Point de vue Ethan
La journée tire à sa fin, et je me sens vidé. La maison est silencieuse, plongée dans une obscurité presque apaisante. Je laisse la porte d'entrée se refermer derrière moi, enlevant mes chaussures avec un geste mécanique. La fatigue me frappe, comme une vague qui m'écrase. Je me dirige sans réfléchir vers le canapé, mon refuge avec une bouteille coca en main.
Je m'y laisse tomber, le corps lourd, les muscles tendus par des heures sous les projecteurs, à sourire, à poser. La journée a été interminable, et pourtant, elle s'est écoulée sans que je m'en rende vraiment compte. L'image parfaite, cette illusion qui me colle à la peau, je l'ai portée comme un fardeau. Chaque séance photo, chaque regard, chaque attente... tout ça pour quoi ?
Je ferme les yeux un instant, respirant l'air frais du soir qui pénètre par les fenêtres entrouvertes. Le téléphone vibre soudain dans ma poche. Je le sors d'un mouvement automatique, sans grande envie de répondre.
Mais en voyant le nom de mon agent s'afficher sur l'écran, je sais que je ne peux pas l'ignorer. Je décroche.
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- Marco: Ethan, ciao! Comment va la star aujourd'hui ?
Sa voix résonne, pleine de l'énergie habituelle qu'il déploie dans chaque conversation. Je laisse échapper un soupir, m'affalant davantage dans le canapé.
- Ethan: Ciao, Marco... Ça va. C'est une journée comme les autres. Mais j'ai besoin de te parler.
Il semble capter mon ton tout de suite.
- Marco: Ah, quelque chose ne va pas ? Tu es fatigué ?
- Ethan: Epuisé, oui.
Dis-je en marquant une pause, les mots sortant difficilement.
- Ethan: J'ai besoin de... je ne sais pas, de répit. De vacances. Quelques jours loin de tout ça.
Marco ricane, une pointe de doute dans la voix.
- Marco: Des vacances ?! Ethan, tu rigoles, non ? Il y a des contrats qui attendent, et des photos à faire. Tu sais bien que tout ça est important, et que l'opportunité ne se représentera pas.
Je ferme les yeux en me massant les tempes.
- Ethan: Je sais, je sais. Mais j'en peux plus. Ces derniers temps, c'est... troppo. (Trop)
Il marque une courte pause, et je l'entends soupirer.
- Marco: Così, écoute-moi bien. Tu veux une pause, ok, mais tu sais que ça ne va pas être simple. Les gens parlent, tu vois ? Tu crois que ces photos que tu détestes n'ont pas d'importance ? Elles comptent beaucoup. Elles sont un message pour le monde entier. Mais si tu veux un peu de repos, peut-être que je peux arranger ça, mais il faudra que tu sois... stratégique.
Je me redresse lentement, la fatigue me pesant toujours.
- Ethan: Oui, mais je veux quelque chose de réel. Pas juste des jours où je me cache dans un coin sans que personne me trouve. Je veux de vraies vacances.
Il rit doucement, mais il y a un peu de compréhension dans sa voix.
- Marco: D'accord, d'accord... je vais voir ce que je peux faire. Mais tu sais, Ethan, même dans tes vacances, tu dois rester Ethan Carter. Tu n'es pas vraiment un homme qui peut disparaître comme bon te semble, tu le sais, non ?
Je souris faiblement, un sourire qui ne parvient pas vraiment à illuminer mon visage.
- Ethan: Sì, je sais. Mais, Marco, s'il te plaît...?
Il me répond d'un ton plus calme.
-Marco: Bene, je vais voir. Mais pas de promesses. Profite de ce que tu peux, ok ? Je reviendrai vers toi demain pour te donner des détails.
- Ethan: Grazie, sei il migliore. (Merci, tu es le meilleur.)
Murmurais-je avant de raccrocher.
-📱-
Je laisse le téléphone sur la table basse, et m'effondre à nouveau dans le canapé, les yeux fermés. Peut-être qu'une pause me ferait du bien. Mais je sais qu'au fond de moi, même si je suis loin de tout cela, une part de moi sera toujours là, dans cette illusion qui me définit.
Je me lève finalement du canapé, le corps encore lourd, comme une masse que je peine à déplacer. La journée m'a vidé, et j'ai l'impression que même mes muscles me trahissent. Je me dirige vers la salle de bain, presque instinctivement, sans vraiment réfléchir à ce que je fais.
Le carrelage froid sous mes pieds me rappelle doucement que la réalité est là, tout autour de moi.
J'allume l'eau de la douche. Le bruit de l'eau qui se fait entendre, d'abord tiède, puis de plus en plus chaude, me détend déjà. J'enlève lentement mes vêtements, le tissu glissant sur ma peau comme un souvenir d'une journée passée à jouer un rôle. Mon regard s'attarde sur mon reflet dans le miroir. Il y a des traces de fatigue sur mon visage, des marques invisibles sous les yeux. Je me regarde, mais je ne me reconnais pas vraiment. J'ai l'impression que cet homme devant moi n'est qu'un visage vide, un masque. Mais je ne veux pas y penser maintenant.
