distillateurs étaient faits avec du caoutchouc et un métal tel que l'acier inoxydable.

Mais cela lui avait fait se demander comment le Japon avait pu distiller du shōchū durant l'époque d'Edo, une époque où le caoutchouc n'était pas disponible ou était un produit de luxe.

Alors qu'elle fouillait dans ses souvenirs à la recherche d'un indice, elle s'était rappelée avoir vu un [tonneau distillateur] durant un voyage à Kagoshima.

Il utilisait une petite quantité de métal et de briques mais était principalement fait avec du bois et du bambou. Les principes et les techniques de distillation étaient les mêmes, et ce peu importe s'il était fait de bois ou de métal.

Comme il n'y avait aucune raison de ne pas en faire, Shizuko avait ordonné la fabrication de tonneaux de distillation.

"Mmh... je voudrais avoir du caoutchouc, mais on en a pas au naturel... la version factice est faite avec du souffre et des huiles végétales... mais il y a trop de combinaisons différentes, je sais pas laquelle est la meilleure..."

Même lorsque le caoutchouc naturel n'était pas disponible, il était possible de fabriquer une version synthétique appelé du factice.

Le factice avait une longue histoire : en Europe médiévale, de l'huile de lin avait été mélangé avec du souffre, créant une substance élastique et résineuse.

En raison de ses propriétés antiseptiques, il était principalement utilisé en chirurgie.

Après l'apparition du caoutchouc synthétique, son rôle avait changé, devenant un agent gonflant, un adoucissant puis un auxiliaire de fabrication.

"On peut avoir de l'huile végétale avec les tournesols... mais le problème, c'est le souffre. On peut en avoir facilement parce qu'il est utilisé pour fabriquer la poudre noire mais on en aura pas assez pour les expériences."

À l'heure actuelle, il était difficile de se procurer du souffre en grande quantité en raison des priorités de développement. Et l'huile végétale était elle aussi une denrée précieuse, alors Shizuko savait qu'elle ne pouvait pas effectuer de recherches extravagantes pour le moment.

Les artisans étaient tous occupés à fabriquer des choses mais les forgerons étaient exceptionnellement stricts, ils ne s'arrêtaient pas dès qu'ils avaient fini de fabriquer quelque chose.

Lorsqu'un produit était terminé, il était testé, les problèmes remarqués étaient notés dans la rétroaction et le produit était mis à niveau, créant un développement cyclique.

Ces objets du quotidien allaient être utilisés même après que le pays soit unifié. Même s'ils avaient un début légèrement correct, il était nécessaire de les perfectionner petit à petit.

Plus tôt ils commençaient, plus il était probable de trouver des défauts, alors ils devaient continuer de tester même si la reproductibilité était faible.

Par conséquent, Shizuko avait ordonné à ce que les expérimentations soient menées lorsque les produits avaient pris une certaine forme.

Shizuko n'avait pas fait que donner des instructions aux villageois, elle devait également cultiver les graines et les semis dans le sac de sport.

Le propriétaire du journal voulait faire pousser les graines et les semis, mais il était impossible de tous les cultiver.

Les combinaisons étaient désastreuses. Cela n'était pas un problème pour la première année mais le sol serait ruiné d'ici quelques ans.

Au vu de la collection aléatoire de graines et de semis, Shizuko pensait que le propriétaire était un amateur.

Les amateurs essayaient toujours de cultiver plusieurs légumes différents en se disant [je veux faire pousser des tas de choses]. Pour dire la vérité, Shizuko avait fait la même chose au début, et cela avait ruiné son jardin.

Mais cela ne fonctionnait pas ainsi. Les plantes pouvaient pousser ensemble comme des compagnes, mais si elles étaient cultivées d'une manière qui attirait les prédateurs, elles mourraient ensemble.

La première chose qu'elle devait faire était de trier les graines et les semis, alors elle rouvrit le sac de sport et fut confrontée à un nouveau problème.

Cela n'avait pas été évident au premier regard, mais maintenant qu'elle regardait de plus près, plusieurs semis avaient été endommagés. Au vu de l'étendue des dégâts, ils devaient avoir été frappés sur le côté avec une puissance non négligeable.

Shizuko se demanda si le propriétaire s'était cogné sur quelque chose alors qu'il tenait le sac, mais décida qu'il ne servait à rien d'essayer de découvrir la raison, alors elle se mit à inspecter les graines et les semis.

