Fragments D'Echo 002 : “L’indifférence et le mystère : l’écho se réveille”

« Hein ? » Mes yeux s'ouvrent sur un plafond inconnu. « Ah oui, c'est vrai... mon nouveau nid. » Un mélange de curiosité et d'indifférence m'envahit. Quelle heure est-il ?

 J'ai dû oublier de programmer mon réveil. Pas grave, ces fichus hologrammes publicitaires s'en chargent. Leurs voix étouffées percent l'épais mur. « -20% sur la Syzer Helia ! Le monospace astilien qui va changer votre vie et celle de votre famille ! » Ouais, c'est ça... J'hausse un sourcil, mi-amusé, mi-agacé. Bon, faut bien se lever.

« Le réveil… quelle galère. Un effort surhumain pour sortir de ce lit. L'élan retombe aussi sec. Cinq minutes à fixer cette fichue table interactive. Le néant. Comme ma motivation. Bon, faut bien se bouger. La douche, quoi. »

La salle de bain. Pas mon endroit préféré, mais bon. Une douche. Histoire de ne pas sentir le fauve dès le matin. Dix minutes, montre en main. Histoire de ne pas perdre trop de temps. Sauf pour mes cheveux. L'huile, toujours. Un rituel immuable.

Direction la valise. Pas besoin de cogiter. Cargo sombre, t-shirt uni, veste en jean. Neutre. Discret. Pas de fluo, pas de paillettes. L'attention ? Très peu pour moi. Baskets blanches, confortables. Le minimum syndical, quoi.

Déjà, je visualise les autres. Universitaires. Mode Malavianne. Pantalons à motifs dynamiques, vestes LED. Sapins de Noël ambulants. « La mode », qu'ils disent. Je me regarde dans le miroir. Pas de quoi faire tourner les têtes. Mais au moins, je ne suis pas un clown.

Petit-déjeuner ? Plus tard. Pas faim. Je vérifie rapidement mon porteur, histoire de voir si j'ai des messages importants. Rien de neuf. J'ajuste ma veste en jean, un geste machinal. C'est parti.

"Enfin sorti, je respirai un grand coup. Direction l'inconnu"

"J'espère que les cours seront moins ennuyeux que les pubs" 

Sorti de mon bâtiment, les bruits techniques et artificiels de la cité numérique me vrillent les tympans. Direction l'arrêt de la navette Astilialink, le réseau de transport en commun de l'empire, qui sillonne dans les quatre grandes villes, Malavia comprise.

Elle passe toutes les dix minutes, le plus proche est à deux cents mètres. Honnêtement, je trouve que c'est un peu surfait. Mais il faut bien admettre que Strata Vale est l'un des quartiers les plus modernes de Malavia, si ce n'est le plus.

Toutes les technologies sorties ces cinq dernières années sont là : capteurs adaptatifs qui assurent une haute sécurité en scannant discrètement tous les visages grâce à l'IA, systèmes de régulation de température qui maintiennent un climat artificiel parfait et j'en passe.

Les façades des bâtiments, recouvertes d'écrans muraux géants, diffusaient les publicités et des images de luxueuses voitures. Un ciel d'un bleu uniforme plane au-dessus de nous, sans nuages, comme une toile de fond synthétique. 

Je comprends mieux, depuis ma discussion avec tante Yass, pourquoi tous les favoris de l'empereur habitent ici et son air intrigué sur la construction trop rapide. Rien d'étonnant. J'espère que la navette ne sera pas trop bondée ce matin, j'ai pas envie de me retrouver coincé comme une sardine avec des étudiants surexcités. 

Je continue ma marche vers l'arrêt de la navette. Une légère vibration me parvient, puis un bip discret. Mon porteur. Un message. J'active l'interface holographique, une projection bleutée qui s'élève de mon poignet. Mes parents. Ils prennent de mes nouvelles, comme toujours. Je tape une réponse, réfléchissant à mes mots. « C'est... grand, ici. Mais je m'y fais petit à petit. » Pas la peine de les inquiéter. Surtout maman, qui s'emballe pour un rien.

Le ciel, toujours cet azur parfait, artificiel. Pas un nuage. La lumière, chaude, presque trop vive sur ma peau. J'aperçois l'arrêt de la navette. Vide. Tant mieux. Pas d'humeur pour les conversations forcées. Je jette un coup d'œil à l'horloge impériale, un grand cadran lumineux. J'ai cinq minutes d'avances pas de quoi s'extasier, mais au moins, je ne serai pas en retard. 

 Pile à l'heure. Un grondement magnétique, un sifflement de vent qui s'amplifie. La navette AstiliaLink approche. Vingt mètres de long, sept de large. Métal poli, trop propre. On dirait qu'elle sort tout juste d'usine. Sustentation à induction contrôlée. La dernière merveille technologique. Lévitation électromagnétique. Et les rues pavées, le même principe. Technologie astilienne. Parfaite, forcément.

