L'éveil

À quoi ressemble la mort ?

Si, avant, je n'en avais aucune idée, désormais, je peux le dire : elle est juste vide.

Je ne ressentais plus mon corps. Il n'y avait ni odeur, ni toucher, aucun fils. Rien.

Le concept même du temps semblait inexistant en ce lieu. Pour ne pas me perdre, je me suis mis à compter les secondes.

1… 2… 3…

86 400 secondes.

Un jour s'est écoulé ainsi.

172 800… 259 200…

Est-ce que ressent un enfant dans le ventre de sa mère ?

604 798... 604 799... 604 800 secondes.

Après une semaine, seule ma conscience me permettait encore de dire que j'existe.

2 591 999... 2 592 000 secondes.

Un mois plus tard, elle commença à se détériorer, lentement, insidieusement. Je devais lutter pour la maintenir. Que se passerait-il si je lâchais le prix ? Je crains que la réponse ne me plaise pas.

31 536 000... 31 536 001... 31 537 862 secondes.

Un an s'était écoulé.

Alors que la folie menaçait de me prendre, mes souvenirs commencèrent à défiler. C'était étrange de se voir ainsi, comme si j'observais un film de ma propre vie.

C'est donc à ça que je ressemble à la naissance ?

Le bébé à côté de moi… c'est Iris, n'est-ce pas ? Un médecin nous tend à une femme aux longs cheveux violets, aux yeux saphir. Le portrait craché d'Iris. Ou peut-être est-ce l'inverse.

Serait-ce… notre mère ?

Elle nous prend doucement dans ses bras. Il y a un homme à ses côtés. Il me ressemble tellement… Serait-ce mon père ? Il est grand, imposant, mais ses traits restent flous.

Nous avons eu des parents ?

J'avais fini par croire que nous étions nés dans un laboratoire. Sont-ils encore en vie… ou déjà morts ? Un jour, peut-être, j'aurai envie d'obtenir des réponses.

Le temps s'accélère.

Me voilà à l'orphelinat, à deux ans. Je dois l'avouer… j'étais plutôt mignon.

Ce souvenir…

Non.

Je ne veux pas le revoir.

Arrêté.

J'avais promis d'oublier.

Je lance, mais aucun son ne sort. Je n'ai plus de voix. Pire encore, je n'entends même plus mes pensées. Je ne pense plus rien.

Est-ce que j'existe encore ?

Les souvenirs s'enchaînent à nouveau.

Alors je suis toujours moi ?

Oh, cette scène… ma rencontre avec Lucy. Nous étions turbulents, à l'époque. Puis un autre souvenir : ma première mission sous Victor. À quel point ce vieux me semblait indigne de confiance.

Un autre encore. La promesse que nous avons faite, ce soir-là.

Je me demande… quels pouvoirs allons-nous obtenir après l'Éveil ?

On dit qu'aucune résonance n'est inutile. Seul l'utilisateur l'est.

Rien que d'y penser, j'ai hâte de mettre une raclée à ces salauds, ces soi-disant exécuteurs comme ces putes de calamités.

La prochaine fois, ce ne serait pas moi qui sauterais la file entre les jambes dans les égouts.

Oh oui, je vous paierai pour avoir mis fin à ma vie tranquille.

94 608 000 secondes.

Le jour de ma mort.

C'est étrange de se voir mourir.

94 608 001… 94 608 002…

Trois ans se sont déjà passés ?

Je ne fais que revivre ma vie en boucle.

Combien de temps encore dois-je endurer ça ?

— "Souhaites-tu que ça s'arrête ?"

Oui. Ce silence… je ne veux plus jamais le revivre.

— "Souhaitez-vous du repos ?"

À qui est cette voix ?

Elle ressemble à la mienne.

— "Je peux t'accorder le repos. Il te suffit de le dire, et je t'offrirai la paix."

Quel est le prix à payer ? Ta fausse charité, tu peux la mettre là où je pense.

— "Il n'y a pas de prix. Je te donnerai une vie, des parents aimants, des frères et sœurs, des amis, de la richesse, du pouvoir. Tout ce que tu as à faire, c'est le vouloir."

Qu'est-ce que tu es ?

Qui es-tu ?

Je ne te fais pas confiance.

— "Pourquoi ? Je suis toi, et tu es moi. N'est-ce pas ce que nous avons toujours désiré ? Je peux nous l'offrir. Il suffit de dire : 'Je le veux'."

"En échange, je n'aurai besoin que de ton âme."

Mes pensées… je n'y ai plus accès.

Quelle sensation étrange.

Tu es moi ? Qu'est-ce que ça signifie ?

Et si, plutôt que de te donner mon âme, je prenais la tienne ?

— "Je n'ai pas d'âme. Je suis toi. Ou plutôt, nous ne sommes qu'un : ton âme et moi."

Es-tu l'Éther ?

— "Oh, c'est ainsi que tu me vois ? Peu importe."

— "Que désires-tu plus que tout ? Quel est ce souhait que je ne puisse t'accorder ? Donne-moi ton âme, et je te l'offrirai."

Que désire-je… ?

Que souhaites-tu ?

Que crois-tu savoir de moi ?

— "Absolument tout. Rien de toi ne m'est caché. Tu veux transformer le monde, en changer les règles."

« Ce pouvoir… »

"Je peux te l'accorder."

Je n'ai pas besoin de toi.

Ce que je veux, ce que je désire, je l'obtiendrai de mes propres mains.

— "Oh… Est-ce ainsi ? Penses-tu en être capable ?"

— "Penses-tu en être digne ?"

Non, loin de là.

Mais toi…

Toi, tu le peux.

Je te ferais mien. Tu seras une arme que j'utiliserai pour arriver à mes fins.

Pour cela, rien de plus simple.

Il suffit de dire : "Je le veux."

Je te le promet, on va bien s'amuser.

— « Quelle surprise… »

— "Si tu survis… peut-être que j'y repenserai."

Survivre… à quoi ?

— « Ne meurs pas, Sirius. »