Après inspection, elle vit que les plants de pruniers étaient les plus endommagés.

Il y avait deux variétés de pruniers : un type peu auto-fertile et un type qui produisait beaucoup de pollen et devait être planté en conjonction avec l'autre type. Mais les deux variantes étaient gravement endommagées, probablement parce qu'ils étaient du côté le plus à l'extérieur du sac.

Dans le monde moderne, ils auraient probablement pu être réparés, mais à l'époque Sengoku où les outils tels que le ruban adhésif n'étaient pas disponibles, Shizuko dut faire une croix sur eux.

Et les pruniers n'étaient pas les seules victimes, deux semis de citronniers et un semis de mandarinier étaient irrécupérables.

Au final, un seul semis de citronnier et deux semis de mandarinier étaient saufs.

Mais la tragédie ne s'arrêtait pas là. Des semis cassés s'étaient coincés sur les semis de snack pines. Six des vingt semis de snack pines étaient ruinés.

Les semis cassés avaient également déchiré les sacs de graines d'aloe kidachi, de strelitzia et de cosmos. Les graines avaient été mélangées et faire le tri prendrait trop de temps, alors Shizuko décida les jeter.

Au final, elle allait faire pousser les deux grains : le riz et l'avoine.

Du côté des légumes, elle allait faire pousser les épinards, les choux de Pékin, les haricots blancs, les pois mange-tout, les pommes de terre, les gombo et les cacahuètes.

Du côté des fruits, elle ferait pousser les citrons, les mandarines satsuma, les pastèques et les snack pine.

Quant aux fleurs, elle allait planter les pyrèthres de Dalmatie, les tournesols, les aloe vera, les ballons d'or, les œillets d'Inde et le laurier.

Elle avait pensé faire de l'engrais vert avec l'avoine et les tournesols mais elle avait besoin de leurs graines.

Par conséquent, l'avoine serait planté uniquement pour l'amélioration des sols, prenant avantage de son système racinaire. Les tournesols seraient écrasés et transformés en engrais vert à l'exception de leurs graines.

Les œillets d'Inde et le laurier seraient plantés côte-à-côté.

Shizuko avait décidé de ne pas faire pousser les autres fleurs parce qu'elle n'avait pas le temps. Dans le monde moderne, où il y a de l'engrais, du terreau de feuilles et des remèdes pour diverses maladies, elle aurait pu le faire, mais à l'époque Sengoku où tout cela n'était pas disponible, il était futile de les faire pousser.

Les plantes qu'elle avait choisies étaient les plus rentables. Cependant, la pérille était une plante invasive avec une terrifiante capacité de reproduction, alors elle avait décidé de la garder loin des autres cultures.

Même dans le monde moderne, la pérille avait des surnoms négatifs tels que [plante guérilla] ou [terroriste vert]. Que ce soit des petits jardiniers ou des fermiers professionnels, il y avait des plantes qui [ne devraient pousser que dans certains environnement].

La pérille, également appelée le shiso, faisait partie de cette catégorie, mais elle était utilisée pour faire des umeboshi alors elle ne pouvait pas complètement être jetée. Par conséquent, elle serait isolée du reste et cultivée dans un petit potager en briques.

Les ballons d'or étaient basiquement des cactus, alors il n'y avait pas vraiment d'intérêt à les faire pousser, mais elle les avait pris parce qu'ils ne demandaient pas beaucoup d'efforts.

Alors que Shizuko calculait le timing et préparait les autres graines, elle reçut de nouvelles instructions de Nobunaga.

L'une d'elles était [d'augmenter la production de sel]. Cela n'était pas un problème car elle s'y était attendue, mais cela restait un ordre de plus.

Mais l'autre était un ordre mystérieux de [faire déménager les habitants du village de Shizuko vers la ville en expansion].

***

Même Shizuko ne pouvait pas accepter la relocalisation soudaine des villageois.

Elle demanda une audience afin d'en connaître la raison et elle l'obtint étonnamment rapidement.

Shizuko ignorait si Nobunaga avait anticipé cela ou s'il était simplement de bonne humeur, mais elle saisit l'opportunité et se rendit immédiatement chez lui.

Une fois devant Nobunaga, Shizuko lui demanda pourquoi cette relocalisation soudaine à un tel moment. Si les choses tournaient mal, la production diminuerait et ils ne seraient pas capables de payer les impôts.

