Fragments D'Echo 003 : Entre Rencontres et Résonances

L'auditorium est là. Une foule immense. Ils se bousculent, courent, se faufilent.

« Poussez-vous ! », « Désolé ! », « On va être en retard ! ». Une vraie course pour avoir une place. (Sérieux ?) Drague ou pas, ils n'ont pas d'autres plans ? Soudain, je repense à la voix de tout à l'heure, et cette sensation étrange...

(Ça date de ma deuxième année de lycée, la dernière fois que j'ai vraiment parlé à une fille.) Synchronisation de porteurs pour un devoir. C'était elle qui avait besoin de moi. Le seul de mon ancienne école ici, donc peu de chance que ce soit quelqu'un qui me connaisse. Ça ne va pas arranger les choses de penser à tout ça maintenant, j'ai autre chose à faire.

Devant l'entrée,vzzzzt, le passage se scinde en deux, une porte à capteurs au motif boisé. Hum... original. J'entre. Une marée humaine.

Des milliers de personnes assises, en rangs, face à la scène. Le bruit de la foule, toujours aussi... prenant. Je lève les yeux. Des cristaux de toutes les couleurs illuminent la salle, une atmosphère presque chaleureuse. Presque.

Je m'assieds sur le siège le plus proche. Pas besoin de se battre pour une place. Une voix se rapproche. « Hé, toi ! » (Sûrement quelqu'un d'autre.) « Oui, toi, avec tes cheveux longs et noirs ! » (Il y a forcément quelqu'un d'autre ici avec des cheveux longs et noirs.) « Toi, avec la veste en jean ! Tu t'es enfui tout à l'heure, tu m'as manqué de respect ! » Il parle fort, le type. Tss ! Je fais genre de rien entendre, je m'installe. Mais il insiste. « Tu m'ignores, en plus ! Espèce de lâche ! » (Laisse-moi tranquille, bordel.) Je croise les bras, je fais le mort.

La voix derrière moi retentit soudainement. Il s'était glissé derrière moi sans que je le remarque. Mais où est passé le type qui était là avant ?

Une silhouette mince mais un peu musclée, des cheveux longs châtains attachés avec un élastique et une mèche blond platine qui défile de son front jusqu'à l'extrémité. C'était lui, le type harcelé tout à l'heure, celui qui cherche à me provoquer. « Lysvael ? Lystraste ? Valelys ? Enfin, peu importe son nom. »

Il me cherche vraiment des noises. Je soupire. Déjà que je me sens à l'étroit au milieu de tout ce monde... L'autre ne me lâche toujours pas du regard. Il me fixe avec détermination. Qu'est-ce qu'il me veut, à la fin ? Je croise les bras, faisant de mon mieux pour l'ignorer. Peut-être que si je ne dis rien, il finira par se lasser. Laisse-moi tranquille…

Vael, d'une voix hésitante : « Je voulais… euh… Je voulais… »

(Il est bête en plus.) Je le regarde du coin de l'œil. Quoi ? Il va vraiment s'excuser ?

Vael : « Je voulais m'excuser pour mon comportement. J'ai bien compris que t'étais pas… »

« Mes chers élèves, à vous qui serez les piliers d'Astilia demain, je tenais à vous féliciter d'être arrivés jusqu'ici ! »

Ouf ! Le discours de début d'année. Pile au bon moment. Je me détends un peu. Il voulait vraiment s'excuser ? Bizarre.

Le directeur de l'université, des cheveux brun plaqués en arrière, un costume sombre élégant montrant son statut et un porteur de luxe édition limitée, parle d'une voix portante et grave en direction des élèves. Discours pompeux.

Bzzzt... cling. Le son d'une projection de porteur se mêle à sa voix. Des hologrammes colorés dansent au-dessus de l'estrade, illustrant son discours. Des images de propagande, sans doute.

« Depuis sa création il y a plus de 100 ans, l'université a pour but de faire de ses élèves les innovateurs et la force de notre empire. Grâce aux meilleurs professeurs venus des quatre coins de ce dernier, vous pourrez laisser libre cours à votre créativité et faire naître les idées qui vont renforcer la notoriété de l'Etablissement qui porte fièrement le nom de notre légendaire souverain disparu, Joakin Elios Omen 1er . »

Après un long discours interminable… J'ai l'impression qu'il parle depuis une heure.

« Je tiens à conclure ce discours par notre nouveau programme impérial instauré par son altesse lui-même, qui vise à favoriser l'insertion des jeunes étudiants Astiliens les plus démunis par le biais d'une bourse, notamment ceux venant de villages comme Traste. C'est un pas de plus vers le vivre ensemble. » Vivre ensemble... quelle blague.

