Un départ plus compliqué que je ne l'avais imaginé.
Je m'attendais à un changement majeur, une révélation. On croit toujours que ça va être un tournant, quelque chose qui nous secoue. Mais en réalité, ce n'est pas plus compliqué que ça…
L'université, c'est juste un autre étage dans ma scolarité, comme le passage entre le collège et le lycée. Je me demande ce qu'en pensent les autres : soirées, alcool, rencontres. Mais moi… je n'ai pas vraiment envie de me retrouver dans ce fantasme. Ça m'échappe, tout ça.
Je ne cherche pas à attirer l'attention, ni à être accompagné. La solitude, ce n'est pas toujours un mal. Parfois, ça permet de se concentrer sur soi-même.
Et puis, pour ce qui est de me trouver une copine, mes 300 Go de films pour adultes sur le cloud, eux, ne me lâcheront jamais ! Je souris à cette pensée. Pas de quoi en faire un drame.
Je suppose que l'université sera comme d'habitude. Je serai juste un parmi tant d'autres. J'ai rien de spécial : 1m75, des cheveux noirs de jais jusqu'à la mâchoire, hérités de ma mère des pays de l'Est.
Un peu longs, mais ça dérange personne. Et puis, je les entretiens avec de l'huile de coco, comme chez papa en Afrique de l'Est. Je serai discret. En théorie.
Je ne suis pas contre les gens, mais je n'aime pas trop les foules bruyantes, ni me forcer à sourire. Je préfère quand c'est calme, tranquille. Je suppose que ça ne changera pas là-bas.
Ma mère m'avait préparé un petit-déjeuner rapide. Elle me rappelle toutes les règles à respecter dans mon nouvel appartement :
« Couche-toi tôt. »
« Mange correctement. »
« Et si tu as une copine, protège-toi, ça va vite !! »
Toujours la même. Même si elle ignore que mon cloud est bien plus important pour moi que tout ça.
Mon père, lui, il n'a rien dit. Juste un serrage de main et un « bon courage » sans émotion. C'est toujours comme ça avec lui. Pas étonnant. Il doit penser que c'est sa manière de me préparer à la vie. Peut-être qu'il est juste mauvais pour les mots.
Je me lève, prends mon sac, et avant de partir, je jette un dernier regard à ma mère. Je vois son inquiétude, mais je ne dis rien. Un simple hochement de tête suffit.
Je suis prêt. Mais au fond, est-ce que quelqu'un peut vraiment être prêt pour ce genre de départ ?
Tout en marchant lentement, je vois ma tante au loin, appuyée sur la portière de sa gari (voiture), une cigarette entre les doigts.
Son costume d'agent immobilier, couleur marron-noisette, semble presque trop bien taillé pour elle. Elle me fait un signe de la main, son regard hautain, comme si elle savait déjà tout.
Après les salutations, nous avons pris place dans sa voiture, une Syzer Strain flambant neuve qu'elle s'était offerte il y a deux mois. Toute la famille était au courant de sa manie des achats compulsifs.
N'empêche, ça la résume bien. Toujours à la recherche de la dernière nouveauté, comme si ça allait changer quelque chose à sa vie. Mais bon, chacun son truc.
Une fois en route, je traverse mon quartier, ce lotissement de maisons modernes où la faune a trouvé sa place, comme une touche de nature qui s'impose parmi les hologrammes. C'est étrange, mais ça donne à l'endroit une identité unique.
Puis il y a Maji, la cascade qui surplombe la ville. Un peu comme le symbole de Karate, je suppose. Imposante, majestueuse. À chaque fois que je la vois, ça me rappelle que je viens d'ici.
Ce genre de détail qui, sans prévenir, te fait ressentir quelque chose. Pas que ça me touche vraiment, mais… c'est étrange. Comme si la ville savait toujours comment me rattraper, même quand je me dis que je n'en ai rien à faire. »
Ma ville et mon nouveau « bahut » sont loin l'un de l'autre. Entre Karate et Malavia, il y a quand même 300 kilomètres à travers Astilia.
Pas vraiment une distance de la taille d'un monde, mais ça suffit à me faire me sentir un peu décalé. Heureusement que ma tante a son pass pour la voie rapide à induction.
Sans ça, je crois que je serai déjà en train de m'endormir sur la banquette. Mais même avec la route qui défile, difficile de ne pas regarder derrière moi.
Karate est là, un peu comme un vieux film qu'on a regardé trop de fois. Et pourtant, il y a quelque chose d'intrigant dans ce départ. Quelque chose que je n'arrive pas à définir. Ce n'est pas un grand bouleversement, juste… un changement, c'est tout.
J'imagine que c'est normal d'être un peu déconnecté quand on quitte un endroit.