Je pousse la porte de la douche et laisse la chaleur m'envahir. L'eau chaude me frappe d'abord violemment, comme un réveil brutal, mais rapidement, elle se transforme en un baume apaisant, glissant sur mon corps, me délestant de la fatigue accumulée. Mes doigts glissent dans mes cheveux en les écartant lentement, je les fait passer entre mes doigts comme si je cherchais à éliminer une partie de la tension.
Chaque geste est lent, délibéré. Je ferme les yeux sous l'eau qui coule sur mon visage, laissant la chaleur envelopper ma peau pour effacer les traces de la journée. Je me laisse aller, sans précipitation, profitant de chaque seconde de cette solitude, au calme.
Mes mains parcourent lentement mes bras, effleurant ma poitrine, je les glissent sur mes côtés, comme pour sentir chaque centimètre de peau, chaque fibre de mon corps. C'est une danse silencieuse, intime, presque sensuelle. Je me surprends à fermer les yeux encore plus fort, à oublier un instant le monde extérieur, à me concentrer uniquement sur la sensation de l'eau chaude qui s'écoule, comme un doux massage.
Je prends mon temps. La douche devient un refuge, un moment où je peux enfin être seul avec moi-même, sans le poids de l'image à porter, sans la nécessité d'être autre chose que ce que je suis en cet instant précis. Le parfum du gel douche me prend au nez, la mousse se formant sur mes mains comme un voile léger. Je la laisse glisser, m'immerger dans cette tranquillité qui contraste avec le chaos extérieur.
Quand je sors de la douche, je me sens un peu plus léger. Je m'enroule dans une serviette épaisse, essuie lentement mes cheveux encore humides, me concentrant sur chaque geste, sur cette sensation de renouveau. Mais derrière cette sensation de calme, quelque chose reste en moi, une impression persistante que je ne pourrai jamais complètement m'échapper de l'image que j'ai construite.
Je me regarde une dernière fois dans le miroir avant de sortir, le visage détendu, mais les yeux toujours en quête de quelque chose que je ne peux pas nommer.
Mais pour l'instant cela suffit.
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Point de vue Lila
Le soleil se glisse à peine à travers les rideaux, une lumière douce et hésitante envahit mon petit appartement. Je me réveille comme chaque matin, à l'aube, avant que le monde ne commence à tourner. C'est devenu une habitude, presque une nécessité. Le calme du matin me permet de respirer avant que tout ne devienne trop bruyant. Avant que la journée, avec son lot de mouvements, de bruits et de visages inconnus, ne me submerge. Je me lève silencieusement, m'étirant lentement.
Pyra, ma fidèle compagne, dort encore dans un coin du canapé, emmitouflée dans son pelage, je mapproche pour caresser sa jolie tête, puis me glisse hors de la pièce en me dirigeant vers la cuisine pour préparer un café. Le goût amer me réveille à moitié, mais j'aime ça. J'aime ce moment de tranquillité, où il n'y a que moi, mes pensées, et le parfum du café qui flotte dans l'air.
Je dois faire les courses. Un mal nécessaire, car je ne peux pas faire autrement, même si l'idée de me retrouver au milieu de la foule me pèse déjà, je n'aime pas ces moments où je suis entourée de gens, leur présence me serre la poitrine. C'est étrange, mais chaque fois que je pénètre dans un magasin bondé, une sensation de claustrophobie m'envahit.
Les bruits, les chariots qui heurtent les rayons, les voix qui se superposent, ça m'opprime. Je me sens comme un animal en cage et je sens les murs invisibles du supermarché se refermer sur moi. Malheureusement, il faut que je m'y rende. Je secoue la tête pour effacer cette angoisse avant qu'elle ne me dévore entièrement. Je me prépare rapidement, enfilant un vieux jean et un t-shirt usé, le genre de vêtements dans lesquels je me sens la plus à l'aise.
Mon regard se pose sur le miroir un instant. Pas de maquillage, pas de fard. Je n'ai pas besoin de tout ça. Je ne veux pas de l'image que les gens veulent voir de moi. Je veux juste être moi, dans ma simplicité. Je prends mon sac, enfile mes baskets et me dirige vers la porte.
À chaque pas, une petite boule d'anxiété se forme dans mon ventre. Mais je serre les dents et continue. Je m'engouffre dans la rue, l'air frais du matin m'effleure le visage. Tout est calme encore, presque trop calme. C'est un monde qui s'éveille lentement, et moi je suis là, marchant contre le temps.
Quand j'arrive au supermarché, je m'arrête un instant devant les portes automatiques qui s'ouvrent et se referment sans fin, comme une respiration continue. Je les franchis, et me retrouve aussitôt plongée dans cet environnement trop vivant.
La lumière artificielle, l'odeur des produits, les sons de la caissière qui parle à une cliente... je serre les poings dans mes poches, et je me force à avancer.
Je commence à faire mes courses, mes gestes rapides, automatiques. Je choisis les fruits, les légumes, les produits que je connais par cœur. Je connais le chemin par cœur, mais je ne peux m'empêcher de jeter des regards furtifs aux autres clients, à ces visages que je ne vois jamais, ces inconnus qui se croisent sans jamais se rencontrer. Je respire plus profondément, essayant de calmer la pression dans ma poitrine. Il me faut à peine une demi-heure pour finir. Une éternité.