Vael, d'une voix basse et agacée : « Tu parles de vivre ensemble, rien qu'il y a quelques minutes, je me suis fait rentrer dedans parce que je venais de Traste. »

« Merci à toutes et à tous pour votre attention. » Les lumières des cristaux, qui s'étaient centrées sur le directeur lors du début de son discours, reprennent leurs places. Enfin fini.

Je me lève en direction de la sortie. D'ailleurs, il voulait quoi, l'autre ? Me parler ? S'excuser ?

..!! Soudain, mes yeux se voilent. Tout devient noir.Mon pouls s'accélère je sens mon cœur battre de plus en plus fort au point d'entendre clairement les battements. Puis…. Rien…. Et la…

(flash blanc) (bourdonnements)

« Night, on s'est fait repérer !!!!! »

Des bruits de pas rapides et métalliques qui résonnent comme si quelqu'un se rapprochait, accompagnent sa voix étouffée. Une voix inconnue, lointaine, qui résonne dans ma tête embrumée. C'est quoi ces voix ?

« Kesley… je t'attends », encore la voix de cette femme, un ton doux presque sensuel, comme un souffle. Un truc qui se faufilait dans ma tête, et ça… ça me retournait le cerveau.

Un léger flou, et je reprends mes esprits. Je suis toujours dans les vapes. Ma tête...

Vael : « Eh oh, ça va ? Tu m'entends ? Tout le monde est déjà parti, tu sais ? »

Il me secoue légèrement. Il me touche ?

Vael : « T'avais l'air comme absent, déconnecté. Ça t'arrive souvent ? Tu veux qu'on aille à l'infirmerie ? »

« Non, c'est bon. » Je me touche la tête, voix fatiguée, air d'incompréhension. Puis, je reprends ma route, sans laisser transparaître quoi que ce soit.

Vael, tout en me suivant : « Tu sais ce qu'il a, le directeur ? Moi, j'y crois pas un mot. C'est pas en octroyant des bourses que ça va changer la mentalité des bourges Malaviens. »

(Attends, il me parle comme si on était super potes, moi et lui, là ?)

Vael : « Eh, tu pourrais m'écouter quand je te parle ! »

(Il m'a pas traité de lâche il y a genre une heure...) Je lève un sourcil, agacé.

« J'ai pas le temps là, je dois partir. » Je me détourne, mais il me rattrape par le bras.

Vael : « Ce que je voulais te dire avant que le directeur m'interrompe, c'est que… » j'étais lâche. (Je suis sûr qu'il ne s'y attendait pas à celle-là.) Il baisse les yeux, une partie de sa mèche blonde tombant sur son front. « Oui, enfin non ! Je voulais m'excuser pour ce que j'ai dit tout à l'heure. Après t'avoir vu à l'extrême opposé du groupe, j'ai compris que t'étais pas avec eux. »

« Tant mieux pour toi alors. » Je me dégage de son emprise, tout en continuant mon chemin.

Vael : « On t'a dit que t'étais vraiment pas commode ? » Il me regarde droit dans les yeux, un sourire en coin.

Peut-être, je ne sais pas. (Il pense vraiment que j'en ai quelque chose à faire de ce qu'on pense de moi ?)

Vael : « Au risque de me répéter, moi c'est Vael Lysander Traste, petit-fils de... »

« Oui, je t'ai entendu le gueuler la dernière fois. Je suis pas sourd, Lysvel.»

« C'est Vael… enfin bref, et toi, tu t'appelles ? »

(Je suis obligé de lui répondre ? Enfin, je pense que si je lui réponds, je pourrai enfin partir.) « J'avais pas prévu ça en me réveillant ce matin. »

« Kesley… » Je le dis d'un air blasé.

Vael : « TON-NOM-COMPLET. C'est une coutume à Traste quand on se rencontre. Père m'a dit que ça permet d'établir de bonnes bases entre deux personnes. »

(En vrai, j'y connais rien aux villages d'Astilia. Je suis pas le plus fort en géographie, mais on peut situer Traste facilement : c'est à cinq cents kilomètres de Malavia.) « Par contre, je connais rien de leurs coutumes. Je sais juste que c'est dans les hauteurs, d'après ce que Baba m'a dit un jour. Ils sont spécialisés dans l'agriculture et un gars de chez eux a inventé le résonateur tellurique, grâce aux ondes projetées dans le sol il peut faire un tas de mesures et optimiser les cultures, un truc comme ça. » (Ah, c'est vrai, faut que je lui réponde.)

« Kesley Arden Evon. »

Vael me regarde pendant dix bonnes secondes. « Quoi ? Mais c'est trop stylé comme nom ! Franchement, c'est trop classe ! Comment tes parents l'ont trouvé ? Et puis, t'es originaire d'où ? Je t'ai dit que je venais de Traste, moi. »

Ce mec a beaucoup trop d'énergie pour moi, mais est-ce vraiment dérangeant ?

A SUIVRE...