Deux jours plus tard
Point de vue Ethan
Le café est animé, rempli de conversations entrecoupées de bruits de tasses posées sur les soucoupes. Je suis assis à une table près de la baie vitrée, observant distraitement la rue, les passants qui filent sous un ciel gris. Le temps est morne, un peu comme mon humeur ces derniers jours.
En face de moi, Jade souffle sur son cappuccino avant de lever les yeux vers moi, un sourire en coin.
-Jade: Tu as l'air ailleurs, Carter.
Je fais tourner ma cuillère dans mon espresso sans vraiment y toucher.
-Ethan: Sono solo stanco. (Je suis juste fatigué.)
Elle arque un sourcil, pas dupe une seconde.
-Jade: Stanco ? Tu es toujours fatigué ces derniers temps. Tu veux vraiment me faire croire que c'est juste ça ?
Je soupire en m'enfonçant un peu plus dans mon fauteuil. Jade me connaît trop bien pour que je lui mente. Elle est la seule à voir au-delà de l'image, la seule à comprendre que derrière Ethan Carter, mannequin adulé, il y a juste... moi.
-Ethan: Marco m'a appelé ce matin. Il veut que je prenne un contrat à New York le mois prochain.
Elle pose sa tasse et croise les bras.
-Jade: Et ça te pose un problème ?
Je hausse les épaules.
-Ethan: Je lui ai demandé une pause, il me met encore plus de boulot sur le dos. Ce n'est pas ce que je voulais.
Jade me regarde un instant, puis secoue la tête avec un petit rire.
-Jade: T'es tellement idiot parfois, Ethan.
Je fronce les sourcils.
-Ethan: Grazie. (Merci.)
-Jade: Non, mais vraiment. Tu veux une pause, alors prends-la. Dis-lui non. Fais tes valises et va te perdre quelque part, loin des flashs et des contrats.
Je laisse échapper un rire amer.
-Ethan: Et où tu veux que j'aille ? Chaque fois que je mets un pied dehors, on me reconnaît. Ce n'est pas comme si je pouvais disparaître du jour au lendemain.
-Jade: Il y a bien un endroit où personne ne te cherchera.
Je hausse un sourcil.
-Ethan: Ah oui ? Où ça ?
Elle sourit malicieusement et s'appuie contre la table.
-Jade: Les Maldives, tesoro. (trésor)
Je cligne des yeux, surpris.
-Ethan: Les Maldives ?
-Jade: Ouais. J'ai un ami qui y va bientôt. Il a réservé une villa paradisiaque, le genre d'endroit où personne ne viendra te faire chier. Si tu veux disparaître, c'est là-bas qu'il faut aller.
Je réfléchis quelques secondes. L'idée de me retrouver sur une plage, loin de tout, avec le bruit des vagues au lieu des flashs des photographes... Je dois admettre que ça me tente.
-Ethan: Et ton ami, il serait d'accord ?
Jade sourit et prend une gorgée de son cappuccino.
-Jade: Laisse-moi m'en occuper.
Je la fixe, intrigué. Elle semble sûre d'elle, comme si tout était déjà prévu dans sa tête.
-Ethan: Tu es en train de m'embarquer dans quoi, Jade ?
Elle rit et lève les yeux au ciel.
-Jade: Dans ce que tu as besoin. Fai le valigie, bello. (Fais tes valises, beau gosse.)
Je soupire et passe une main dans mes cheveux. Peut-être que, pour une fois, je devrais juste... lâcher prise.
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Point de vue Lila
Le vent caresse doucement ma peau tandis que je suis assise dans l'herbe, mes pinceaux entre les doigts, concentrée sur chaque détail du paysage qui s'offre à moi. Le parc Sempione s'étend devant mes yeux, vibrant sous la lumière du matin. Les arbres, encore perlés de rosée, se balancent doucement au gré du vent, et le ciel d'un bleu pâle, semble s'étirer à l'infini.
Je laisse mon pinceau glisser sur la toile, capturant la douceur des ombres, la danse des feuilles, la courbe élégante du sentier qui serpente entre les bancs en fer forgé. C'est dans ces moments que je me sens le plus vivante, le plus vraie. Ici, personne ne me regarde, personne ne me juge. Juste moi et mon art, loin du bruit du monde.
Je m'arrête un instant pour observer mon travail. Une touche de vert plus profond ici, une nuance de bleu plus légère là. Mon esprit est ailleurs, perdu entre les couleurs et les formes. Peindre, c'est mon refuge, mon moyen de respirer dans un monde qui parfois m'oppresse.