Mais franchement, ça m'étonnerait que ce soit aussi spécial pour moi que ce qu'on raconte dans les films. J'aurais bien aimé voir une grosse scène dramatique ici, un départ sous la pluie, un discours poignant. Mais non, c'est juste la route et moi, comme d'habitude.
Quelques miles plus tard…
Kesley (en jetant un coup d'œil à sa tante) :
« Alors Yas, tu vas me parler pendant deux heures ou me laisser me reposer, enfin… J'ai déjà ma réponse. »
Yas (en riant) :
« Je pourrais très bien te laisser t'endormir, mais je veux profiter de mon petit neveu encore un peu. On ne va plus se voir pendant un moment, tu sais, et puis je pourrais parler des heures de maisons, tellement c'est intéressant. »
Kesley (pensée) :
« C'est bien ce qui me fait peur. »
Yas (avec un air un peu nostalgique) :
« Enfin, ce changement de cadre de vie, cette indépendance qui se rapproche… Ça te fait pas bizarre, un peu ? Je me rappelle, quand j'ai quitté le foyer, Mama a failli faire une crise ! HaHa ! Elle n'en revenait pas. C'est vrai que c'est pas habituel pour une femme de notre origine de quitter le foyer tant qu'elle n'est pas mariée… pire encore, quitter le pays pour partir dans un endroit tout à fait différent, loin de tout. Mais bon, c'était ce qu'il y avait de mieux pour accomplir mes rêves. Et regarde où j'en suis aujourd'hui. »
Kesley (pensée) :
« Waouh, je ne pensais pas qu'elle pouvait être aussi sérieuse. Et surtout, donner des conseils. Elle est malade ? Mais dans le fond, je pense qu'elle n'a pas totalement tort. »
(se tournant lentement vers la vitre côté passager)
Yas (toute enjouée) :
« T'es bien sûr d'avoir pris toutes tes affaires ? Vérifie bien et je préviendrai ta mère pour qu'elle puisse te les envoyer dans un point Circulum pas loin de ton appart'. Et puis la connaissant, elle t'enverra sûrement plusieurs cartons dans le mois. Ça te fera travailler ton corps mince ! HaHa ! »
Kesley (d'une voix basse et agacée) :
« Voilà pourquoi tu n'as toujours pas de mari. »
Arrivé dans la ville de Malavia :
La route défile lentement, et chaque kilomètre me rapproche un peu plus de Malavia. La voiture de Tante Yas roule sans bruit, comme si même le moteur voulait respecter le silence de ce départ.
Ce n'est pas le genre de moment où tu t'attends à des révélations ou à des grands discours. C'est juste… une transition. Et c'est comme ça que je le prends.
Peu à peu, Karate disparaît dans le rétroviseur. Les petits lotissements verdoyants laissent place à d'immenses tours de verre. Je soupire discrètement. Typique des grandes villes, toujours à tout remplacer par du béton et du métal.
Le bruit des voitures filant à toute vitesse nous entoure, malgré la technologie insonorisante du véhicule de Tante Yas. Pas de doute
nous approchons d'une grande ville. Super. Les néons et les hologrammes se multiplient, balançant des pubs criardes à chaque coin de rue.
Génial, maintenant même le ciel est une vitrine publicitaire. L'éclat me force à plisser les yeux un instant. Une odeur d'ozone et de fleurs métalliques
Puis, Malavia se dévoile sous mes yeux. Un immense hologramme l'annonce officiellement, comme si c'était nécessaire. Sérieusement, qui pourrait rater un monstre pareil ?
L'une des villes les plus développées d'Astilia se dresse devant moi, imposante, écrasante. Ses tours de verres gigantesques s'élèvent vers le ciel, arrogantes, comme si elles tentaient d'atteindre quelque chose d'invisible. Leurs reflets métalliques brillent sous un début de soirée presque artificiel, créant un spectacle à la fois fascinant et intimidant.
Tante Yas, toute satisfaite et surtout détendue d'enfin voir le bout du trajet, déclara avec fierté :
« Voilà Malavia. »
J'acquiesçai d'un simple hochement de tête, timide, sans trop en faire. J'avoue, l'ampleur de la ville m'a surpris sur le coup, mais j'ai vite repris contenance.
Tante Yas enchaîna aussitôt, me racontant avec enthousiasme que c'est ici que mon père avait rencontré ma mère. Sérieusement ? Elle pouvait pas trouver un sujet plus gênant ? Ce n'est même pas l'histoire en elle-même qui me dérange, mais plutôt la manière dont elle la raconte. Tante Yas a ce don incroyable d'exagérer chaque détail, comme si elle était la narratrice d'un vieux roman à l'eau de rose.
Enfin, voilà, nous arrivons dans la ville où je vais passer un certain temps. Tante Yas m'a trouvé un appartement, c'est pratique d'avoir une agent immobilière dans la famille, même si elle parle sans arrêt. Je n'ai pas eu à m'occuper de cette formalité.
