0130 heures - Rotation 241, Cycle 2452 (Calendrier Universel)/Système Delta Pavonis / Planète AEGIS V
Journal de Nyxélia – Entrée 5 : La Veille de la Cérémonie
École Militaire – Quartier des Officiers Cadets
18 ans – La veille de la remise de képi et de galons
État d'esprit : Nostalgique, anxieuse, mais résolue.
Demain, je recevrai mon képi et mes galons.
C'est ce pour quoi j'ai travaillé ces dix dernières années. Tout ce que j'ai fait, tous les sacrifices, toute cette discipline, tout cela m'a menée ici.
Je devrais être fière.
Et pourtant…
Je baisse les yeux sur la bague à mon annulaire gauche, puis sur la seconde, suspendue à la chaîne autour de mon cou. Mon cœur bat plus vite… trop vite. La fatigue et l'excitation se mêlent en moi, mais une pensée revient, encore et encore.
Caïn aurait dû être là.
Dans le Dortoir – Une Nuit Agitée.
La chambre est silencieuse. Seule la lueur du lampadaire extérieur filtre à travers le store.
Je suis allongée sur mon lit, en vêtement de sport, une couverture fine remontée jusqu'à ma poitrine. Mais je ne dors pas. Mon esprit refuse de se taire.
Je tourne la tête vers la petite table de chevet où repose mon datapad. L'écran affiche l'heure. Il est tard. Trop tard. Mais je me redresse lentement, repoussant la couverture, et je tends la main vers mon pad.
Un soupir s'échappe de mes lèvres tandis que je l'allume et commence à enregistrer un message vidéo.
Message Vidéo à Mes Parents et à Ceux de Caïn
L'image s'affiche : moi, assise sur mon lit, le regard légèrement fatigué mais déterminé. Je prends une inspiration et commence à parler.
— Salut, papa, maman… Christos, Enna.
Je marque une pause. Mon regard s'adoucit légèrement, mais une tension persiste dans ma voix.
— Demain, c'est le grand jour. Ma cérémonie de remise de képi et de galons. Dix ans d'efforts et d'entraînement, et me voilà.
Je force un sourire, mais il est teinté d'une certaine mélancolie.
— J'imagine que vous devez être fiers. Moi aussi… du moins, j'essaie de l'être.
Je baisse les yeux un instant, effleurant la bague autour de mon cou du bout des doigts.
— J'aurais aimé que Caïn soit là, que vous soyez là.
Ma voix se brise légèrement sur ces mots.
— Je sais, je sais… Il est parti depuis longtemps. Mais demain… demain, ça aurait dû être différent. Il aurait dû être là, quelque part, à me regarder avec cet air moqueur, à me dire que j'ai l'air trop sérieuse dans cet uniforme.
Un petit rire silencieux m'échappe, rapidement étouffé par une vague de tristesse.
— Mais il ne sera pas là. Alors, je vais porter ces galons seule.
Un silence s'installe. Je serre brièvement la bague suspendue à mon cou, la laissant reposer dans le creux de ma paume.
— Je vais faire en sorte que tout ça ait un sens.
Je relève les yeux.
— Peu importe combien de temps cela prendra, je trouverai des réponses.
— J'ai hâte de vous revoir. Essayez de ne pas trop pleurer, quand ont se reverra d'accord?
J'éteins l'enregistrement, le regard fixé sur l'écran un instant, avant de poser doucement le pad sur la table de chevet.
Je me laisse retomber en arrière, regardant le plafond. Mon cœur bat encore vite, mes pensées s'agitent toujours, mais peu à peu, le poids de l'épuisement l'emporte.
Ma main gauche repose sur mon torse, touchant la bague une dernière fois avant que mes paupières ne se ferment doucement.
Dernière pensées nocturnes avant de m'endormir.
À 18 ans, sur mon monde natale, on ne reçoit pas juste un képi. À 18 ans, j'aurais dû porter une robe de mariée, avec une autre bague au doigt.
Caïn et moi aurions dû nous marier cette année.
Je me souviens encore des discussions de nos parents, des préparatifs qui auraient dû avoir lieu. Ce n'était pas un mariage arrangé au sens strict. Nos familles étaient proches, et nous… nous nous comprenions. Ce n'était pas une obligation. C'était une évidence.
Si tout s'était déroulé comme prévu, demain, au lieu de recevoir un képi et des galons… j'aurais dû recevoir une promesse d'avenir avec lui.
Mais je ne suis pas mariée. Je suis une soldate. Une orpheline d'un fiancé disparu, d'une enfance effacée, et d'un futur qui totalement invisible.
Mais je porte toujours la bague.
Et demain, je recevrai mon képi et mes galons.
Mais une partie de moi les portera aussi pour lui.