Une année s'était écoulée depuis la nuit où Corneille avait été neutralisé, emporté par sa propre folie. Une année de reconstruction pour Anastasia, de moments partagés avec Lucian, de projets, et surtout, de tentatives de tourner la page sur les horreurs du passé. Pourtant, au fond d'elle-même, elle savait qu'une partie de son histoire restait inachevée.
Ce matin-là, comme chaque jour, Anastasia s'était installée dans la véranda de leur villa londonienne, une tasse de thé à la main. Lucian était parti tôt pour un rendez-vous important, lui laissant un moment de solitude, une rare occasion pour réfléchir. Elle feuilletait distraitement les pages du journal, cherchant des nouvelles anodines pour occuper son esprit. Mais une manchette particulière attira son attention, et son cœur sembla rater un battement :
"Corneille Norbert retrouvé mort dans un hôpital psychiatrique hier soir à minuit."
Anastasia posa lentement sa tasse de thé, ses doigts tremblant légèrement. Elle relut l'article une seconde fois, puis une troisième, espérant peut-être que les mots changeraient. Mais ils restaient inchangés, implacables.
Corneille était mort.
Le journal expliquait brièvement que Corneille avait succombé à une crise cardiaque soudaine dans l'hôpital où il était interné depuis un an. L'article mentionnait aussi son passé mouvementé, évoquant vaguement ses liens avec des affaires criminelles et son état mental fragile. Il n'y avait aucun détail sur ses derniers instants, aucun signe qu'il ait cherché à se réconcilier avec son passé.
Anastasia resta figée, les yeux rivés sur le journal, tandis que les souvenirs refaisaient surface. Elle revoyait son visage la nuit où il l'avait confrontée, empli de folie et de douleur. Elle entendait encore ses paroles, les accusations qu'il avait portées contre elle, et le moment où il s'était effondré, vaincu par sa propre haine.
Elle avait espéré, peut-être naïvement, qu'il trouverait un jour la paix. Mais cette mort soudaine marquait la fin brutale de leur histoire commune. Corneille n'était plus là.
Un silence pesant
La journée passa dans un étrange silence. Anastasia ne mentionna rien à Lucian lorsqu'il rentra, préférant garder ses pensées pour elle-même. Mais son esprit était en ébullition. Elle se demandait ce qu'elle ressentait vraiment. Était-ce du soulagement ? De la tristesse ? De la culpabilité ?
Le lendemain matin, elle prit une décision : elle devait aller voir l'endroit où Corneille avait passé ses derniers jours. Lucian, bien que surpris par sa demande, accepta de l'accompagner sans poser de questions.
Le dernier lieu
L'hôpital psychiatrique où Corneille avait été interné était un bâtiment austère, entouré de hauts murs et d'un silence pesant. Anastasia et Lucian furent accueillis par le directeur de l'établissement, qui semblait hésitant à leur parler.
"Corneille Norbert n'était pas un patient facile", admit-il. "Il vivait dans un monde à part, constamment hanté par ses démons. Mais dans ses derniers jours, quelque chose avait changé. Il semblait… apaisé, presque serein."
Anastasia fronça les sourcils. "Serein ? Comment ça ?"
Le directeur haussa les épaules. "Il parlait souvent de rédemption. Il disait qu'il avait fait la paix avec son passé, qu'il acceptait enfin ses erreurs. Je ne sais pas si c'était vrai, mais il semblait sincère."
Ces mots laissèrent Anastasia perplexe. Était-il possible que Corneille ait trouvé une forme de paix avant sa mort ?
Le directeur les conduisit jusqu'à la chambre qu'il occupait, une pièce simple et dépourvue de décorations. Sur la table de chevet, Anastasia remarqua un carnet.
"Il écrivait beaucoup dans ce carnet", expliqua le directeur. "Je pense qu'il y consignait ses pensées, peut-être même ses regrets."
Anastasia demanda à consulter le carnet, et après quelques hésitations, le directeur accepta de le lui confier.
Les dernières paroles de Corneille
De retour chez eux, Anastasia s'enferma dans son bureau avec le carnet. Elle hésita un moment avant de l'ouvrir, appréhendant ce qu'elle pourrait y trouver. Mais dès les premières pages, elle sut qu'elle devait aller jusqu'au bout.
Les écrits de Corneille étaient chaotiques, parfois incohérents, mais ils révélaient une profonde introspection. Il y parlait de son enfance, de l'abandon qu'il avait ressenti, de sa jalousie envers Anastasia et les autres membres de leur famille. Mais il y avait aussi des passages où il exprimait des remords, où il reconnaissait ses erreurs.
Une phrase, en particulier, retint son attention :
"Je n'ai jamais voulu être ton ennemi, Anastasia. Mais je ne savais pas comment être ton frère."
Anastasia referma le carnet, les larmes aux yeux. Pour la première fois, elle ressentit une véritable tristesse pour Corneille. Il avait été un homme brisé, incapable de surmonter ses blessures, mais peut-être pas entièrement mauvais.
Un dernier hommage
Quelques jours plus tard, Anastasia décida de rendre un dernier hommage à Corneille. Avec l'aide de Lucian, elle organisa une cérémonie discrète, loin des regards, pour honorer celui qui avait été, malgré tout, une part de sa vie.
Lors de cette cérémonie, elle prononça quelques mots, la voix tremblante mais résolue :
"Corneille, tu as été mon adversaire, mais tu as aussi été mon frère. Aujourd'hui, je choisis de ne pas te juger pour tes erreurs, mais de te pardonner. Que tu sois enfin en paix."
Lucian, à ses côtés, lui prit la main, lui offrant un soutien silencieux mais inestimable.
La vie continue
Après la cérémonie, Anastasia sentit un poids se lever de ses épaules. La mort de Corneille marquait la fin d'un chapitre sombre de sa vie, mais elle savait qu'elle devait continuer à avancer.
Avec Lucian, elle se consacra à de nouveaux projets, utilisant son histoire comme une source de force plutôt que de douleur. Elle écrivit une nouvelle chanson, intitulée "L'Héritage du passé", dans laquelle elle exprimait tout ce qu'elle avait appris de ses épreuves.
Et tandis que sa voix résonnait à travers le monde, Anastasia se promit de ne plus jamais laisser les ombres du passé définir son avenir.