En approchant de l'appart, elle commence à me vendre le lieu avec une passion débordante : « Tu verras, c'est une super offre, j'ai fait appel à mon réseau, c'est un quartier top et bien placé, pas trop loin de l'université… Franchement, je suis la meilleure, non ? »
Avant même que je puisse lui répondre Elle rajouta subitement : « Arrête, je vais rougir si tu continues… Bon, avec ma peau mate, ça se verrait pas trop, haha ! »
C'est toujours aussi drôle, même si je n'ai pas forcément la même énergie.
Arrivés dans le quartier se nommant Strata Vale, elle me raconte sans fin ses connaissances : des familles de cadres et de hauts dirigeants d'Astilia. Elle me parle de l'emplacement stratégique et des loyers exorbitants, mais je n'écoute plus vraiment. Ça ne changera rien à ma vie.
Le quartier résidentiel donne sur de magnifiques maisons blanches et marbrées, l'archétype du luxe malavien. Des maisons d'hommes d'affaires, des conseillers de l'empereur. Ça se voit qu'ici, ils ont mis le paquet sur le futurisme. Trop propre, trop carré. Le genre de quartier où t'as peur de déranger en respirant trop fort.
En traversant la zone commerciale, je commence à repérer les magasins. Je suis plutôt difficile niveau nourriture, et avec Mama à des kilomètres, je vais devoir m'adapter et vite.
Nous voilà enfin arrivés à destination. Je vais pouvoir m'étirer un peu, ce trajet n'était pas le plus confortable. En y repensant, cette zone est la plus simple que j'ai vue, mais trop épurée, trop blanche, trop lisse.
On dirait un décor de jeu où le PDG vit avec ses six femmes ou quelque chose dans le genre... Enfin, tant que j'ai un toit.
Tante Yas, d'un air intrigué, lança doucement : « Cependant, ça s'est construit bien trop rapidement. » Elle m'expliqua qu'il y avait, sous nos pieds, un ancien centre de recherche privé, financé par l'Empire, mais qu'à cause d'un manque de moyens, il avait été rasé, selon les rumeurs.
Je n'ai pas tout écouté, mais ça ressemblait à ça. Tout en nous dirigeant vers ce qui va me servir d'espace de vie, je repense quand même à ce que Tante Yas m'a dit. Même si ça ne m'intéresse pas vraiment, il faut admettre que cette histoire n'avait pas trop de sens.
Bref, tout ce qui touche à la politique, ce n'est pas vraiment ce qui me passionne le plus.
En sortant de l'ascenseur et en marchant un peu, on arrive enfin devant la porte.
Avant qu'on entre, Tante Yas marque un arrêt, me fixant avec son air satisfait, impatiente de voir ma réaction. Elle déverrouille la porte cryptée avec la carte d'accès, ssshhhhh.., la porte à capteurs glisse et elle fait un tada.
Ce que je vois devant moi ? Un studio tout ce qu'il y a de plus simple. Enfin, quelque chose de normal. Depuis mon arrivée, j'espérais ne pas tomber sur un design blanc marbré avec des motifs, un lustre au plafond… Tout ça me suffisait largement.
Yas semble satisfaite que je ne m'écroule pas devant la porte à la vue de la décoration de l'appartement. Après m'avoir expliqué à peu près tout, elle me dit :
« Bon, je te laisse, on se revoit plus tard. »
Elle partit. Je commence par déposer mon sac. Je remarque qu'elle avait déjà pris soin de faire venir mes affaires à l'avance par les déménageurs. J'espère qu'elle n'a pas payé trop cher pour le transit par le circuit Circulum.
En zieutant l'appart, je repère un canapé modulable aux lignes épurées, une table interactive holographique en verre , un module de cuisine intelligent et un lit à lévitation magnétique. Pas de doute, Yas a quand même fait jouer ses contacts mais au moins ce n'est pas comme dehors.
De toute façon, je ne compte pas m'attacher à ce genre de détails ni à la déco que je vais apporter. Ce n'est pas vraiment mon truc.
Fatigué de ce trajet, je n'ai même pas pris la peine de me changer ou de ranger mes affaires. L'appartement, avec ses couleurs neutres et son ambiance trop lisse, n'a rien de particulier à offrir, et je m'en fiche bien.
Le lit, en revanche, est assez confortable pour que j'oublie tout ça, pour le moment.
Je me laisse tomber dedans, le bruit des bâtiments à l'extérieur à peine audible derrière les murs trop épais. Une légère vibration parcourt le matelas, signe que la lévitation magnétique est activée.
J'y pense, peut-être que demain me donnera enfin quelque chose de plus intéressant à faire. L'université ? Ce n'est qu'une étape, je suppose. « Ce qui m'attend est ailleurs. »