"Ça ne me dérange pas."

La réponse de Nobunaga fut brève.

Il avait répondu avec une attitude si digne que pendant un instant, Shizuko eut la fausse impression qu'elle s'était inquiétée pour rien.

"M-Mais, si on fait ça, la production risque de gravement baisser... Même si on ignore ça, est-ce qu'il y a une raison pour forcer les gens à déménager ?"

Elle avait rapidement secoué la tête et demandé à Nobunaga à quoi il pensait.

"Même si les impôts de cette année seront faibles, tant que les tributs des prochaines années augmentent continuellement, ce ne sera pas un problème. Et pour ça, il faut envoyer les paysans qui ont appris tes techniques à divers endroits pour qu'ils les enseignent."

Après avoir fait sortir les autres, Nobunaga expliqua son plan secret.

Son plan était si extraordinaire qu'il ne serait pas exagéré de dire qu'il était complètement insensé autant durant l'époque Sengoku que dans le monde moderne.

Son plan, basé sur l'efficacité rigoureuse, se résumait ainsi :

Tout d'abord, 20-30 personnes seraient recrutées dans chaque village. Les 30 paysans originaux, dont Shizuko, ne feraient pas partie de la liste.

Les paysans rassemblés iraient fonder six villages qui seraient utilisés comme bases pour fonder et grouper 3-5 villages comme des satellites.

Ces groupes de villages seraient appelés des [Gumi] et ces [Gumi] seraient groupés par trois pour former des [Machi].

Nobunaga appelait ce plan le [Sankumi no Ichimachi (Villes de trois)].

Le système de [Villes de trois] fonctionnerait de la manière suivante :

Premièrement, les villages de base feraient comme Shizuko : prodiguer de l'éducation agricole et du soutien à chaque village.

Le riz stocké durant la récolte de la première année serait payé au clan Oda en tant que [collatéral].

Et à partir de l'année suivante, les [groupes] feraient pousser des cultures différentes tous les ans.

Par exemple, durant la première année, le [Groupe A] produirait du riz et du soja, le [Groupe B] du riz et des patates douces et le [Groupe C] du riz et des œufs ; durant la deuxième année, le [Groupe A] produirait du riz et des patates douces, le [Groupe B] du riz et des œufs et le [Groupe C] du riz et du soja ; durant la troisième année, le [Groupe A] produirait du riz et des œufs, le [Groupe B] du riz et du soja et le [Groupe C] du riz et des patates douces.

À la quatrième année, ils planteraient les mêmes cultures que durant la première année et le [collatéral] payé il y a trois ans serait remboursé. Cependant, une nouvelle [garantie] serait demandée pour les trois prochaines années.

Ces contrats fixes seraient considérés comme des CDD de 2-3 ans dans le monde moderne. Naturellement, si les villages souhaitaient résilier leur contrat avant la fin des trois ans, il leur faudrait payer une immense pénalité.

S'ils ne pouvaient pas payer, le riz stocké qui avait été déposé en garantie serait confisqué.

Si cette boucle était répétée cinq fois, le taux d'imposition passerait de 50/50 entre les citoyens publics et les citoyens privés à 40 % pour les citoyens publics et 60 % pour les citoyens privés.

De plus, dans le cadre des avantages offerts aux employés, des gâteaux de riz seraient livrés lors des fêtes du Nouvel An et des récoltes.

Chaque villageois recevrait trois kagami mochi, et un autre serait donné aux villages eux-mêmes. Cela servirait à accroître la motivation au travail.

Nobunaga avait également envisagé des mesures spéciales pour donner des traitements de faveur aux paysans afin de renforcer leur motivation et d'éviter les trahisons.

Mais il ne les avait pas rendues publiques. Conformément aux citations de Machiavel qui disaient [les bénéfices doivent être données avec parcimonie pour que les gens puissent les apprécier longtemps], la carotte devait être donnée en petites doses.

Naturellement, plutôt que de simplement donner des bonbons, il équilibrerait les choses en apportant des modifications négatives aux endroits difficiles à remarquer.

"Euh, ça a l'air plutôt pingre..."

"Un seigneur ne doit pas craindre d'être vu comme un pingre. La fin justifie les moyens. Par conséquent, même si je mens à mon peuple, tant que je leur fait croire que les résultats sont bons pour eux, ils ne seront pas dérangés par ma politique. J'ai juste à leur donner des rêves raisonnables et les empâter."