À quelques mètres, des rires d'enfants s'élèvent, et je lève la tête pour les voir courir autour d'un ballon, insouciants. Plus loin, un couple est assis sur un banc, se murmurant des mots que je ne peux entendre, mais que je devine tendres. Tout autour de moi, la vie suit son cours, et moi, je la capture à ma manière, avec mes pinceaux, mes mains tachées de peinture et mon cœur qui bat au rythme de mes coups de pinceau.
Mon téléphone vibre dans ma poche, me tirant un instant de ma bulle. Je le sors, hésitante. C'est un message de Luca.
-📱-Luca: Ma belle artiste, j'ai réservé ton billet. Départ dans trois jours. Ne réfléchis plus, vis un peu.
Je souffle, partagée entre l'excitation et l'inquiétude. Partir. M'éloigner de cette vie discrète que j'ai construite. Me retrouver dans un endroit où tout est différent.
Je regarde à nouveau ma toile, les couleurs qui se fondent harmonieusement. Ici, tout est calme, tout est maîtrisé. Là-bas, ce sera l'inconnu.
Mais peut-être que, pour une fois, je devrais m'y aventurer.
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Les heures s'écoulent doucement, marquées par le mouvement des ombres dans le parc Sempione. Les allées se remplissent et se vident de promeneurs, de cyclistes, d'enfants courant après des pigeons indifférents. Moi, je reste là, immobile, mon pinceau effleurant à peine la toile.
Je réfléchis, les yeux posés sur le paysage qui m'entoure, mais l'esprit est ailleurs, à mille lieues. L'idée de partir, de quitter ce cocon que je me suis construit me fait frémir. Les Maldives... Je n'ai jamais rêvé d'endroits exotiques ou de plages paradisiaques. Mon monde à moi est fait de petites rues pavées, de marchés bondés, de cafés bruyants. De silences surtout, ceux dans lesquels je peux me perdre sans crainte.
Et pourtant... une part de moi est tentée. Par la promesse d'une pause, d'un souffle nouveau. Luca a raison, je me protège trop. Peut-être que je mérite cette parenthèse, ce moment hors du temps, où les vagues et le soleil pourraient laver mes doutes.
Je range finalement mes pinceaux, essuie mes mains tachées de peinture sur un chiffon usé. Le soleil commence à décliner, jetant une lueur dorée sur les arbres, transformant le parc en un tableau vivant. Je sens cette chaleur, ce dernier baiser de lumière, comme une invitation à sortir de ma coquille.
Assise sur l'herbe, les jambes repliées sous moi, je sors mon téléphone de ma poche. Le numéro de Luca est déjà affiché à l'écran, comme un rappel de la décision que je dois prendre. Je prends une profonde inspiration et appuie sur l'appel.
La sonnerie résonne une fois, puis deux, avant que sa voix joyeuse ne perce la quiétude du parc.
-📲-
-Luca: Lila, cara (chérie)! Tu me manques déjà. Tu as réfléchi ?
Je ferme les yeux un instant, laissant sa voix chaleureuse dissiper mes doutes.
-Lila: Oui, j'ai réfléchi, Luca. Malgré que tu es forcer la main d'avoir acheter ce billet.
Il y a un silence, une attente palpable. Je l'entends presque retenir son souffle.
-Luca: Et... ?
Je souris malgré moi, consciente de l'importance de ce que je m'apprête à dire.
-Lila: Va pour les Maldives. J'ai besoin de changer d'air, de voir autre chose... de vivre un peu, je suppose.
Un cri de joie résonne à travers le téléphone, et je ne peux m'empêcher de rire.
-Luca: Grazie mille, Lila ! Tu ne le regretteras pas, je te promets. Ce sera inoubliable ! Je m'occupe de tout, tu n'as qu'à préparer ton maillot et te laisser porter.
-Lila: Je te fais confiance.
Répondis-je en me levant, mes affaires rassemblées contre moi. Nous discutons encore un peu, des détails du voyage, de ce que nous allons faire là-bas. Son enthousiasme est contagieux, et petit à petit, mes craintes se dissipent.
-📱-
Quand je raccroche enfin, le soleil est presque couché, laissant derrière lui un ciel d'un rose pâle, une promesse d'un nouveau départ.
Je regarde une dernière fois ma toile achevée, et pour la première fois depuis longtemps, je me sens prête à sortir de l'ombre, à laisser derrière moi les habitudes et les peurs. Parce que quelque part, au-delà de ces arbres, de ces rues familières, une nouvelle aventure m'attend.
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L'aéroport bourdonne d'une agitation constante, un mélange de voix, d'annonces au haut-parleur et de valises roulant sur le sol lisse. Je me tiens à côté de Luca, légèrement crispée, mon sac à main serré contre moi. Lui, en revanche, est dans son élément. Son large sourire ne l'a pas quitté depuis qu'il est venu me chercher ce matin avec son chauffeur dans sa berline luxueuse.