Quand j'arrive à la caisse, je dépose mes articles sur le tapis roulant. La caissière me sourit, mais je ne peux pas lui sourire en retour. Mon regard se détourne instantanément, je baisse la tête, espérant que tout cela se termine vite. Les sacs sont remplis, et je me presse vers la sortie. L'air frais me frappe à nouveau, et je me sens un peu mieux, comme si l'étouffement s'éloignait.
Je ne suis pas une femme qui cherche à se faire remarquer. Je préfère la tranquillité, l'anonymat, loin de tout ce qui pourrait me forcer à être vue. Ce n'est pas la vie que j'ai choisie, c'est celle qui me convient.
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En arrivant chez moi, je laisse échapper un soupir de soulagement. L'appartement me rassure toujours, me calme. La lumière tamisée de l'après-midi se faufile à travers les rideaux, et l'odeur de l'air frais qui entre me fait sourire. Mais avant même de pouvoir poser mes courses, je sens un petit frottement contre mes jambes.
Lyra. Elle miaule doucement et se frotte contre moi, exigeant déjà son attention. Je m'accroupis pour la caresser, le sourire que j'avais dissimulé jusque-là se dessine lentement sur mon visage.
- Lila: Sì, leonessa (lionne), j'arrive.
Je ris tout bas, la regardant s'étirer et se rouler sur le sol dans une danse féline pleine de malice.
Elle est tout ce dont j'ai besoin à ce moment précis, une présence douce et familière. Quelle chipie !
Je la laisse gambader un instant avant de me dépêcher de ranger les courses. Je place méthodiquement les produits dans le réfrigérateur, en prenant soin de ne rien bousculer. C'est un de mes petits rituels, organiser chaque chose à sa place, comme une manière de contrôler mon environnement. Mais alors que je m'apprête à fermer le dernier tiroir, mon téléphone vibre sur la table, brisant la quiétude de la pièce.
Je jette un œil à l'écran et vois le nom de Luca s'afficher. Mon cœur fait un léger bond dans ma poitrine. Luca, mon meilleur ami, celui qui a traversé toutes les étapes de ma vie avec moi. Il connaît chaque recoin de mon âme, et même si nous sommes différents, il est toujours là pour moi. Toujours. Je décroche.
-📲-
- Luca: Ciao, Lila! Qu'est-ce que tu fais, mi amor ?
Sa voix chaude et pleine d'énergie me réchauffe instantanément, et je souris en l'entendant.
- Lila: Niente (rien), juste les courses. Et toi, tu es déjà en vacances ?
Il rit, un son si familier qu'il me fait presque oublier la distance entre nous.
- Luca: Pas encore, mais ça va venir ! En fait, je t'appelle pour te dire quelque chose d'important.
Je fronce les sourcils, intriguée.
- Lila: Cosa? (Quoi?)
- Luca: Je pars aux Maldives la semaine prochaine et je veux que tu m'accompagnes. J'ai réservé une villa, et ce serait incroyable d'y aller ensemble. Juste toi et moi, comme avant.
Je reste silencieuse un instant, mon esprit parcourant la proposition. Les Maldives... le sable blanc, la mer turquoise, l'évasion totale. Une part de moi est tentée, mais une autre hésite. Je suis bien dans mon coin, j'aime la tranquillité, et me retrouver dans un endroit aussi exotique, aussi exposé... Cela me semble un peu trop.
Luca perçoit mon silence, et sa voix devient plus douce, presque inquiète.
-Luca: Amor, je sais que ça te fait peur. Mais tu sais que tu peux tout lâcher, t'évader, t'amuser sans te poser trop de questions. On a besoin de ça, non ?
Je me mords la lèvre. C'est vrai qu'on a besoin de changement, de quelque chose de nouveau, mais tout quitter ainsi... Et puis, le bruit de l'eau, la chaleur, l'idée d'être là-bas, dans un lieu aussi paradisiaque où tout semble parfait, ça me paraît... troppo.
- Lila: Je ne sais pas. Je ne suis pas sûre d'être prête à partir, surtout pour si longtemps. Je me sens bien ici, dans ma routine.
Il rit doucement.
- Luca: Tu parles comme une vecchia signora, Lila ! (Vieille dame) Viens, fais un effort pour une fois. Per favore ?
Je souris malgré moi.
- Lila: Tu me connais trop bien, mais... je vais réfléchir, d'accord ?
- Luca: Promis, pas de pression. Mais je t'attends, ok ?
- Lila: D'accord, je vais y penser sérieusement.
-📱-
Après quelques échanges rapides, je raccroche, mon esprit toujours en ébullition. Les Maldives, moi là-bas...
Peut-être qu'il a raison, que c'est le moment de changer d'air. Mais une part de moi se demande si cette escapade est vraiment ce dont j'ai besoin. Et, plus important encore, si je suis prête à sortir de ma zone de confort, de ma vie cachée et silencieuse.
A suivre...