"Je vois... entendu. Je n'avais pas perçu vos véritables intentions, alors je me suis montrée stupide."

"Ce n'est rien. N'hésite pas à me poser des questions. Cela peut parfois mener à de meilleures choses."

Shizuko fut surprise par ses mots. Elle pensait que Nobunaga était un homme qui avait une confiance absolue en ses idées et n'était pas facilement influencé par les opinions des autres.

Nobunaga remarqua le regard de Shizuko et lui expliqua avec une expression parfaitement normale :

"Il n'y a pas vraiment de quoi être surprise. Jusqu'à présent, je pensais que ma façon de penser était la bonne. Mais après que tu m'aies exposé au monde extérieur, j'ai réalisé à quel point je manquais d'expérience. Le monde est vaste et il y a de nombreux gens là-bas qui savent des choses que j'ignore. Alors j'ai décidé de m'emparer de leur savoir, d'apprendre de leurs expériences et de les faire miennes."

***

À la fin de février, Shizuko s'attela à la création de grands marais salants qui seront directement sous la supervision de Nobunaga.

Comme Shizuko vivait à la campagne, la zone côtière servant à la création des marais salants devait d'abord être développée.

Comme personne n'avait fait cela auparavant, la majorité de la zone côtière était constituée de terre vierge.

Et il y avait un autre problème : l'eau.

La péninsule de Chita était longue et étroite, et elle n'avait pas de grandes rivières, faisant qu'elle manquait souvent d'eau.

En conséquence, les paysans dépendaient de l'eau de pluie stockée par des bassins de rétention. Et si la sécheresse frappait, ils sombreraient immédiatement dans la famine.

En attendant la construction du canal d'irrigation de la préfecture d'Aichi (septembre 1961), les paysans avaient vécu dans la crainte constante d'une sécheresse.

Le canal d'irrigation d'Aichi était une voie d'eau de 112 km qui allait du fleuve Kiso au bout de la péninsule de Chita. Il pouvait être comparé aux artères du corps humain.

Il était constitué de 1 012 km de canaux secondaires qui partaient de ces « artères » et servaient de « capillaires » transportant les nutriments vers les diverses parties du corps.

Les personnages centraux de ce vaste projets étaient Kuno Shōtarō, un fermier dévoué, et Hamajima Tatsuo, un professeur du Lycée d'Agriculture et de Foresterie d'Anjō.

Le futur qu'ils avaient imaginé était devenu réalité après neuf ans de planification, quatre ans de construction et un coût total de 42,3 milliards de yens, devenant ainsi le premier projet méga-national du Japon après la guerre.

Heureusement, la population actuelle n'était pas aussi importante qu'à l'ère Shōwa, alors les gens ne s'entretuaient pas pour une goutte d'eau et il était possible de boire l'eau des petits ruisseaux des zones inhabitées.

Cependant, ils ne pouvaient obtenir que de l'eau potable, il était presque impossible d'utiliser cette eau pour l'agriculture et il était difficile de construire des rivières artificielles car il n'y avait que des petits ruisseaux.

Au final, ils avaient décidé de créer de grands marais salants à la base de la péninsule de Chita et de détourner la rivière Tenpaku pour apporter l'eau des usage quotidiens.

Après cela, il ne resta plus qu'à envoyer les personnes préparées par Nobunaga s'installer là-bas.

Et après cela, tout serait terminé. Du moins, c'était ce que Shizuko avait espéré, mais la réalité était cruelle :

"Un groupe de pécheurs ?"

Shizuko pencha la tête face aux mots du chef et représentant des villageois qui s'étaient installés.

"Oui. Après avoir discuté avec le seigneur Oda, nous avions décidé de nous installer ici et de nous concentrer sur la production de sel. Cependant, j'avais pensé que nous ne pouvions pas dépendre uniquement du sel, alors j'en avais discuté avec le seigneur."

"Ah, je vois ce que vous voulez dire."

Il était compréhensible que les villageois, y compris leur chef, s'inquiètent de savoir s'ils seraient capable de joindre les deux bouts rien qu'avec la production de sel.

Si la production de sel échouait, la seule chose qui les attendait était la faim.

"Le seigneur a alors recommandé que nous nous lancions dans la pêche comme activité secondaire. Et il avait dit que vous nous enseigneriez quelques techniques... ?"