Pourquoi ça ne m'étonne même pas ? Toujours cette obsession de la perfection. Un peu flippant, à la longue. Je valide mon voyage sur mon porteur. Bip discret. Je choisis une place à l'entrée. Pas envie de traverser toute cette longueur. Des sièges en cuir synthétique, des écrans qui diffusent les trajets et les normes de sécurité, une lumière douce et uniforme. Trop propre. Odeur de neuf, de plastique.

La navette s'arrête en douceur. Portes coulissantes. Sifflement. Des étudiants, des employés, quelques personnes âgées. Tous pressés, indifférents. dos à la vitre. Je sors mon porteur. Message de tante Yass. « Bien installé ? » « Ça va. » Pas envie de papoter. 

 Une voix féminine robotique, monotone, résonne dans la navette. « Vous êtes bien arrivé à l'arrêt de l'université Joakin Elios Omen 1er. Toute l'équipe Astilialink espère que vous avez fait bon voyage. »

Je me levai, jetant un coup d'œil à l'extérieur. L'arrêt était grand, moderne, impersonnel. Des plaques de métal froid, des écrans publicitaires qui clignotent, une odeur de désinfectant. Des étudiants, des clones, plutôt. Tous habillés pareil, tous le nez sur leur porteur, se pressaient déjà vers l'entrée. Joakin Elios Omen 1er… ils se sont pas foulés pour le nom. Direct celui du vieux. Original.

La façade de l'université n'avait rien à voir avec l'architecture futuriste de Malavia. Un bâtiment en pierre massive, des colonnes, des statues... On se serait cru dans un musée. On dirait qu'ils ont oublié de mettre à jour le bâtiment. 

« Bon, voyons ce que ça va donner, ce nouvel établissement. » Sans hésitation, je me dirige vers l'entrée, à la recherche de l'auditorium. Des cartes holographiques, bleutées et scintillantes, flottaient dans l'air. Je m'avance vers l'une d'elles.

Un brouhaha de foule m'entoure. Le pire.

« T'as vu le dernier défilé ? Miss Malavia était trop belle ! » « Incroyable, mec ! T'as le nouveau porteur ! » « Ouais, mon père me l'a acheté avant la rentrée. » « J'espère qu'il y aura de la meuf dans mon groupe ! » Des regards insistants se tournent vers une fille qui passe, vêtue d'une robe scintillante. Tous les mêmes.

« Un rassemblement. Pas que ça m'intrigue. Le chemin le plus court, c'est tout. »

La foule, une masse grouillante, se déplace soudainement. Directement vers moi. Des voix moqueuses, des regards haineux.

« Mais qu'est-ce qu'un Traste fait ici ? Rentre chez toi, t'as pas ta place ! »

Des idiots. Je les ignore, continue mon chemin. Un type, plus petit que les autres, les cheveux en bataille, se détache de la foule. Il me regarde, un mélange de curiosité et de défi dans les yeux. Traste ?

« T'es avec eux, toi aussi ? Tu vas te moquer parce que je viens d'un village sous-développé et pas d'une grande ville ? » Sa voix, enrouée, presque une mue inachevée, tremblait légèrement.

Il me fixait, les yeux emplis de défi et de méfiance. Sa chemise blanc crème, déboutonnée et presque arrachée, témoignait d'une lutte récente. Son pantalon chino, froissé et sale, et ses chaussures usées, couvertes de traces de pas, racontaient une histoire de difficultés. Traste… c'est donc ça.

« Je ne vois pas de quoi tu parles. Je n'ai pas le temps pour tes divagations. Je dois me rendre à l'auditorium. Prends ça comme tu veux. Mais si tu es si courageux, pourquoi tu t'es laissé faire ? »

Ils bloquaient le passage. Inutile de me justifier.

« Je suis Vael Lysander Traste, arrière-arrière-petit-fils du fondateur de la ville de Traste, Lucious Lysander Traste. Tu penses vraiment que ce groupe de fils à papa Malavien va m'intimider ? Tu me connais très mal », dit-il d'un air très fier.

« Ouais, d'accord, Lysvel Trasder. Si ça te permet de te consoler, moi tu vois, j'ai autre chose à faire.»

« C'est VA-EL LYS-VEL TRASTEEEE ! »

Le cri résonna dans le hall, une vague sonore qui attira tous les regards. Je me détournai, avançant tranquillement vers l'auditorium. Les portes automatiques coulissèrent, s'ouvrant sur un couloir désert. Alors que je les franchissais, une fraction de seconde, une sensation de froid glacial me saisit, mes muscles se raidirent instantanément, et là, une voix basse, comme un écho lointain, murmura à mon oreille : « Kesley… »

Un frisson me parcourut l'échine, une sensation étrange qui contrastait avec la chaleur artificielle de l'université. Je me retournai, balayant le hall du regard. Rien. Juste le brouhaha de la foule qui s'estompait, l'odeur de désinfectant qui imprégnait l'air, et le scintillement des hologrammes informatives.

Une anomalie auditive, probablement. Je secouai légèrement la tête, comme pour dissiper une pensée parasite. Inutile de s'attarder. L'auditorium m'attend.

A SUIVRE…