Feng Lin progressait lentement dans le couloir délabré, le bois vermoulu sous ses pas émettant de légers craquements. Le vent nocturne s'infiltrait par les interstices des murs, soulevant des volutes de poussière qui dansaient dans la lumière vacillante des lanternes à huile. Le domaine du clan Feng, autrefois symbole de grandeur, n'était plus qu'une relique du passé, rongée par le temps et l'abandon.
Lorsqu'il arriva devant sa chambre, il s'arrêta net.
Adossée contre le chambranle de la porte, Feng Yue l'attendait.
Son port de tête altier et la manière dont elle croisait les bras sur sa poitrine trahissaient une assurance naturelle, teintée d'une arrogance contenue. Même dans l'ombre du déclin, elle conservait une prestance propre aux lignées nobles. Sa robe bleu nuit, bien que sobre et légèrement usée aux bords, était soigneusement entretenue, et ses longs cheveux noirs, attachés en un chignon serré, montraient qu'elle tenait encore à une certaine apparence.
Ses yeux sombres fixaient Feng Lin avec une intensité froide, comme si elle évaluait chacun de ses mouvements. Un silence pesant s'installa entre eux, seulement troublé par le murmure du vent à travers les fissures du couloir.
Feng Lin ne bougea pas, se contentant de soutenir son regard, attendant qu'elle rompe le silence en premier.
Sa posture trahissait une certaine impatience, mais son visage restait impassible. Pourtant, Feng Lin savait qu'elle ne l'attendait pas sans raison.
Il arrive enfin... Cet idiot traîne toujours aussi lentement. Mais non, ce n'est plus le même. Depuis quelque temps, quelque chose a changé chez lui... Je l'ai ignoré jusqu'ici, mais je ne peux plus faire semblant
Feng Yue se redressa dès qu'il fut à sa hauteur, l'ombre des lanternes vacillantes projetant une lueur tremblante sur son visage.
— Toi. Viens avec moi.
Feng Lin haussa un sourcil, croisant les bras avec une certaine nonchalance.
— Hmm ? Depuis quand tu me donnes des ordres ?
Feng Yue réprima un soupir, mais son regard ne vacilla pas.
Avant son coma, c'était un gamin capricieux, toujours collé à moi, incapable de faire quoi que ce soit seul. Il n'aurait jamais répondu comme ça… Mais maintenant, il est trop calme. Trop sûr de lui.
Elle détourna le regard une seconde, comme pour rassembler ses pensées, puis ajouta d'un ton plus ferme :
— Pas de discussions. Suis-moi.
Feng Lin haussa légèrement les épaules avant d'emboîter le pas à sa sœur. Le silence entre eux était lourd, seulement troublé par le bruit du bois grinçant sous leurs pas. Les couloirs délabrés du domaine Feng n'étaient plus que l'ombre de ce qu'ils avaient été.
Notre clan a beau être tombé dans la déchéance depuis cinq siècles, Feng Lin n'a jamais eu à en porter le poids. Il n'était qu'un enfant avant son coma… Mais alors, pourquoi ai-je l'impression qu'il en sait bien plus qu'il ne le devrait ?
Ils arrivèrent dans la cour arrière, un endroit reculé où le vent soufflait plus fort. Feng Yue s'arrêta net, puis se retourna vers lui, son regard toujours aussi perçant.
— Dis-moi, Feng Lin… Qu'est-ce qui t'arrive ?
Feng Lin plissa légèrement les yeux.
— Je ne vois pas ce que tu veux dire.
Feng Yue serra les poings.
Il évite ma question… Comme s'il savait exactement où je voulais en venir.
— Arrête ça. Avant ton coma, tu étais un enfant gâté et fragile. Quinze ans plus tard, tu devrais être encore plus perdu que moi dans ce monde… Mais ce n'est pas le cas. Tu es trop calme, trop réfléchi.
Elle marqua une pause, puis esquissa un léger sourire.
— Ça tombe bien. J'ai un moyen simple de vérifier quelque chose.
Feng Lin ne broncha pas.
— Ah ? Et quel genre de test tu veux me faire passer ?
Feng Yue croisa les bras, son sourire s'élargissant légèrement.
— Ces derniers temps, des voleurs se sont introduits dans le domaine. Tu vas m'aider à les chasser.
En réalité, il n'y en a pas de très fort… Mais si tu es vraiment Feng Lin, tu ne devrais avoir aucune expérience en combat. Si tu te défends trop bien… alors tu n'es pas celui que tu prétends être.
Feng Lin fixa Feng Yue du coin de l'œil, analysant la situation.
Il y a bien des voleurs… mais ce n'est pas la vraie raison de ce test. Elle veut vérifier si je suis vraiment moi.
Il fronça légèrement les sourcils et soupira, feignant l'agacement.
— Me faire affronter des voleurs ? Depuis quand on me considère assez fort pour ça ?
Feng Yue croisa les bras, son regard perçant braqué sur lui.
— Si tu es vraiment Feng Lin, tu n'auras aucune chance, pas vrai ?
Il essaie de paraître hésitant… mais son regard ne montre aucune peur. Cet idiot évite peut-être mieux qu'avant, mais il ne sait pas mentir.
Feng Lin haussa les épaules.
— Si je meurs, ce sera de ta faute.
Il adopta une posture maladroite et attendit.
Quelques secondes plus tard, une ombre se faufila dans la cour. Un homme en vêtements sombres, le visage à moitié couvert, s'avança prudemment.
Le voleur s'arrêta à quelques mètres, scrutant les deux jeunes gens d'un regard perçant. Son visage à moitié couvert ne cachait pas la tension dans ses gestes.
— Vous… Donnez-moi tout ce que vous avez, et il ne vous arrivera rien.
Feng Lin jeta un coup d'œil rapide à Feng Yue. Elle ne bougeait pas, observant chaque détail avec attention.
Il fit un pas en arrière, feignant la panique.
— Q-Que… Qu'est-ce que tu veux dire ?
Le voleur avança d'un pas, sa main crispée sur le manche de sa dague.
Feng Yue, toujours impassible, lança d'une voix froide :
— Si tu veux fuir, c'est le moment.
Elle me pousse à montrer mes vraies couleurs. Elle s'attend à ce que je coure ou que je me fasse blesser.
Feng Lin prit une inspiration tremblante et recula encore, puis trébucha volontairement, tombant maladroitement en arrière.
Le voleur hésita une fraction de seconde. Feng Yue, quant à elle, fronça légèrement les sourcils.
Ce n'est pas normal… Il recule trop bien, même dans sa maladresse.
Feng Lin posa une main sur le sol, prêt à agir si nécessaire.
Je dois jouer le jeu jusqu'au bout, mais… que va-t-il faire maintenant