"Oh... (Ce serait tellement plus simple si je pouvais juste dire « J'ai rien entendu ! ») Eh bien, j'imagine que je peux vous donner quelques leçons de base."

Shizuko avait dit cela, mais elle n'avait pas vraiment d'expérience en matière de pêche, en particulier la pêche à grande échelle.

Elle avait des plans de construction pour des bateaux de transport et des grands bateaux de pêche mais les dimensions étaient écrites selon les unités de mesure modernes, donc ils ne pouvaient pas être construits immédiatement.

Si cette ville est une réussite, je demanderai au seigneur d'unifier les poids et les mesures selon le SI. Si on utilise une table de correspondance, ce sera pas une mince affaire s'il y a des erreurs. Il vaut mieux unifier les normes même si ça signifie une baisse temporaire des profits et du revenu.

Unifier les unités de mesure rendait les fraudes plus difficiles à accomplir et réduirait le nombre de marchands sans scrupule. Les récoltes seraient calculées selon la taille du terrain, les impôts seraient calculés plus précisément et le surplus serait restitué aux habitants.

Sur le long terme, la standardisation des unités était bénéfique. Et l'établissement d'un système d'unités était également un symbole de pouvoir jusqu'au début de l'époque moderne.

Hideyoshi, qui avait succédé à Nobunaga, et Ieyasu, qui avait fondé le shogunat d'Edo, avaient tous deux unifiés les unités de poids et de mesure.

"Merci, et désolé de vous demander cela."

"C'est rien. Par contre, je trouve pas les bateaux de pêche. Où est-ce qu'ils sont ?"

Les habitants étaient des gens que Nobunaga avait fait venir de quelque part, comme d'habitude. Des maisons avaient été construites pour eux, mais Shizuko ne voyait aucun bateau de pêche. Il n'y avait pas non plus de quai où les amarrer.

Shizuko fut décontenancée, pensant qu'ils devaient littéralement commencer par la construction de bateaux de pêche.

"Euh, je crois que le seigneur Oda avait dit qu'il nous les fournirait."

Il semble qu'elle s'était inquiétée pour rien et que les bateaux de pêche étaient construits ailleurs et n'étaient pas encore arrivés.

"Dans ce cas, ça va. Hum... je pense que les palangres, les cages et les pots à poulpe devraient être un bon départ. Quand vous vous y serez habitués, la pêche aux coquillages devrait être une bonne option supplémentaire. Et après ça, les crabes, peut-être... ?"

"Euh..."

"(Ça va, ça va, je vais expliquer !) D'abord, on va parler de la pêche à la palangre..."

Au final, Shizuko dut tout expliquer jusqu'à ce qu'il soit l'heure de rentrer.

***

Environ une semaine plus tard, les bateaux de pêche furent arrivés.

Shizuko reçut le rapport quelques jours plus tard et se rendit immédiatement au village. Une fois arrivée, elle vit onze bateaux de pêche, huit petits et trois de taille moyenne, amarrés au quai.

Les pots à poulpe, les cages remplis d'appâts et les palangres avaient également été fabriqués et ont été mis sur les bateaux dès leur arrivée.

Les pots à poulpe et les cages avaient des structures simples et étaient faciles à utiliser, faisant que même les amateurs pouvaient faire de bonnes prises.

Les cages étaient même si efficaces que le monde moderne avait imposé une limite à leur nombre au nom de la préservation des ressources.

"Ça fait déjà 3 jours, je crois qu'il est temps d'aller les chercher."

"Oui. Malheureusement, nous n'avons pas réussi avec les palangres hier et le jour d'avant, alors nous allons les mettre à un endroit différent, aujourd'hui. Mais n'oubliez pas ce qu'a dit Shizuko-sama, il ne faut pas aller à un endroit où le drapeau n'est plus visible."

Lorsqu'un accident maritime se produisait, le désastre était inévitable.

Le désastre maritime le plus célèbre du monde s'était produit le 14 avril 1912 (an 45 de l'ère Meiji), lorsque le paquebot britannique [Titanic] s'était heurté à un iceberg et avait coulé lors de son voyage inaugural, faisant 1 517 morts.

Puis le 29 mai 1914 (an 3 de l'ère Taishō), le paquebot canadien [Empress of Ireland] avait fait la collision avec le [Storstad], un charbonnier norvégien, dans le fleuve Saint-Laurent à cause d'une brume épaisse et avait coulé ; 1 024 personnes avaient péri ou étaient portées disparues.

