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Elle s’était arrêtée en plein milieu de sa route. Assise dans sa voiture, sans savoir quoi faire, elle fixait la route vide devant elle, l’esprit complètement ailleurs.
Perdue dans ses pensées, elle ne réalisa pas tout de suite ce qui se passait, jusqu’à ce que trois coups secs résonnent sur la vitre.
Toc. Toc. Toc.
— Eh oh ! Madame ! Bon sang, vous êtes sourde ?
Kassidy sursauta, choquée, puis baissa lentement la vitre. Un homme se tenait là, les bras croisés, l’air plus agacé que poli.
— Pardon ? Qui êtes-vous et que me voulez-vous ?
L’homme afficha un sourire sarcastique, tout en jetant un coup d’œil à sa montre.
— Rien. Hormis le fait que vous me bloquez le passage. Vous pensez que cette route vous appartient ?
Kassidy fronça les sourcils, piquée.
— Non mais… c’est quoi votre problème ? Avant de me juger, vous auriez pu prendre la peine de m’observer ou, je ne sais pas… de me demander s’il y avait un souci, au lieu de me parler comme si j’étais une criminelle en cavale.
L’homme esquissa un sourire presque moqueur, glissa les mains dans les poches et adopta une posture fière. Il dégageait une sorte d’élégance nerveuse.
— Oh, donc c’est moi le problème maintenant ? Vous croyez que je ne me suis pas inquiété ?
Il s’interrompit, la regardant avec une intensité dérangeante.
— Apparemment, mademoiselle était très occupée à philosopher dans le vide. Je me suis dit que vous n’étiez peut-être pas humaine, vu comme vous fixiez l’horizon.
Puis il se redressa, son visage soudain plus dur.
— Bref. Si vous avez un souci, essayez de le régler sans en créer aux autres.
Kassidy, cette fois, explosa. Elle sortit de la voiture, furieuse, se planta face à lui, les yeux brûlants.
— Monsieur, je ne sais pas qui vous êtes, mais une chose est sûre : vous êtes dérangé. Apprenez à parler aux gens. Et si je peux me permettre un conseil… prenez quelques cours de savoir-vivre. Votre arrogance dépasse les limites.
L’homme soupira comme si elle venait de lui réciter un poème ennuyeux, puis sortit son téléphone. Quelques instants plus tard, il appela un mécanicien qu’il connaissait.
— Vérifiez cette voiture. J’ai autre chose à faire que de jouer les médiateurs routiers.
Le mécanicien arriva en moins de dix minutes.
Après un bref coup d’œil, il déclara :
— C’était juste un problème de chauffage. Réglé. Mais il faudrait faire contrôler la voiture rapidement.
Kassidy resta figée. Elle était gênée… mais aussi touchée.
Contre son ego, elle finit par le rejoindre, tentant de garder un minimum de dignité.
— Écoutez… je m’excuse pour le ton que j’ai utilisé tout à l’heure. Et merci pour le coup de main.
Mais il la coupa, net :
— Pas la peine. Ne croyez surtout pas que je l’ai fait pour vous. Maintenant, dégagez votre voiture et laissez-moi passer.
Blessée dans sa fierté, Kassidy remonta dans son véhicule sans répondre. Elle démarra, le cœur en vrac, refusant de lui accorder un dernier regard.
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Ah, ce fameux homme ?
Tu veux savoir qui c’était, hein ? Bon, allons-y.
Mike Johrda.
Un magnat des affaires.
Il excellait dans sa carrière… mais aussi en arrogance.
Issu de la très influente famille J. Jordan, Mike représentait l’élite de Boston. Un homme à la fois redouté et admiré. Il avait ce charisme silencieux, cette présence qui captait les regards… et les critiques.
Côté cœur ? Inutile de rêver.
Mike méprisait l’attachement. Il était allergique aux émotions, et encore plus aux relations. Les femmes ? Elles pouvaient bien rêver. Même celles de son calibre se heurtaient à un mur.
Et peut-être que c’est ce côté froid, cette indifférence bien affichée, qui les attirait encore plus.
Ses parents, eux, rêvaient de l’unir à la fille d’un richissime baron, dans le but de renforcer leur pouvoir à travers une alliance stratégique. Mais Mike…
Mike n’était pas de cet avis.
Trop occupé à fuir tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une contrainte, il se débrouillait toujours pour éviter les réunions de famille. Son excuse préférée : "Je suis débordé."
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Le lendemain, au bureau
Kassidy était toujours aussi remontée. Personne, personne, ne lui avait jamais parlé de cette façon. Son ego en avait pris un sacré coup.
Tania frappa à la porte, sans attendre la réponse pour entrer. Son air joyeux contrastait avec l’ambiance pesante dans le bureau.
— Tu as raté une sacrée fête hier ! lança-t-elle avec un sourire malicieux. Qui aurait cru que James avait autant de goût vestimentaire ? C’est vrai, ici, il est toujours en costume noir, on dirait un de ces agents secrets sortis tout droit d’un film d’espionnage.
Elle se laissa tomber paresseusement sur le fauteuil d’en face.
— Franchement… je me verrais bien avec lui.
Kassidy leva les yeux au ciel, puis soupira.
— Tant mieux si tu t’es amusée. Moi, ma soirée a été complètement gâchée par un abruti.
Tania se redressa, intriguée.
— Il est beau au moins, ton abruti ?
— Tania, sérieusement ? Je te parle d’un homme qui m’a parlé comme si j’étais un meuble cassé au milieu de la route… et toi, tout ce qui t’intéresse, c’est de savoir s’il est beau ?
— Désolée ! Mais bon, venant de toi… vu que tu ne portes déjà pas l’espèce masculine dans ton cœur, je me dis que si un mec t’a fait autant d’effet, il devait avoir un minimum d’allure.
Kassidy bascula légèrement en avant, les bras croisés sur son bureau.
— L’allure ? Ce gars-là se prend pour un roi. Aucun respect. Il croit que tout le monde est à ses pieds. Juste d’y penser… ça me met hors de moi.
— Ok ok, relax… dit Tania en levant les mains. Je crois avoir un moyen de te changer les idées.
Kassidy haussa un sourcil.
— T’ai-je dit que je voulais changer d’idées ?
Puis elle souffla, un brin lasse.
— Bon, dis-moi. J’espère juste que tu ne vas pas encore me traîner à une fête.
— Moi ? Te traîner quelque part ? Jamais.
Elle sourit, avant d’ajouter :
— Bon, si. Mais c’est professionnel cette fois, je te jure.
Kassidy expira longuement, en mode “j’en ai vu d’autres”.
— Très bien. Dis toujours. De quoi s’agit-il ?
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