soul's eyes 2 (point de vue d'iris)

L'hôpital était calme. Des gens circulaient, discutaient normalement ; tous venaient de s’éveiller. Ils se réunissaient en groupes, racontant joyeusement ce qui leur était arrivé pendant l’éveil, d’autres encore se vantaient de la résonance qu’ils avaient obtenue. Ils étaient enthousiastes à l’idée de prouver leur valeur, de se battre pour leur patrie, pour l’empereur, pour l’humanité.

Mais rien de tout cela n’était réel, ce n’était qu’un mirage créé par ce parasite qui jouait avec mon cerveau.

Ce n’est qu’à travers les Soul’s Eyes que la réalité me frappait.

Il n’y avait pas de couleurs vives sur leurs visages, aucun enthousiasme, juste des hommes brisés, luttant pour se reconstruire. La mort les avait changés à jamais, chacun d’eux ayant survécu à une tribulation qui resterait gravée dans sa mémoire. Seul le temps dira le prix qu’ils ont payé pour cette nouvelle vie.

La question qu’ils devraient sûrement se poser, c’est : est-ce que cela en vaut la peine ?

À quoi bon revenir à la vie pour découvrir que ceux que tu aimais, ceux qui illuminaient ton existence, ne sont plus là ? Il n’était pas facile d’accepter cette réalité. Peut-être que le temps ou une rivière de sang leur permettrait de sortir de leur deuil.

Bien sûr, il faut d’abord avoir quelqu’un à perdre pour ressentir le manque. Mais personne ne ressortait indemne de l’éveil. Souvent, on y laissait sa raison. Le temps ne s’écoulait pas de la même manière dans la mort et dans la réalité, et les cicatrices qu’il laissait étaient peut-être les plus difficiles à guérir.

Il y avait aussi ceux qui ressortaient réellement joyeux de l’éveil. Pour eux, la vie n’avait été qu’un enfer. Ayant déjà touché le fond, ils ne pouvaient que remonter. L’éveil était pour eux une seconde chance : réaliser leurs rêves, ou pour certains, assouvir leurs fantasmes.

Il y avait trop de gens différents, trop de perspectives différentes pour les ranger dans des cases.

Et pourtant, toutes ces émotions étaient éphémères.

Chacun d’eux avait un parasite dans son cerveau… Un parasite qui, je dois l’avouer, était le meilleur psychologue qui soit.

L’effet de masse est simple : si, un matin, tout ton entourage affirme qu’on est dimanche alors que tu te souviens clairement qu’hier était lundi, tu douteras. Et si tous les calendriers et horloges affichent dimanche, si même tes souvenirs commencent à se brouiller, tu finiras par l’accepter. Ce parasite utilise ce principe à la perfection : il ne se contente pas de manipuler ce que tu vois, il altère aussi ce que tu ressens. Il te donne des raisons d’y croire, il te plonge dans une illusion où les gens sourient, où ceux que tu aimes sont toujours en vie.

Quiconque assistait à cela se voyait apaisé, réconforté. Cette illusion est comme une drogue, qui vous fais oublier vos soucis, aussi contagieux qu’un rhume, aussi enivrant que l’espoir.

Combien de temps avant que l’illusion ne devienne réalité ? Et que la réalité soit oubliée à jamais par tous ?

J’allais finir par devenir paranoïaque en assistant à ce spectacle.

J’avais beau voir la vérité grâce aux Soul’s Eyes, je ne pouvais pas arrêter d’entendre ces voix joyeuses. Alors je me suis mise à marcher, sans destination en tête, espérant trouver un peu de silence quelque part dans cette ville morte.

Oui, les rues étaient restées vides. Trop de gens étaient morts sans aucun espoir de revenir. Ceux qui restaient étaient soit des initiés, soit trop jeunes pour subir l’éveil.

Il restait peut-être un peu d’espoir pour ceux qui étaient encore en train de l’affronter.

Il existait un moyen de distinguer ceux qui étaient encore en éveil et ceux qui avaient échoué.

Dans le premier cas, leur corps restait intact, comme s’ils dormaient.

Dans le second, la décomposition commençait. Et alors, on savait qu’il n’y aurait pas de miracle.

En marchant dans la ville, je constatais qu’il y avait encore un semblant de vie. L’électricité avait été rétablie, ainsi que l’eau courante. Bientôt, la circulation reprendrait peut-être.

Tout cela, grâce à ce parasite.

Tous ceux qui avaient subi l’éveil en avaient un dans leur cerveau. Il contrôlait leurs sens et les influençant à se comporter normalement.

Accorder brusquement autant de pouvoirs à des gens normaux… C’est la recette parfaite du chaos.

Sans ce parasite, je crains que cette ville ne soit devenue une jungle où régnerait la loi du plus fort.

"Attends… Depuis quand je réfléchis autant ? D’habitude, c’est Sirius qui se charge de tout ce qui est complexe. Je n’ai qu’à lui indiquer ce que je veux et lui donner une idée générale, et il s’occupe du reste. Ahh… À ce rythme, je vais devenir aussi fou que lui."

Oups, je me suis mise à parler toute seule.

"Heureusement qu’il n’y a personne pour m’entendre, ça aurait été assez gênant."

Le bruit d’une fenêtre qui claque me fit me sentir encore plus ridicule.

Je me tournai vers l’origine du bruit, mon regard traversant le mur. Et là…

Un jeune adolescent. Certainement trop jeune pour subir l’éveil.

À côté de lui, une petite fille, trop adorable.

Mais la couleur qui flottait au-dessus de leurs têtes était noire.

C’était la première fois que je voyais du noir flotter au-dessus de quelqu’un.

D’habitude, les couleurs étaient vives.

Eh bien… Ça pique ma curiosité. Et si je menais enfin l’enquête ?