Le 15 avril 1910 (an 43 de l'ère Meiji), le sixième sous-marin de la marine impériale japonaise avait coulé durant une session d'expérimentation de sous-marin alimenté par essence. Les quatorze sous-mariniers, dont le capitaine Tsutomu Sakuma, avaient péri dans l'exercice de leurs fonctions.

Un naufrage durant l'époque Sengoku serait encore plus tragique.

Si quelqu'un tombait par-dessus bord et se faisait emporter par le courant, ce serait la fin. Il ne remettrait jamais les pieds sur terre.

Les habitants du village étaient à la fois des pécheurs et des fabricants de sel. Ils devaient [valoriser leurs vies] autant que possible.

Par conséquent, Shizuko leur avait imposé certaines règles :

Durant la pêche, ils devaient hisser un drapeau pour indiquer l'emplacement du village (un point de repère facile à suivre).

Ils devaient porter un tube en bambou attaché à une corde en paille (une alternative au gilet de sauvetage).

Ils devaient attacher une corde entre eux et le bateau (bouée de sauvetage).

Ils ne devaient pas pécher durant la nuit ou sous un mauvais temps (éviter les dangers).

S'ils ne respectaient pas ces règles, les bateaux de pêche seraient confisqués et ils seraient contraints de se focaliser complètement sur la production de sel.

Au départ, ils ne comprenaient pas pourquoi de telles règles étaient nécessaires, et ils avaient eu la réponse à leur question le jour précédent, lorsqu'un villageois était tombé par-dessus bord.

Le temps en mer pouvait facilement être mauvais et la moindre imprudence pouvait être fatale. Les règles de Shizuko servaient à éviter cela autant que possible.

"Ah, ils sont revenus. Hum... ils ont pas l'air d'avoir bonne mine."

"Peut-être qu'ils n'ont pas eu de bonnes prises."

Les bateaux de pêche étaient arrivés au quai alors qu'ils discutaient. Des cordes furent attachées aux ports d'amarrage.

Une fois cela fait, les pécheurs déchargèrent les caisses qui devaient contenir leurs prises.

Étant donné qu'il fallait plusieurs personnes pour porter les boîtes, ils avaient probablement eu de bons résultats, mais étrangement, leurs visages étaient sombres.

L'un des pécheurs posa sa main sur l'une des boîtes alignées devant Shizuko et lui demanda :

"Nous avons tout ramené, mais... euh, qu'est-ce que c'est que ça ?"

Il dit ces mots en ouvrant la boîte.

Elle contenait un poulpe ordinaire. Il y avait également d'autres mollusques marins tels que des calmars volants japonais et des calmars récifaux à grandes nageoires.

"(... Il en a jamais vu, avant ?) Euh, juste pour être sûre. C'est la première fois que vous péchez en mer ?"

"O-Oui. C'est dur à admettre, mais nous avons seulement péché dans des rivières... c'est notre première fois en mer."

Ils étaient tous des pécheurs spécialisés dans les poissons des rivières.

Cela expliquait leurs expressions étranges à la vue de leurs prises.

"B-Bon, les prises sont clairement différentes de ce que vous péchez d'habitude, mais c'est bien ce qu'il faut ramener. Bon, qu'est-ce qu'il y a d'autre ?"

Elle ouvrit une boîte qui servait de glacière.

Les cages avaient principalement capturé des crevettes et des crabes. La plupart des crevettes étaient des crevettes kuruma tandis que les crabes étaient majoritairement des crabes bleus.

Puis elle inspecta les palangres. Il y avait des sillagos et des gobies, mais les poissons étaient majoritairement des chinchards.

Lorsqu'elle regarda plus attentivement, Shizuko remarqua qu'il y avait également des poissons-globes parmi eux, alors elle en prit un et le montra aux villageois.

"Hé, celui-là est dangereux. Alors ne le mangez pas."

"... Qu'est-ce qui se passe si on le mange ?"

"Vous mourrez dans d'atroces souffrances."

Le chef du village avait timidement demandé et Shizuko lui avait répondu sans hésitation.

Le composant principal du poison qui s'accumulait dans le corps des poissons-globes était la tétrodotoxine.

La tétrodotoxine était environ 850 fois plus toxique que le cyanure de potassium, un poison fréquemment utilisé par les films et les séries télévisées.