Oui, vous l'aurez bien deviné, Luca est riche. Pas juste confortable, mais vraiment, excessivement riche. Il appartient à ce monde que je fuis, celui où l'argent semble résoudre tous les problèmes et où l'opulence est une seconde peau. Pourtant, avec lui, je ne ressens jamais ce malaise que j'ai face aux autres fortunés. Il ne me juge pas, ne cherche pas à m'impressionner. Il est juste Luca, mon meilleur ami, mon roc.
-Luca: Allora, mia cara (Alors ma chérie). Toujours pas envie de faire demi-tour ?
Me dit-il en ajustant ses lunettes de soleil hors de prix. Je souffle en regardant les immenses baies vitrées qui donnent sur les pistes.
-Lila: Trop tard pour reculer, non ?
Il rit et passe un bras autour de mes épaules en me serrant contre lui.
-Luca: Exactement. Et crois-moi, tu ne vas pas regretter ce voyage.
Je veux le croire. Mais en attendant, mon ventre est noué, pas seulement par l'appréhension du voyage, mais par tout ce que cela signifie. Quitter ma routine, mon cocon, accepter de me laisser porter par l'inconnu... Ça me fait peur.
Nous avançons vers l'embarquement en première classe évidemment. Luca a tout organisé, et je me laisse guider, essayant de ne pas trop penser au fait que je suis loin de mon quotidien.
-Luca: Relax, Lila. C'est le début d'une belle aventure.
Murmure-t-il contre mon oreille en remarquant mon air tendu. Je hoche la tête et tente un sourire.
Oui, une aventure. Une parenthèse. Je n'ai plus qu'à respirer et me laisser porter.
Point de vue Ethan
Je ne sais pas comment elle a fait pour convaincre Marco, mais Jade est ma reine. Une négociatrice hors pair. Là où j'avais échoué, elle a réussi à me décrocher une pause, un vrai répit.
Assis à l'arrière de la voiture, je l'observe, tranquillement installée à côté de moi, un sourire satisfait aux lèvres. La voir aussi fière d'elle-même me fait presque peur.
-Ethan: Allora, mi vuoi dire come hai fatto? (Alors, tu veux bien me dire comment tu as fait ?)
Elle tourne la tête vers moi, faussement innocente.
-Jade: Chi? Moi? (Qui ?)
Je lève les yeux au ciel et croise les bras.
-Ethan: Ne joue pas à ça avec moi, Jade. Marco est plus têtu qu'une mule, et pourtant, il m'a laissé partir. Je veux savoir comment tu t'y es prise.
Elle glousse et attrape son téléphone, tapotant sur l'écran distraitement.
-Jade: Disons que j'ai usé de mes talents de persuasion.
-Ethan: Jade...
-Jade: Ok, ok, je t'explique. J'ai commencé par lui rappeler que si tu craquais, il perdrait sa plus belle poule aux œufs d'or. Puis je lui ai soufflé qu'un Ethan Carter un peu distant et mystérieux ne ferait qu'augmenter sa valeur aux yeux des marques.
Je hausse un sourcil.
-Ethan: Et ça a marché ?
Elle éclate de rire.
-Jade: Pas du tout. Alors j'ai joué ma dernière carte : je lui ai dit que si tu ne prenais pas de pause, tu accepterais une campagne totalement ridicule que je lui ai inventée. Une ligne de maillots de bain en laine tricotée à la main, ambiance granny chic.
Je la fixe, incrédule.
-Ethan: Tu te fous de moi ?
-Jade: Pas du tout ! Et figure-toi que ça l'a terrifié ! Il a dit qu'il ne pouvait pas prendre le risque que tu ternisses ton image avec une idée aussi... excentrique. Il t'a donc accordé tes vacances.
Je secoue la tête, mi-amusé, mi-impressionné.
-Ethan: Tu es diabolique.
Elle me fait un clin d'œil.
-Jade: Je sais. mi ami per questo (tu m'aimes pour ça)
La voiture ralentit en arrivant devant l'aéroport, et un frisson me parcourt l'échine. C'est officiel, je pars. Loin des flashs, des contrats, des attentes. Pour la première fois depuis des années, je vais juste... disparaître un moment.
Je jette un dernier regard à Jade.
-Ethan: Grazie, regina. (Merci, ma reine.)
Elle sourit.
-jade: De rien, mon cher. Maintenant, prépare-toi, parce que je compte bien profiter de ces vacances autant que toi.
Je prends une profonde inspiration en sortant de la voiture. Une nouvelle aventure commence.
A suivre...