Un homme adulte ordinaire pouvait facilement mourir après avoir avalé seulement 1-2 mg de cette substance. Il était également résistant à la chaleur et ne se décomposait pas face à une température d'environ 300 degrés, le niveau utilisé en cuisine.

De plus, une fois que la toxine était absorbée dans le corps, il était difficile de s'en débarrasser avec des médicaments, alors le seul moyen de stimuler le cœur était d'administrer des stimulants cardiaques et d'encourager l'excrétion de la toxine dans l'urine à l'aide de diurétiques.

La tétrodotoxine agit également sur le système nerveux, provoquant des problèmes de respiration, alors il était également nécessaire de prodiguer une respiration artificielle.

"Au passage, l'emplacement du poison varie selon l'espèce et la saison, et il peut même entrer dans votre corps dès le moment où vous découpez le poisson. Donc si vous attrapez un fugu, remettez-le immédiatement à l'eau."

"O-Oui !"

Le visage du chef du village était devenu pâle.

Cependant, bien que la tétrodotoxine était effectivement un poison extrêmement dangereux, on ne pouvait pas être empoisonné rien qu'en touchant directement un poisson-globe, ce qui était un maigre soulagement.

"C'est facile de les reconnaître parce qu'ils sont capables de gonfler. Allez, renvoyons ce petit gars à la mer."

Sur ces mots, Shizuko jeta le poisson-globe à la mer de toutes ses forces. Le fugu fit un bel arc de cercle avant de tomber à l'eau.

Après cela, elle se tourna de nouveau vers les villageois.

"Bon... maintenant, je vais vous montrer comment tuer un poulpe."

"On doit les tuer ?"

"Oui, les poulpes, les pieuvres et les poissons sont trop vifs pour qu'on les laisse. Si on les tue pas, ils s'agitent et deviennent dangereux."

Elle prit un poulpe et le posa sur la table qu'elle avait préparée.

Le poulpe se mit à menacer les gens autour d'eux avec ses huit tentacules remplis de ventouses comme pour dire qu'il était encore capable de se défendre.

Shizuko, en revanche, avait saisi une sorte de brochette en bambou.

Elle avait préparé des outils qu'elle pensait nécessaires pour tuer les poulpes, les pieuvres et les poissons.

"Les parties qu'on mange principalement sont les huit pattes remplies de ventouses. Ces pattes sont appelées des tentacules. Et la bosse que vous croyez être sa tête, c'est son torse. Sa tête, c'est seulement la partie où il y a les yeux. Donc pour le tuer, il faut le poignarder entre les yeux comme ça !"

Pour tuer un poulpe, il fallait le couper entre les yeux avec un couteau ou le poignarder plusieurs fois avec un poinçon ou un outil similaire.

Il était relativement facile de savoir si le point vital avait été touché ou non.

"Si vous avez bien visé, ses pattes deviennent immédiatement blanches. Vous avez vu ? Elles sont immédiatement passées du rouge au blanc."

Effectivement, les tentacules du poulpe étaient devenues blanches comme si elles avaient été blanchies.

Ses tentacules, qui s'agitaient depuis tout à l'heure, se balançaient mollement, il était clair que le poulpe était mort.

"Waouh !"

Les pécheurs, y compris le chef du village, s'exclamèrent d'admiration.

"Ensuite, mettez vos doigts dans sa tête, retirez les entrailles et lavez avec du daikon grossièrement râpé pour éliminer le mucus."

"Euh... du daikon ?"

"Oui. Vous pouvez aussi utiliser du sel, mais le daikon est moins cher."

Le sel éliminait le mucus du poulpe en dénaturant ses protéines, les faisant durcir et flotter à la surface.

Le daikon, en revanche, se servait de ses enzymes digestives.

Le daikon épluchait proprement le poulpe et son amylase l'adoucissait, mais il retirait le mucus moins efficacement, alors il prenait plus de temps.

"Le mucus à l'intérieur est plus dur à enlever, alors il faut bien laver."

Il lui fallut beaucoup de temps car elle avait utilisé du daikon râpé plutôt que du sel. Mais les préparatifs furent terminés.

"Allez, à vous."

Shizuko dit cela aux pécheurs tout en essuyant la sueur sur son front.

Ils pensèrent qu'elle leur avait plus ou moins ordonné de s'y habituer rapidement.

Face à leurs expressions confuses, Shizuko ajouta :

"Ne vous faites pas, on a plein de poulpes."